15 avril
Je relis Les Dits de Bistami, lesquels me parviennent à travers l'amitié qui me lit à leur traducteur, Abdelwahab Meddeb. Si besoin était, ces paroles me confirmeraient que les religions proposent toutes le même enseignement, que les mystiques – en dehors de différences évidentes dues à la personnalité de chacun, à l'époque qui l'a vu naître, à la formation qu'il a reçue, au parcours qu'il a suivi – vivent tous la même aventure.
Ce mystique soufi qui a vécu en Perse au IXe siècle, il ne dit rien d'autre que ce qu'on écrit plus tard les mystiques de la tradition chrétienne tels que Thérèse d'Avila et Jean de la Croix.
Centré sur l'essentiel, Bistami, qui était illettré, ne se perdait pas dans les mots. Sa pensée était limpide et il s'exprimait dans une langue simple et dépouillée.
̶ - Qu'est-ce que le soufisme ?
̶ - C'est le rejet du moi.
̶ - Par quel moyen as-tu obtenu la connaissance ?
̶ - Par un moi nu et un ventre qui a faim.
̶ - Je veux ne plus vouloir.
̶ - … une humilité égale à celle de la terre.
̶ - … il me déposa sur la marche de la lucidité.
p.15-16
29 avril
Ce matin a été diffusée l'émission consacrée à Catherine de Sienne et à laquelle j'ai participé pour une modeste part. Mais je n'ai pu écouter cette émission, car ici, derrière ces montagnes, il est impossible de recevoir France Culture.
Il y a plusieurs années que j'ai lu ses écrits, et depuis, je n'ai cessé de m'intéresser à cette femme au fascinant destin.
Dotée d'une formidable énergie, d'une exceptionnelle faculté de concentration, elle n'est jamais allée à l'école, mais ce qu'elle voyait, observait, entendait, elle ne l'oubliait plus.
Son intelligence. Sa simplicité. Sa transparence. Son inépuisable vitalité.
A vingt-trois ans, elle a paru mourir. Mais peut-être ne s'agissait-il que des affres de la mort à soi-même. Au sortir de cette agonie, elle découvrit qu'elle était née à son être véritable. Durant les dix ans qui lui restaient à vivre, elle s'est mise au service des autres, s'est consacrée à aider, enseigner, consoler, soigner…
Sa joie et l'amour dont elle débordait agissaient comme un aimant. De partout, on accourait pour la voir, l'écouter, demeurer en sa compagnie. Quand elle se déplaçait, il arrivait qu'elle soit suivie par une vingtaine de personnes.
Ces quelques phrases d'elle dont je me souviens :
- Sans feu intérieur, vous ne ferez rien.
- Infinie dans son essence, l'âme désire infiniment.
- La vertu s'acquiert par ce qui lui est contraire.
- Quoi qu'il advienne, l'âme est inébranlable.
Elle est établie sur la pierre vive. Elle a vu, elle a connu.
p.23-24.
"Il me paraît que le mystique et le poète - abstraction faite de toute croyance religieuse - vivent tous deux une même aventure. Seule différence, mais de taille : le premier est un être de feu, alors que le second ne porte en lui qu'une petite braise."
Que cherche-t-on dans un livre, sinon à découvrir une vie, un être, une sensibilité, une manière autre que la sienne de percevoir le monde?... Voilà pourquoi j'aime tant les Journaux, les écrits intimes, les Correspondances... En lisant de tels ouvrages, on a l'impression qu'un inconnu est là près de vous, qu'il vous a pris en amitié et choisi pour confident. Et il est passionnant de recevoir ce qu'il a à vous dire, de pénétrer dans son intériorité, de revivre en le savourant ce qu'il a vécu et que ses mots magnifient.
11 avril
Pluie. Froid. Début d'angine.
Alors que ces précédentes années je n'ai plus
écrit de poèmes, il m'en est venu une vingtaine au
cours de ces deux derniers jours. Ils ont trait à l'aven-
ture intérieure, mais je sais ce qu'ils valent. A force
de réduire, de dépouiller, je crains d'aboutir à des
épures qui ne gardent rien de la terre dont ils éma-
nent. Cependant, il m'est impossible d'écrire diffé-
remment. L'extrême intensité ne peut se livrer que
par une parole brève et nue. (L'intensité dont il s'agit
provient de la condensation qui se produit à l'instant
de la saisie, à la seconde où l'œil capte ce qui va se
projeter dans les mots.)
p.12
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac
Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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