Le Sacrifice du Papillon
Bon, alors comment m'y prendre sans me faire écharper ou menacer par quelque maison d'édition - sait-on jamais ?
Si je dis simplement que je n'ai pas aimé, cela fera certainement un peu court et puis les gens penseront que je suis malade. Mettons donc les points sur les "i" et soyons clairs.
Le thème est intéressant puisque l'intrigue se centre sur de jeunes Latinos dont on retrouve les cadavres calcinés - ils étaient morts avant de passer au bûcher - dans deux grosses villes américaines. Bien sûr, on se dit dès le début qu'il y a quelque chose de sexuel là-dessous mais enfin, dans ce genre de romans, il n'y a pas trente-six possibilités et on ne va pas faire le dégoûté. L'ennuyeux, c'est que, au fur et à mesure qu'on tourne les pages, on commence à bâiller et qu'une torpeur envahissante s'abat sur vous ... En plein roman policier et même thriller, ça la fout plutôt mal, vous en conviendrez.
C'est un peu comme si l'auteur avait tenté - et réussi d'ailleurs - de restituer la rectitude de ces rues de banlieues américaines où s'ébattent en principe les rejetons de la classe moyenne. Tracés au cordeau, nous avons la maison, le jardin derrière, la petite barrière blanche, le garage pour deux voitures et des personnages si lisses qu'on ne parvient absolument pas à s'attacher à eux. Utiliserait-on des chaînes pour ce faire, qu'on serait encore loin du compte, c'est tout dire !
Les deux héros mâles sont deux types du FBI,
James Cagney (si ! mais il a un deuxième prénom, seulement, je ne l'ai pas retenu) et Jude Morris. Pour les aider à résoudre cette affaire de cadavres qui n'arrêtent pas de fleurir dans les bennes à ordures ou sur les coins de trottoirs perdus, à Chicago et à Boston, ils décident de faire appel à Mrs Gloria Parker-Simmons en qualité de consultante. La dame, froide et spécialisée es-mathématiques plus qu'approfondies, leur a déjà fourni ses services - au tarif supérieur - et ils savent qu'ils valent le prix réclamé. Ils savent aussi que Mrs Parker-Simmons n'est pas vraiment du genre chaleureux mais cela n'empêche ni l'un ni l'autre d'être tombé amoureux d'elle . Mais, pour Mrs Parker-Simmons, un seul amour, sa nièce, Clare, une jeune fille de dix-huit ans environ mais d'un âge mental équivalent à peu près à quatre-cinq ans, à qui elle se consacre pratiquement corps et âme.
Après avoir obtenu que Mrs Parker-Simmons - c'est à peine si j'ose l'appeler Gloria, voyez - étudie leur dossier, les deux hommes démarrent vraiment leur enquête. Commencent alors à alterner des chapitres qui ont le mérite de la brièveté ... mais aussi de la platitude. Tout est tracé au cordeau, je vous dis, à vous en donner le vertige . On en est quasi hypnotisé, au point que je me suis demandée ce que venaient faire là quelques allusions au film "Le Silence des Agneaux" et les photos des fameux papillons qui se sacrifient. Pourquoi se sacrifient-ils, d'ailleurs ? Je ne sais pas si j'ai bien compris et le pire, c'est que j'ai déjà oublié leurs raisons.
En résumé, il y a les Bons (d'une froideur tout à fait remarquable ) et les Mauvais (qui sont tout aussi froids mais enfin, le monde dans lequel semble évoluer Mrs Parker-Simmons m'a tout l'air d'une banquise : ceci explique peut-être cela ). Surtout, surtout : ne pas montrer ses émotions. Sauf son agressivité naturelle, éventuellement. Et encore, ne prend-on pas là un bien grand risque ? Donc, Bons et Méchants se mélangent un peu, certains tuent, d'autres poursuivent les tueurs, il y a aussi un inspecteur de police égorgé et qui était, lui aussi, d'origine latino-américaine, la peur épouvantable que les Méchants ne s'en prennent à Clare et puis, au final, l'élucidation de l'énigme avec en prime Mrs Parker-Simmons qui s'arrange pour quitter la ville et mettre sa nièce à l'abri tout en nettoyant pour la énième fois son dossier personnel.
Toujours optimiste par nature, j'ai lu jusqu'au bout. J'attendais, j'attendais ... J'attends encore. Au moins une petite étincelle pour un livre qui évoque tant de jeunes corps calcinés.
Mais rien, rien de rien. A mes yeux, aucun personnage n'est sorti du lot, ne s'est fait remarquer, n'a cherché à m'accrocher. Probable qu'ils avaient reçu des ordres dans le style : "Et surtout, n'allez pas compromettre Mrs Parker-Simmons avec les lecteurs !"
Tant pis , ma foi. Mais j'avoue que
Andrea H. Japp sera l'un des rares auteurs à qui - peut-être à tort, me ferez-vous remarquer - je ne donnerai pas de seconde chance. Tout ce froid polaire, ces phrases plates sagement alignées, cette absence de fantaisie, cette rigueur absolue et puis, disons-le, ces "conventions" pour marquer le caractère des personnages ...
C'est trop bien rangé pour moi, tout ça, trop impeccable et sans le moindre grain d'imagination. Désolée mais ... hum ... ça réveille mes plus mauvais instincts.
Mais que cela ne vous empêche pas de tenter votre chance. Tous les goûts ne sont-ils pas dans la nature ? ... ;o)