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sur 143 notes
Ce livre avait provoqué l'ire des habitants s'étant reconnus dans les portraits féroces de villageois alcoolisés sculptés par l'auteur à coup de serpe vitriolée. Ces autochtones offensés avaient attaqué l'écrivain et sa famille alors qu'il venait passer des vacances dans le village, dans sa maison familiale.
Ce fait divers consternant avait d'ailleurs fait l'objet de commentaires dans la presse nationale et locale lors du procès des agresseurs au tribunal d'Aurillac

Le texte (s'agit-il vraiment d'un roman ?) est vraiment très bien écrit. Il est vrai que l'écrivain ne ménage pas ses modèles, ne voyant chez les êtres qu'il évoque, que les mutilations causées par les outils de travail, la boisson, les animaux. Ce côté glauque, impitoyable, est d'ailleurs un peu trop systématique chez cet auteur, que ce soit dans sa fiction (voir Festin secrets), ou dans son oeuvre critique (la littérature sans estomac) Mais en même temps, comment ne pas voir, au-delà de ces portraits cruels de personnages dévastés par la vie, l'humanité, certes frêle et chancelante, qui émane de ces portraits. J'y vois pour ma part sourdre, au coeur même de l'écriture impitoyable, une profonde empathie envers ce pays (le plateau du Cezalier), abandonné en marge de l'autoroute pas si lointaine, envers les gens qui persistent à vivre et à exister aux marges d'un monde en pleine mutation.
Il est curieux que ce livre rejoigne, dans ses thèmes et son écriture, sa vision d'un monde rural en train de sombrer (ayant déjà largement disparu dans les trente glorieuses), trois autres écrivains du centre de la France : Millet, Michon et Bergougnoux.

Cela me parait confirmer qu'une littérature puisant son inspiration dans le terroir du massif central (ou d'autres terroirs d'ailleurs) - qui n'est pas "régionaliste" et qui est bien plus intéressante que celle de l'école dite "de Brive" - est possible, existe bel et bien.

Tant mieux si de nouveaux Giono peuvent renouveler le genre et sortir un peu la littérature française de l'ornière introspective parisienne dans laquelle elle a parfois tendance à s'enliser.

La France existe aussi au-delà du périphérique, et la littérature doit en rendre compte, à sa manière.

Lien : http://jcfvc.over-blog.com
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Il n'est pas possible de dissocier ces deux livres de Pierre Jourde : "Pays perdu" et "La première pierre" dont nous parlerons ensuite.
Enseignant et écrivain, Pierre Jourde a beaucoup bourlingué dans de nombreux pays mais c'est en Auvergne, dans le Cantal, que sont ses racines : « C'est un pays perdu, dit-on ; pas d'expression plus juste. On n'y arrive qu'en s'égarant. Rien à y faire. Rien à y voir. Perdu depuis le début peut-être, tellement perdu avant d'avoir été que cette perte n'est que la forme de son existence. Et moi, stupidement, depuis l'origine, je cherche à le garder. Je voudrais qu'il soit lui-même, immobilisé dans sa propre perfection, et qu'à chaque instant on puisse s'en emplir. »
Dans ces quelques lignes, il y a la quintessence d'un livre qui a été si mal compris. Revenant au pays pour l'enterrement de Lucie, la petite fille de François et Marie-Claude, Pierre Jourde revoit tout ce qui fait la vie, là-haut. Il lie cela à la mort de son père et, de son style qui peut être percutant et très poétique en même temps, il parle des gens, des machines agricoles qui estropient, des bêtes, des accidents. Il est impossible de détacher une description plus qu'une autre car "Pays perdu" est un ensemble qu'il faut lire d'une seule traite.
Au fil des pages, il n'oublie rien : « le sort prématuré des maisons qui s'enfoncent en elles-mêmes et ne laissent que le moins possible d'ouvertures au froid polaire de l'hiver. La suie et la sueur, le purin et la poussière comme une tunique protectrice. »


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Invité chez Busnel, Pierre Jourde a présenté son livre ‘La première pierre' où il expliquait qu'il était retourné dans le village décrit dans ce roman. Lui, sa femme et ses enfants en ont été chassés à coups de pierre. J'ai donc voulu savoir ce qu'il y avait dedans.
Eh bien pas grand-chose : il n'y a pas vraiment d'histoire, seulement des descriptions à n'en plus finir sur la crasse des campagnards et leur alcoolisme. L'impression d'assister à du commérage. Je lirai quand même La première pierre, puisqu'il a eu le prix Jean Giono.
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Ce texte de Pierre Jourde m'aura montré à quel point notre regard sur une oeuvre peut changer à douze ans d'intervalle. de ma première lecture, j'avais principalement retenu la qualité de l'écriture et l'audace du propos, loin des descriptions convenues de la vie proche de la nature. Ce que je ressens avant tout aujourd'hui, ce sont la haine, le mépris et le dégoût qu'inspirent à l'auteur ces gens de peu dont il se repait à répéter qu'ils vivent dans la merde, l'alcool et la crasse, engendrant çà et là des enfants aux tares diverses et variées et auxquels notre humaniste n'a pas manqué d' ajouter une petite touche de consanguinité, histoire de parfaire le tableau. Figurez-vous que dans ce pays perdu, lorsqu'une femme s'avise de se défaire de son fichu à cause d'une démangeaison devenue difficilement supportable, le pus secrété depuis des semaines lui dégouline sur le visage ! Pierre Jourde a beau être professeur d'université, il semble lui manquer une certaine intelligence de comportement : n'est-il pas allé jusqu'à citer dans ses remerciements les habitants du village qui a servi de décor à sa logorrhée un brin scatologique ?
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Je connais Pierre Jourde par son blog sur le site de l'Obs (http://pierre-jourde.blogs.nouvelobs.com/), et je sais par ailleurs qu'il est (ou fut) associé à Eric Naulleau, qui n'est (ou ne fut) pas que le complice de talk-show d'Éric Zemmour, mais aussi le premier éditeur (à peu de choses près) d'Olivier Maulin, ce qui est plus reluisant. Cet écheveau de circonstances fit que j'avais envie de le lire (Pierre Jourde). Je truffai donc ma liste de souhaits de toutes les références disponibles en français dans le réseau Bookcrossing, et quelqu'un m'envoya fort aimablement ce livre, lu dans la foulée.
Au début ça ne m'a pas plu, pas du tout. de la prose de professionnel urbain de l'intellect essayant de donner un sens à des circonstances de retour dans le village reculé d'origine de son père et de ses vacances d'enfant. Outre cette posture déjà un peu éculée, des phrases aussi longues que vides, du pur cérébral, aucun ressenti, aucune sincérité. J'étais sur le point d'abandonner cette lecture (chose bien rare chez moi), et simultanément, quelque chose bascula, tout doucement mais sans véritable retour en arrière. Comme si le narrateur, comme le voyageur, avait eu besoin d'un temps pour se familiariser à nouveau avec cette terre (ce matériau littéraire) revêche, raidi, dont l'intérêt ne se montre pas en un tournemain. Mais peu à peu, on y arriva, à cette impression que Pierre Jourde avait trouvé le chemin vers ce qu'il voulait dire, et probablement vers ses souvenirs et ses sensations, ce qu'il en conservait, ce que cela pouvait susciter dans son imaginaire volontiers baigné de fantastique. L'intérêt du livre remonte en flèche alors, et s'il reste parfois inégal, ce n'est peut-être qu'au gré du paysage, tant physique que mental, qu'il parcourt avec nous : les reliefs et leurs trous d'ombres plus ou moins ragoûtantes, alcoolisme, mutilations, merde, mort, et dans le meilleur des cas, folie.
Ce livre valut certains ennuis à son auteur : les habitants de sa région d'origine crurent s'y reconnaître un peu trop précisément, et finirent par l'accueillir, un jour qu'il arrivait là en vacances, à coups de pierres jetées vers lui et sa famille. A la lecture du livre, on comprend leur colère (les pierres, par contre, étaient de trop. Une saine discussion aurait mieux fait l'affaire). Pour moi, je ne peux que reconnaître ce que Pierre Jourde peint de cette campagne reculée et familiale : faussement belle, cruelle, possessive, profondément aliénante, et qu'on ne peut pourtant que désirer et retrouver toujours.
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Même dans des circonstances très défavorables à ma concentration et à une lecture hachée, je ressens beaucoup de choses pour ce livre. Tant le contenu campagnard, d'exilés du monde, prisonniers d'un autre monde, un monde que j'ai un peu connu par bribes, qui est dur, assez implacable, quelque part.
Tant la forme, une très belle écriture, sans effets, sans procédés, juste juste, juste très juste.
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Que de noirceur dans la description de cette région et de ses habitants. On peut comprendre que certains l'aient mal pris !
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Pierre Jourde sait écrire, et l'on rencontre ici ou là dans ce livre de magnifiques fulgurances littéraires. Son sujet est ici le hameau du Cantal dont son père est originaire, qu'il revoit à l'occasion, en tant qu'émigré de ces lieux, devenu citadin, comme tant d'autres.
L'occasion est triste et pénible: une petite fille est décédée. Tout le village, le réel et l'exilé, viennent, en ce jour d'hiver, l'honorer, l'enterrer.
L'auteur nous décrit ses souvenirs d'enfance, sous la forme de photographies des lieux, et de descriptions, hachées menues, de ses habitants, de leurs logis, de leurs moeurs. Et tout n'est pas rose. Insiste-t'il trop sur le côté noir de la vie d'antan dans ces campagnes? Probablement, certainement. Mais c'est lui qui écrit: il fait ce qu'il veut.
Les villageois bien réels lui en voulu, énormément, pour avoir insisté jusqu'au dégoût sur les effets délétères de "l'alcool, l'hiver, la merde, la solitude" sur les hommes et les femmes de ces contrées. Ils ont réagi, c'est leur droit. Trop violemment? Certainement. Mais comment répondre autrement à un homme qui a pour lui les éditeurs, la ville, les pouvoirs, quand on se sait loin de tout, humilié, et sans moyens? On attend la réponse.
Dès le début du livre, on note la similitude entre l'approche du sujet par P.Jourde avec celle de M.H.Lafon: même objet, même style, même qualité d'écriture. Mais, pour parler du monde paysan, il a manqué cette chose importante à P.Jourde et qui est - heureusement - constamment présente dans les livres de la dame de la Santoire: la délicatesse.
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Un petit parisien venait en vacances dans le Cantal.  Il y a vu des choses, des gens.

Quand, 20 bonnes années plus tard, devenu un magnifique spécimen de parigot, il décide d'écrire ce qui lui reste de souvenirs de cette époque, cela donne ce ramassis d'âneries, diffamatoires pour la plupart, que son grand ami qui ne peut rien lui refuser éditera.
Ces âneries lui vaudront des déboires justifiés sur le fond mais condamnables, d'ailleurs condamnés, sur la forme.

 Si vous voulez lire une description fidèle de la vie dans cette contrée, je vous recommande Les derniers indiens de Marie Hélène-Lafon. En plus, elle, elle écrit très bien.

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‌J'ai laissé passer quelques jours avant de commenter, car ce livre m'a bouleversée et réveillé de très nombreux souvenirs d'enfance, de vacances passées chez mes grands-parents en Auvergne également, dans un petit village de 230 habitants proche de Volvic donc beaucoup moins isolé.
J'y suis retournée il y a quelques années après quasiment 40 ans d'absence. C'est devenu à la fois un village de résidences secondaires (héritées et retapées) d'habitants de Clermont, dont de nombreux employés ou retraités de chez Michelin, de salariés de Volvic et de maisons abandonnées, il ne reste que très peu de fermes en activité.
Je pensais retrouver la maison facilement, or j'ai tourné pendant un bon moment. Elle était totalement abandonnée.
Je pourrais continuer avec le fameux "Je me souviens" de Pérec".
Je me souviens des "waters" ou des cabinets (on ne disait pas WC, ni toilettes) au fond du jardin et de mon dégoût.
Je me souviens des orages somptueux qui nous faisaient peur et nous fascinaient.
Je me souviens à peine du maréchal-ferrand (surtout du bruit de sa forge et de ses outils), j'étais toute petite quand il est parti.
Je me souviens du tailleur de pierre.
Je me souviens de la Morande qui tenait l'unique épicerie-bar-tabac-restaurant-station service.
Je me souviens de la Bline alors très âgée, on allait acheter le lait dans sa ferme (beurk !) et dont mon père disait en plaisantant qu'elle avait déniaisé presque tous les garçons du village. Je n'ai pas osé lui demander s'il était concerné...
Je me souviens que le repas était fini quand mon grand-père (un homme pas facile) fermait son Opinel. Là, on pouvait vraiment parler de patriarcat...
Je me souviens du lavoir où j'aimais aller avec ma grand-mère et ses voisines (avant la machine à laver qu'elles ont toutes accueillie comme le sauveur. L'hiver, il fallait quasi casser la glace pour rincer le linge, changer les draps attendrait...).
Je me souviens du four banal près du lavoir (je l'avais complètement oublié celui-là)
Je me souviens des foins, moi j'adorais, mon père moins (il se sentait obligé d'aider, pour ne pas passer pour le parisien prétentieux, même s'il travaillait en usine)
Je me souviens du château de Tournoël alors libre terrain de jeu des enfants.
Je me souviens du raccourci à travers champs pour aller à pieds à Volvic. Il a complètement disparu (Ah ! La voiture...)
Je me souviens aussi des bouses de vaches...
Je me souviens du village-Michelin où vivait un cousin, avec ses maisons Michelin (différentes pour les cadres et les ouvriers), ses camps de vacances Michelin, ses magasins Michelin, ses écoles Michelin et les habitants très contents de leur sort (un loyer symbolique, un bout de jardin, un potager, un grand congélateur pour les animaux chassés, ou... braconnés et du travail de père en fils). Mais ça, c'était avant...
Je me souviens aussi de certaines histoires de famille, de la maison de mon grand-père vendue à un cousin et pas à l'autre. Depuis, ils ne se parlent plus...
Je ne me souviens pas qu'on y ait trouvé un quelconque magot...
Bref, pour moi, la nostalgie est toujours ce qu'elle était...
Mais je vois que je me suis prise au jeu et que je n'ai pas vraiment fait une "critique littéraire" de ce livre.
Ce que sa lecture a provoqué en moi est suffisamment parlant !
Merci Monsieur Jourde.
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