Si vous avez aimé La Servante Ecarlate de Atwood, et les Femmes de Stepford de Levin, vous devriez à priori aimé ce roman de Sinisalo. Enfin, vous serez probablement comme moi, un peu révoltée et choquée par l'ambiance totalitaire, mais vous devriez y trouver grand intérêt à le lire.
L'auteure nous décrit, sous forme d'uchronie dystopique, comment la société Finlandaise, puis la science (suivi des expériences de Dmitri Beliaiev), ont contribué à développer une sorte de femme docile et charmante comme un animal domestique. La femme se divise alors en deux catégories : les Eloïs (qui doivent se marier et s'accoupler) et les Morlocks (qui seront stérilisées et devront travailler). Je vous laisse soin de lire ce roman pour réaliser ce que cela signifie…
L'auteure va mélanger Journal Intime, récit, et « Histoire » pour agrémenter son roman qui évolue entre le polar (une quête, une soeur disparue, un trafic de drogue), la dystopie, la botanique et le fantastique (les effets hallucinogènes de la capsaïsine qui ouvrent plus que des chakras). Mais surtout la condition de la Femme qui sera maîtresse de l'ensemble :
« Beaucoup de virilos tiennent leur femme soigneusement cloîtrée entre quatre murs. » Les virilos ont absolument tous les droits sur leurs épouses. TOUT ! Elles sont dressées pour être plus docile qu'un animal domestique. « Eloï : sous-race du sexe féminin, active sur le marché de l'accouplement et vouée à favoriser par tous les moyens le bien-être du sexe masculin. » Nous aurons même droit à un extrait de guide pour éduquer les Eloïs : « Lorsque vous donnez un ordre, attendez que l'éloï réagisse et, si elle se comporte de la manière voulue, récompensez-la immédiatement. » Avec une friandise si elle est gourmande, des fleurs, un bijou, une caresse dans les cheveux ou une petite tape sur les fesses. Oui oui comme nous faisons avec nos chiens… Je vous laisse soin d'imaginer le reste ou mieux, de lire ce roman…
Commenter  J’apprécie         8015
Dystopie
Finlande de nos jours
Vanna nous raconte tout d'abord son enfance. A l'âge de 4 ans,ses parents meurent dans un accident de la route et elle et sa soeur sont recueillies par leur grand-mère en Finlande. On apprend les réalités de la vie de ce pays par les yeux d'enfants. Les petites filles sont élevées pour devenir de parfaites ménagères et il existe une « cérémonie » qui détermine le sexe des filles : une fille peut devenir soit une Eloï, soit une Morlock. Etre une Eloï signifie devenir domestiquée mais avec une vie relativement facile (avec mari, enfants,sécurité) ; être désignée Morlock revient à être « déclassée », utilisée pour du travail physique très pénible, être stérilisée et devenir une esclave. La grand-mère, consciente du danger, élève les deux filles pour qu'elles soient « reconnues » comme Eloïs , c'est le cas sans doute pour Manna, la plus jeune soeur, mais pas pour Vanna l'aînée, celle ci devient donc officiellement Eloï même si elle se sait Morlock à l'intérieur. Les hommes eux sont partagés également en deux groupes , les virilos à qui tout est permis et les infras réduits en esclavage.
Au delà de l'histoire passionnante de Vanna qui recherche sa soeur disparue un an après son mariage, c'est tout une société de faux semblants et de mensonges qui est décrite. Côté personnages masculins, Jare gagne peu à peu la confiance de Vanna.
Le roman alterne l'histoire vue pr Vanna, quelques témoignages de Jare, et des extraits de pseudo- encyclopédie démontrant l'infériorité de la femme (juste bonne à faire des enfants et tenir le foyer)
Cette dystopie où les femmes sont réduites en esclavage (que ce soit les Eloïs ou les Morlocks, cela reste de l'esclavage) est aussi intéressante que la servante écarlate de Margaret Atwood.
Commenter  J’apprécie         160
J'ai ensuite lu que la pilosité des aisselles et du pubis était un signe visible de maturité sexuelle. Cela avait peut-être aidé les membres des sociétés humaines primitives à savoir si un individu était en âge de s'accoupler. Si on imposait aux éloïs de faire disparaitre ces marqueurs, cela signifiait il que les virilos voulaient en réalité s'accoupler avec des enfants ?
La distribution de sexe - un produit de consommation essentiel à la paix sociale - doit être aussi efficace que possible. A cet effet, le corps scientifique gouvernemental a généré une nouvelle sous-espèce humaine - les éloïs. De type blond, réceptive et soumise, l'éloï est jugée apte pour le marché de l’accouplement et sera vouée à favoriser par tous les moyens le bien-être de son époux. Les morlocks, en revanche, éléments de la population féminine jugés trop indépendants et difficilement domesticables, sont une espèce en voie de disparition. Stérilisées depuis leur plus jeune âge, elles constituent un réservoir de main-d’œuvre affectée à des tâches répétitives.
“Vanna. Si l’enfant, à cause de coliques ou d’une otite, par exemple, pleure sans discontinuer, que fais-tu ?”
La question du professeur me fait sursauter. C’est un virilo, père de famille, déjà âgé d’une quarantaine d’années. Il aime son travail, c’est pour lui une victoire personnelle chaque fois qu’une éloï quitte le lycée pour se marier.
Qu’est-ce qu’il a bien pu dire avant ça ? Je n’ai pas écouté un mot.
Je jette le bébé par la fenêtre ?
“Eh bien, euh, j’essaie de protéger mon conjoint du bruit.
- Plus précisément ?
- Eh bien, j’emmène le bébé loin de l’endroit où il dort. Ou je donne à mon mari des bouchons d’oreilles.”
Le professeur me regarde, surpris. “Tiens, tiens, Vanna, tu as quand même écouté.”
Je n’ai pas écouté. Mais réfléchi.
Les robes à volants rose criard des six demoiselles d'honneur étaient conformes à la tradition : nous devions être aussi peu à notre avantage que possible afin de rehausser la beauté de la mariée. La couturière avait fait un bon travail, nous avions toutes l'air de petits cochons luisants, râblés, venant de se rouler dans un tas de feuilles roses.
Cette toute nouvelle règle concernant les poils était outre contradictoire. Je devais me laisser pousser les cheveux pour que personne ne se doute que j'étais une morlock. Et je devais porter un bikini en été parce que les éloïs portaient des bikinis en été. Pourquoi les poils du haut étaient ils sacrés pour les éloïs et les poils du bas interdits, alors qu'il fallait malgré tout porter des vêtements qui les dévoilaient forcément ?