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EAN : 9782253937517
384 pages
Le Livre de Poche (23/08/2023)
3.66/5   98 notes
Résumé :
À Baxter’s Beach, à la Barbade, Wilma, la grand-mère de Lala, raconte l’histoire de la sœur à un bras. C’est un récit édifiant sur ce qui arrive aux filles qui désobéissent à leur mère et se rendent dans les tunnels malfamés de Baxter.

Une fois adulte, Lala vit chichement dans un cabanon de plage avec son mari, Adan, un voyou au charisme dévastateur. Quand un de ses cambriolages dans une villa de luxe voisine dérape, et qu’il est obligé de tuer un ric... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (46) Voir plus Ajouter une critique
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La Barbade. Côté face, ses cocotiers sur ciel d'azur et sable d'or, ses villas luxueuses face à la mer, et ses touristes, riches et blancs, venus oublier les longs mois d'hiver de chez eux. Côté pile, dans une ombre encore obscurcie par un si éclatant mirage, insupportable d'inaccessible proximité, la pauvreté et la désespérance de jeunes Noirs du cru sans avenir.


Malgré les mises en garde de sa grand-mère qui, à grand renfort de contes édifiants comme celui du titre, l'a élevée en espérant la protéger des mille dangers qui guettent les filles pleines de rêves, Lala a succombé au charme trompeur d'Adan, un voyou qu'elle a épousé et dont elle attend un enfant. le couple vivote dans un modeste cabanon en bord de plage, quand Adan commet l'irréparable. Au cours d'un cambriolage foireux qui tourne au drame, il tue le propriétaire des lieux, anéantissant du même coup deux existences : celle de Mira Whalen, la veuve de la victime, que son mariage avec un riche Anglais avait inespérément élevée au-dessus de sa modeste condition d'insulaire, et celle de Lala, qui, avec son nouveau-né, fait les frais de la violence déchaînée d'un Adan aux abois.


Pour les femmes de cette histoire, l'avenir ne se décide qu'au travers des hommes. Si certaines, comme Mira, en sont conscientes et en usent pour s'offrir une meilleure existence, d'autres investissent leur vie sans calcul, éblouies par une séduction éphémère qui ne les protégera pas longtemps des pires désillusions. Dans un cas comme dans l'autre, leur dépendance est totale : dans la famille de Lala, elles subissent sans recours violence conjugale et inceste, ivrognerie et dérives criminelles de leurs maris ; dans la situation de Mira, elles perdent tout en cas de séparation ou de veuvage.


D'une plume qui jamais ne juge, mais décortique avec subtilité la macération du désespoir et de la colère, qui, au fil de générations confrontées à un clivage social abyssal, engage bien des paradis insulaires dans un engrenage de violence de plus en plus incontrôlable, ce premier roman d'une grande maîtrise met en scène de bien crédibles et poignants personnages, transformés peu à peu, et malgré eux, en hommes et femmes au bord de l'explosion. Heureusement, l'amour et le sacrifice produisent parfois leurs fruits, et, peut-être, l'espoir est-il encore permis…

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En 1979, alors que son beau-père est mourant, Lala attache peu d'importance à la légende de la fille à un bras que lui conte sa mère pour la dissuader de traîner hors de la maison. Elle aura l'occasion d'y penser quelques années plus tard…

Cinq ans après Lala est mariée pour le meilleur mais surtout pour le pire avec Adan, un trafiquant à ses heures, et Lala est à la merci de ses accès subits de colère qui s'accompagnent de coups et de menaces de plus en plus violents. Tous les prétextes sont bons pour faire passer sa hargne sur la jeune femme. Il est pourtant capable de gestes tendres et semble profondément ému par la présence de leur petite fille, même s'il n'a pas daigné se déplacer un mois plus tôt pour sa naissance, laissant Lala rejoindre l'hôpital à pied.
Un soir en présence de leur ami Tone, une altercation du jeune couple tourne au drame…

Si le lieutenant Beckles en charge des enquêtes sur l'île de la Barbade est rapidement mis à l'écart de l'affaire du meurtre d'un homme âgé dans sa maison voisine de celle d'Adan, enquête confiée à Scotland Yard, il tente de comprendre ce qui s'est passé ce fameux soir où un enfant a été enlevé.

Il ne s'agit pas à proprement parler d'un polar, puisque que l'on assiste en direct à ce qui arrive et seul le policier est dans l'ignorance . le suspense, c'est de savoir si Adan paiera pour ses forfaits.

Au delà de cet exposé des drames et de la violence, Cherie Jones dresse le portrait de trois générations de femmes, dont le destin s'accomplit au bon vouloir de la malédiction qui plane sur leurs vies. Elles ont tour à tour fait face à une violence extrême d'autant plus perverse qu'elle a mis à mal leur capacité d'être mère, et de protéger leurs enfants.

Le récit est poignant et terriblement addictif. On se sent solidaire avec Lala et on comprend parfaitement les mécanismes qui l'empêchent de fuir : l'amour, la dépendance mais aussi cet éternel espoir que cette raclée sera la dernière.

C'est un roman d'une grande force, qui éveille de nombreuses émotions, de la peur à la colère en passant par une profonde empathie pour le personnage principal.

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L'intrigue se déroule à la Barbade, un décor paradisiaque, avec ses beaux hôtels, ses plages au sable fin, à la mer turquoise. Rien ne laisse présager l'horreur. Lala vit chichement dans un cabanon de plage avec Adan, un mari abusif. Quand un de ses cambriolages dans une villa luxueuse dérape, deux vies de femmes s'effondrent. Celle de la veuve du propriétaire blanc qu'il tue, une insulaire partie de rien. Et celle de Lala, victime collatérale de la violence croissante d'Adan.
Cherie Jones raconte les vies meurtries et les destins tragiques avec justesse tout en dénonçant l'envers du décor des Caraïbes. Elle décrit un monde où les hommes exercent une violence qui leur semble légitime, excusable, sur des femmes n'aspirant qu'à la paix dans un monde qui le leur refuse. Portée par une plume vive, acérée, l'intrigue fait froid dans le dos, révolte. Les violences conjugales au paradis prennent une dimension encore plus étrange.
L'alternance des points de vue, donnant la parole aux différents personnages, rend l'histoire crédible à travers la succession des générations de femmes nées dans la violence, dans ce que l'être humain peut fait de pire à un autre être humain.
C'est un roman choral avec plusieurs intrigues, toutes aussi bien développées les unes que l'autre et s'imbriquant à la perfection entre elles, dans lequel le lecteur est tour à tour spectateur et acteur. La narration donnant la parole aux différents personnages est parfois suffocante, au point que la lecture se fait par moment en apnée.
Aucun des personnages n'est complètement innocent ou complètement coupable, mais naître au paradis, où l'argent permet aux touristes de profiter de cet Eden, accentue la pauvreté et les dérives d'un tourisme profitant des plus pauvres, les laissant à la périphérie de leurs vies, oscillant entre espoirs d'une vie meilleure, au point de se perdre.
Ce n'est pas un simple roman que l'on peut lire au bord de la plage, malgré le décor de rêve, c'est une étude sociétale, d'une grande finesse, d'une grande force qui démontre que l'homme est un loup pour l'homme, quel que soit l'endroit où l'on se situe.
J'ai vécu ces vies mordantes, de fatalité, où la tragédie se trouve entre chaque page, chaque mot, nous entrainant inexorablement vers les noirceurs les plus profondes, de manière insidieuse, l'intrigue m'a émue, et laissera une trace profonde dans ma vie de lectrice.

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La, la, laa, laaaaa, laa, laa. Lorsque Lala pense à sa mère, ce sont ces notes et cette mélodie qui lui reviennent en tête. Elles sont le souvenir de moments heureux et de moments de complicité passés entre une mère et sa fille.

Malheureusement ces moments d'insouciance ne sont que de lointains souvenirs.  Lala est devenue à son tour une femme et elle attend son premier enfant. Vivant dans un cabanon sur les bords de la Barbade, on pourrait penser qu'elle mène une vie idyllique et paisible face à ce paysage. Helas, Lala, héritière d'une lignée de femmes maudites est elle aussi frappée par la malédiction. Vivant dans la misère et sous la coupe d'un mari violent, Lala gagne sa vie en tissant les cheveux des riches vacanciers. Une nuit d'été 1984, à la suite d'un cambriolage raté, la vie de Lala et des personnes qui l'entourent sera à jamais chamboulée...personne n'en sortira indemne.

Lorsque l'on découvre la quatrième de couverture, on ne se doute pas à quel point l'auteur va nous mener dans les bas fonds sombre d'une île où en surface le lieu semble paradisiaque... on y côtoie pauvreté, racisme, violence, drogue, prostitution... En étant née à la Barbade dans les années 1970, nous pouvons penser que Cherie Jones s'est malheureusement inspirée de ce qu'elle a connu dans sa jeunesse. C'est par son vécu et le réalisme des situations que l'auteur arrive à rendre aussi vivante cette histoire qui pour ma part m'a mise très mal à l'aise tout au long de sa lecture.

Même si la couverture de ce roman est très colorée et semble nous faire voyager, il ne s'agit pas d'un livre  à lire sur le sable fin et dont on oubliera l'histoire rapidement...

#grandprixdeslectriceselle
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La Barbade, ses plages de sable fin, ses touristes, ses villes coloniales... et ses habitants, ceux qui luttent pour vivre, ceux qui n'ont rien, qui se débrouillent pour survivre et que seule la violence semble accompagner. L'auteur entremêle les fils de deux destins de femme, celui de Lala, mariée pour le meilleur et surtout le pire à Adan, un voyou qui la maltraite, et celui de Mira, dont la vie va s'écrouler après un cambriolage qui tourne mal.

Le titre de ce roman, à la fois étrangement poétique et énigmatique donne le ton, avec la légende racontée en introduction par Wilma, la grand-mère de Lala : la soeur trop curieuse désobéissant à ses parents en allant explorer des tunnels hantés y laissera son bras, tandis que celle qui a su rester à sa place la sauvera en la tirant hors du tunnel sans se préoccuper du bras manquant. Petite fille, Lala ne comprend pas cette histoire : elle, elle se serait battue pour sauver sa soeur ET son bras manquant. Devenue adulte, elle refuse son destin tout tracé et continue de se battre au quotidien : pour gagner un peu d'argent, pour arriver jusqu'à l'hôpital quand le bébé qu'elle porte naît prématurément, pour éviter d'énerver son mari violent et déclencher ainsi ses accès de fureur, pour essayer de s'en sortir tout simplement, de vivre un tout petit peu mieux, voire de vivre tout court. L'auteur nous plonge immédiatement dans le côté sombre de cette île synonyme de paradis tropical à nos yeux de touristes occidentaux. le récit est simple, économe en mots et pourtant tellement frappant et touchant : cette misère omniprésente qui entraîne son lot de conséquences désastreuses, délinquance, violence, ces histoires familiales marquées elles aussi par la violence, celle du père, du compagnon et qui semblent se reproduire à l'infini de mère en fille sans jamais qu'une porte de sortie ne se dessine. Ces vies brisées, comme ça, d'un coup, pour un petit peu de malchance, le mauvais endroit, le mauvais moment, le cambriolage qui tourne mal, le criminel qui passait par là...

Ce roman choral nous emmène d'un destin de femme à un autre : la jeune Lala et avant elle sa mère et sa grand mère, mais aussi Mira, qui semble au départ son exact opposé, jeune femme pauvre ayant épousé un anglais richissime et menant une vie choyée mais pour qui tout va basculer si rapidement. L'auteur construit son intrigue très habilement, en plongeant directement son lecteur dans le récit : au début, on ne comprend pas vraiment les liens entre les personnages et petit à petit tout s'éclaire et les correspondances se font jour. C'est à la fois une lecture très agréable, les pages se tournant très vite et l'auteur nous prenant dans ses filets, et un roman extrêmement dur, certaines scènes sont juste poignantes, décrites sans aucun pathos ni effets de style mais tellement noires dans ce qu'elles révèlent de violence subie et banalisée.

Un très beau roman, original et différent (j'avoue avoir cherché La Barbade sur la carte au début de ma lecture pour être sure de bien la situer) qui mérite d'être découvert.
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critiques presse (2)
LePoint
19 janvier 2022
Tout cela est écrit sans manichéisme, par le récit alterné des voix de femmes qui vont aller l’une vers l’autre, peu à peu. Ce livre hante longuement et changera la vision de ces plages de cartes postales.
Lire la critique sur le site : LePoint
LeFigaro
10 janvier 2022
Une île, des hommes, des femmes. Un premier roman avec de beaux portraits, subtils.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Un brancard arrive, et Lala est allongée quand elle passe les portes et traverse un couloir où des gens étendus gémissent. Elle voit des bras pliés à de drôles d’angles, des entailles, des blessures, des chemises et des serviettes appuyées sur des fronts, des bouches, des plaies béantes, elle lève les yeux pour s’épargner le spectacle et un quadrillage de dalles de plafond et de néons carrés jouent au morpion en direction de son avenir et elle se demande si, après tout ce qu’elle a subi, elle va mourir ici. Cette idée ne la trouble pas. Le brancard s’arrête et d’autres infirmières apparaissent, et quand Lala reprend connaissance, elles lui disent de pousser mais elle ne veut pas pousser car elle a peur de ce qu’elle va découvrir.
C’est alors que Lala constate le deuxième fait établi : quand elle ouvre la bouche pour demander de l’eau, le cri qu’elle dissimulait jusque-là sort enfin. Elle veut leur expliquer, ce n’est pas mon cri, c’est un cri que j’ai récupéré devant une maison de Baxter’s Beach, parce qu’elle espère que les infirmières comprendront que ce cri aussi nécessitera des soins, mais elles ne comprennent pas. L’infirmière à la vilaine perruque façon Boney M. lui dit de la fermer et lui demande si elle braillait comme ça quand elle se faisait prendre par le type qui l’a mise dans ce pétrin. Lala voit bien à son regard qu’elle ne peut pas, qu’elle ne veut pas se laisser toucher par ses hurlements parce que ça s’annonce mal et que ces adolescentes sans un rond qui débarquent chaque jour sont toujours un peu plus jeunes.
Alors Lala ferme sa bouche et ravale le cri qu’elle a attrapé à Baxter’s Beach comme d’autres attrapent un rhume, et dans sa tête, elle supplie le bébé de ne pas mourir tandis qu’elle pousse et sent les vaisseaux du blanc de ses yeux exploser et lui brouiller la vue.
Et Lala découvre le troisième fait établi, parce qu’après avoir surmonté la brûlure, la déchirure, l’écartèlement et enfin l’expulsion d’un poids qu’elle porte en elle depuis huit mois, elle se rend compte qu’elle n’entend pas la plainte qui, à la télévision, signale toujours la naissance du bébé. Elle dit : « Infirmière, infirmière ? » parce qu’elle veut qu’on lui assure que tout va bien, que le bébé va bien, mais l’infirmière ne la regarde pas, l’infirmière dégage son poignet qu’a attrapé Lala et ordonne à l’autre infirmière d’appeler le médecin et elle tient entre ses mains une chose qui ne bouge pas. Elle s’empresse de déposer le bébé sur une table éclairée par une lampe, où elle introduit un tube bulbeux dans ses narines, frictionne, compresse et écoute sa poitrine. Lala sait que ce n’est pas bon signe, elle ne veut pas regarder mais elle ne peut pas s’en empêcher et elle prie pour que le bébé vive car elle voit que les infirmières ont déjà baissé les bras et soudain, elle est furieuse contre Adan qui n’est pas là et après ce qui s’est passé, elle est persuadée qu’elle ne pourra plus l’aimer, et peut-être que ce bébé est la seule bonne chose dont Adan est capable, et elle veut que le bébé vive pour pouvoir lui donner tout son amour plutôt que de le donner à Adan.
Une autre infirmière entre précipitamment dans la salle, suivie d’un très jeune étudiant en médecine, et tous deux se dressent au-dessus de son bébé sur la petite table et le claquent, le palpent et le ponctionnent avec des tubes et des aiguilles jusqu’à ce que Lala entende un petit cri faible. Et ce n’est qu’une fois que Lala se met à geindre de soulagement que l’étudiant demande : « Elle est recousue ? » et l’infirmière qui a aidé à sauver Bébé répond : « Non » et revient vers elle et lui tapote le bras et dit que ça va, qu’ils font tout leur possible.
Le temps qu’ils terminent, Bébé est encore bleue mais elle respire, et ils l’enlèvent de la petite table blanche pour la montrer brièvement à sa mère avant de l’emmener. La pièce est silencieuse pendant que Lala se fait recoudre et planter des aiguilles et transfuser avec le sang de quelqu’un d’autre. Elle a froid et elle tremble et l’infirmière à la perruque roule en boule la chemise de nuit poisseuse de Wilma, la met dans un sac et prépare la salle pour un autre accouchement. Lala demande s’ils peuvent appeler Wilma pour l’informer que sa Stella a accouché et lui dire de venir, même si elle sait que Wilma ne viendra pas. Alors l’infirmière, pas impressionnée par le fait que Lala appelle sa grand-mère par son prénom mais radoucie à l’idée qu’elle a apparemment réussi à conjurer le sort, répond d’accord mais le bébé n’aura probablement pas droit aux visites dans l’immédiat. Son ton suggère que le bébé ne verra peut-être jamais aucun visiteur.
Elle laisse Lala dans la pièce froide et silencieuse, allongée sur le dos avec les jambes encore écartées, sans aucune sensation à l’intersection des cuisses, et ça n’a rien à voir avec le bonheur sur les posters de la clinique, ou dans les pubs à la télé ou sur le visage des touristes fortunées qui se promènent avec leurs nouveau-nés à Baxter’s Beach. Elle prend au contraire conscience qu’elle vient de livrer un autre être vivant à l’obscurité, que la naissance est une blessure et que mettre le bébé au monde l’a marquée à vie, et lorsque l’infirmière lui propose d’aller voir son bébé aux soins intensifs, elle secoue la tête pour dire non et l’infirmière fait claquer sa langue tsk tsk et Lala pense à Adan qui n’est pas revenu, et elle se demande s’il est retourné chercher le pistolet mais elle garde la bouche fermée parce qu’un reste de cri s’y trouve encore.
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Les gens mentent quand ils décrivent la première claque. Lala sait qu’on ne peut pas faire confiance à une femme qui vous dit d’où la première claque est venue, parce que la première fois qu’on vous bat, si vous êtes vraiment sous le choc, la seule chose dont vous vous souviendrez, c’est de la douleur. Vous ne pouvez pas vous souvenir d’où c’est venu parce que vous ne vous y attendiez pas. Un peu comme les histoires que racontent les hommes comme Adan, qui disent que vous pouvez vous faire tirer dessus sans même vous en rendre compte, car vos sens doivent essayer de déchiffrer les indices laissés par quelque chose que votre cerveau ne comprend toujours pas. Vos yeux voient du sang, vos oreilles entendent le coup de feu, votre nez sent la poudre à canon, vous sentez le goût de la bile, vous sentez un point rouge et humide. En gros, vous avez été touché. La première claque, vous n’en prenez conscience qu’une fois que vos sens ont suffisamment récupéré pour vous transmettre l’information. Une femme qui affirme le contraire est une sorcière qui s’attendait à recevoir une gifle et l’a très probablement cherchée. Une femme comme ça a donc les yeux trop grands ouverts pour être vraiment amoureuse.
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Si nous devions chercher Lala, et si nous devions la trouver au bord de Baxter’s Beach, les doigts enfouis dans les cheveux d’une inconnue, si nous devions nous approcher d’elle et lui demander si elle connaît le marginal crasseux qui traîne sur la plage, celui à qui nos femmes insulaires adressent des claquements de langue méprisants, celui au souvenir duquel s’accélère la respiration de certaines touristes, nous remarquerions d’abord la façon dont elle garde les yeux rivés sur la tête de sa cliente quand elle demande : « Qui ça ? » comme si elle cherchait délibérément à éviter notre regard. Ses doigts ne ralentiraient pas, non, ils continueraient à tresser les cheveux à une vitesse qui semble impossible à mesurer : dessusdessousdessusdessousdessusdessousdessusdessousdessus…

Nous pourrions, en premier lieu, décrire Robert Parris (alis « Tone ») en termes physiques, car son physique – locks couleur rouille mi-longues, taille moyenne, silhouette fine, dessinée et puissante – est ce qui saute d’abord aux yeux de ceux qui le regardent.

Nous expliquerions que nous parlons de celui dont les ongles de pied blanchis ont la couleur des vagues, dont la peau est saupoudrée de la fine poussière d’une vie gagnée sur la plage. Nous expliquerions que les cheveux sur sa tête et les poils sur ses mains ont pris la teinte dorée du soleil, si bien que, comme le soleil, nous ne le verrions pas si nous le regardions directement.

Quand Lala continuerait à feindre de ne pas le connaître, nous pourrions évoquer ses particularités – le collier à dent de requin qu’il porte autour du cou et qu’il embrasse avant de s’aventurer dans l’eau, la façon dont il frappe la surface de la mer de son Jet-Ski, faisant sursauter les baigneurs plus âgés et cracher des obscénités aux plus jeunes, l’habitude qu’il a de se pencher en avant et de presser les locks indisciplinées au sommet de son crâne pour les débarrasser de l’eau salée.
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Comment est-ce qu'on apprend à aimer un homme ?
La première fois que tu te poses cette question, c'est que tu viens de te marier. Il y a des jours où les casses d'Adan te payent des habits qui remplacent les affreuses robes que faisait Wilma. Il t'achète des robes en jean jaune fluo et des bottines en daim orange à petits talons aiguilles, des ceintures en cuir cloutées que tu peux porter sur les hanches quand tu sors en boîte pour écouter Alpha 24 et regarder les voyous se trémousser de leur mieux sur la musique de leurs ancêtres, tout en portant leur fortune autour de leur cou. Il y a aussi ces jours où Adan commence à manifester sa capacité à t'enlever ces habits à coups de poings, à déchirer ces robes et à te cogner avec les talons de ces mêmes bottines qu'il t'avait offerte dans une boîte avec un ruban dessus.
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La plage pue la mousse croupissante, les algues sargasses et les entrailles en putréfaction de poissons échoués qui pourrissent dans l'air tiédissant. C'est un de ces matins où l'eau a la gueule de bois après une nuit d'insoussiance et a vomi sur la sable avant de tenter de cuver.Les touristes trouvent que marcher le long du rivage relève moins de la balade sur l'étendue de poudre rose représentée sur les magazines que d'un parcours du combattant où il faut éviter les méduses cachées sous les algues, les épines des oursins enlisés dans le sable, les morceaux de bouteilles en verre qui ne sont pas restées assez dans la mer pour être lissés et émoussés par le solei et le sel, transformés ainsi en objets dignes d'une chasse au trésor.
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