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EAN : 9782366242140
384 pages
Cambourakis (24/08/2016)
4.33/5   9 notes
Résumé :
Composé de treize récits très différents dans leur forme, «Contrenarrations» transporte le lecteur du Brésil colonial du XVIIe siècle au Paris de la Belle Epoque, en passant par l'Amérique de la guerre de sécession... John Keene met en scène des personnages, fictifs ou réels - on croise entre autres, le poète Langston Hughes, le penseurs W. E. B. Du Bois, le compositeur Bob Cole ou encore les Jim et Huckleberry Finn de Twain – en restituant la force de ces destins ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Contrenarration est une expérience littéraire intéressante quoi que ardue. La plupart des nouvelles du recueil représentent un exercice de style.

Elles prennent souvent la forme de faux essais, un peu que du Borges qui se serait limité à la littérature réaliste. L'une d'elle, par exemple, est un article de trois pages, accompagnée d'une note de bas de page de 15 pages.

Le recueil propose une contrehistoire de l'esclavage, du point de vue de ses victimes, en quête de liberté.

Je ne mets pas de note car je suis déchiré entre en mettre une excellente pour l'incroyable effort et talent littéraire dont fait preuve. Ou en mettre une plus basse pour un texte ardu et peu accessible. Disons que cela ne se lit pas j'espère embrouillé, mais que cela réjouira certainement les amateurs de sensations fortes narratives.
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J'avais l'intention de commencer ce billet en vous expliquant que contrairement aux apparences, "Contrenarrations" n'est pas un recueil de nouvelles. Parce que c'est en effet ce que l'on aurait pu croire à l'entame de ce récit, dont les épisodes successifs mettent en scène des personnages a priori sans lien les uns avec les autres, à des époques et des lieux divers, chacun étant de plus écrit dans un style différent. J'aurais continué en vous exposant que "Contrenarrations" est donc bien un roman, à la construction originale, et surtout géniale, car ses treize paragraphes, en dépit de leur décorrélation, forment bel et bien un ensemble cohérent : ils suivent en effet, dans un ordre chronologique grâce auquel nous traversons, à partir du début des années 1600, presque quatre siècles, un fil conducteur thématique, qui finit par donner l'impression d'une histoire commune.

Sauf que... ainsi que je l'ai découvert à l'issue de ma lecture, "Contrenarrations" EST, semble-t-il, un recueil de nouvelles.

Mais après tout qu'importe... reprenons... : "Contrenarrations" est un roman à la construction géniale, stylistiquement protéiforme, un défi aux règles narratives. Il aurait également pu s'intituler "contreHistoire", car le point commun qui lie ces récits à la texture si diverse, est la volonté manifeste de l'auteur d'aborder l'histoire du peuple noir -plus précisément celle qui se rattache à l'esclavage- en se plaçant de l'autre côté du miroir. Il fait ainsi de ceux que l'on cantonne habituellement aux rôles de figurants les véritables héros, et surtout les porte-paroles de leur propre mémoire collective.

Par ailleurs, John Keene dépasse le concept d'une Histoire qui se réduirait à la transmission de témoignages factuels, en entremêlant mythes et réalité, en accordant autant de crédit aux hypothèses, aux illusions et aux croyances qu'aux certitudes.

Le texte qui ouvre le recueil roman est en cela significatif.
1613 : l'éclaireur d'un navire néerlandais déserte ce dernier à bord d'un canoë pour s'enfoncer dans la forêt -alors périlleuse et luxuriante- de ce qui deviendra Manhattan. Très librement inspiré de Juan Rodrigues, premier immigré non blanc à avoir vécu sur la presqu'île new-yorkaise, cette nouvelle ce premier chapitre est symbolique et précurseur des textes paragraphes à venir. Car qu'ils soient hommes ou femmes, adultes ou enfants, jeunes ou vieux, les héros de John Keene sont tous en quête de liberté, qu'elle soit physique, morale ou intellectuelle.

Esclaves en cavale dans le Brésil en proie aux guerres portugo-néerlandaises ou dans les Etats du Sud américain du XVIIIe siècle, témoins des derniers soubresauts de la domination française à Saint-Domingue, artistes (musiciens, acrobate, peintre ou poète), homosexuels aux désirs plus ou moins assumés, sorciers ou voyants..., les figures de "Contrenarrations" composent ainsi la mosaïque d'une vision alternative et officieuse de ce qui constitue les nations, telle que la perçoivent ceux qu'elles ont asservis, méprisés. Mais plus que l'évocation du traumatisme que l'esclavage, l'exil et la ségrégation ont laissés en héritage, le récit de John Keene est un hommage à l'émancipation sous toutes ses formes, au pouvoir de l'imagination, souvent très foisonnante chez ses personnages, et à la richesse, culturelle comme humaine, qu'elle constitue.

Ouvrage à la construction labyrinthique où une note de bas de page peut se métamorphoser en récit à part entière, où les habituels héros de l'Histoire (Napoléon, Toussaint Louverture, Degas) ne servent que de faire-valoir aux personnages de fiction, où des personnages de fiction deviennent réels (on croisera ainsi Tom Sawyer en raciste méprisable, engagé dans les rangs confédérés), voyage dans le temps et dans l'espace, cheminement à travers les âmes, ravissement stylistique (la variété formelle des textes est à elle seule un régal), "Contrenarrations" est, vous l'aurez compris, un indispensable...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Le sang noir de l'esclavage coule dans les veines de l'Amérique du Brésil aux Etats-unis en passant par les Caraïbes . C'est ce fil conducteur qui donnent leur unité aux différents textes de cet ouvrage aussi complexe que fascinant par l'audace et la variété des stratégies fictionnelles dignes de Borges. Mais surtout il ne s'agit pas d'une nomenclature misérabiliste des malheurs et sévices infligés au peuple noir mais bien au contraire des stratégies de résistance mises en oeuvres par des hommes et des femmes , réels ou imaginaires ,pour échapper à l'oppression : violence, magie, art , savoir, volonté et intelligence sont les armes dans ce combat au fil des siècles . Un grand livre brillant et profond
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Contrenarrations se déploie dans une suite de treize récits indépendants mais d'une inquiétante continuité. John Keene y use d'une écriture d'une infinie variété, d'une beauté toujours captivante, non tant afin de dresser une contre-histoire de l'esclavage mais plutôt, à travers les siècles et des personnages entraînés dans leur magnifique et, souvent, vaine résistance à la servage, narre une histoire de la peur. Un roman d'une profondeur envoûtante.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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John Keene déjoue les attentes, se libère des conventions. Experimentation versus expectations. Contrenarrations esquisse un pas de côté qui donne à voir une perspective autre, une littérature autre qui construit une alternative narrative aux mythes américains. [...] Un récit queer où il faut savoir qui parle et pourquoi les récits sont secrets, cachés, importants. L'on glisse subrepticement. [...] de l'objectivité apparente et théorique aux subjectivités pleines et entières, pour un livre génial et brillant.
Chronique à lire sur le site :
Lien : https://lesfeuillesvolantes...
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Ayant appris la mort de son frère, de L’Écart avait l’intention de vendre le domaine aussi rapidement que possible. Il n’avait rien contre une vente à un mulâtre, un des propriétaires locaux, car il en avait connu plusieurs depuis son enfance et il prévoyait qu’en fin de compte une grande partie de l’île finirait en fragments entre des paumes sombres. Son épouse, cependant, l’incita à d’abord s’enquérir d’un acheteur de son rang social, ou au moins d’un Français capable de lui verser une caution. De toute façon il le vendrait. La capture, quelques mois plus tôt, et la mort peu de temps après de L’Ouverture, qui n’avait cessé de collaborer avec les objectifs français et dont la loyauté avait été finalement trahie, convainquirent de L’Écart que les noirs, à présent conscients de leur destin, ne tarderaient pas à refuser d’être trahis par d’autres que des noirs. Il avait aussi l’intention, en guise d’adieu et comme un geste de magnanimité, une vertu dont il était extrêmement fier, d’émanciper tous les esclaves qui se trouvaient encore à Valdoré. (« Glose sur une histoire des catholiques romains au début de la république américaine, 1790-1825, ou l’étrange histoire de Notre-Dame des Douleurs »)
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C’est plus rapide, t’a une fois prévenu quelqu’un, quand on se laisse aller. Ici, dans la salle à manger étouffante, tu ne reconnais personne, pas une seule. Ta mère a soupé à son heure habituelle et est déjà retournée dans sa chambre. Quand tu es venu avec elle avant ou tout seul tu as en général repéré au moins un visage familier, de la ville, de Philly ou de Baltimore, car à partir de juin jusqu’au premier changement des feuilles les gens arrivent chaque week-end d’un peu partout. Comme dans plusieurs autres hôtels des Catskills, celui de Miss English t’a accueilli, ta mère, presque tous ceux qui payent, permettant des séjours sans incident. Cependant, il y en a eu quelques-uns : chaque fois que l’un d’eux n’a aucune idée de la façon dont fonctionnent les plus subtiles des règles de ce côté de la ligne Mason-Dixon, comment la loi tombe parfois de l’autre côté. Il y a eu cette fois à l’hôtel de Kauterskill où on t’a demandé de libérer ta chambre et de t’installer dans l’autre aile parce que le type de Caroline s’offusquait de devoir partager les mêmes draps et assiettes, de penser que tu pouvais frôler sa femme dans le couloir ou l’escalier, comme si tu étais incapable de suivre une ligne droite voire angulaire t’éloignant d’elle, comme si tu n’avais aucune volonté, comme si tu avais jamais jeté un second regard vers elle ou toute autre blanche, et le propriétaire de cet hôtel, un petit homme rondouillard au teint terreux avec une voix comme un appeau à canard avait dit qu’il voulait éviter tout problème, partez s’il vous plaît, il acceptait même de vous offrir un whiskey gratuit en guise de consolation. (« Cold »)
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Tandis qu'elle faisait une pause pour préparer le dîner de son maître, Carmel sentit une force étrange et puissante, différente de tout ce qu'elle avait connu auparavant, se saisir d'elle. Comme en transe, elle se leva et descendit en titubant à la cave, où elle trouva un petit morceau de charbon puis, comme tirée par une ficelle invisible, elle se précipita dans la chambre de De L'Ecart au deuxième étage. Elle avait l'impression de vouloir crier, comme si quelqu'un lui serrait la gorge pour produire des sons, mais elle savait qu'aucun n'en sortirait. Sur le mur crème-au-beurre et bouton-d'or en face du lit, dont la décoration principale, à part un crucifix, était faite de taches d'humidité, sa main prit le pouvoir.
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Bien que son épouse fût encore en âge d’avoir des enfants, Francisco Inocêncio adopta son fils, José, qui fut connu par la suite sous le nom de José Inocêncio, et sa fille, Clara. De sa mère, dit-on, José Inocêncio hérita d’une volonté de plomb et d’une langue dorée. Ces dons le menèrent à sa plus grande réussite, qui fut de s’allier à la famille éminente et fermée des Figueiras, qui avait acquis des titres de propriété non seulement dans la capitale mais dans tout l’intérieur sucrier. Les Figueiras s’étaient également impliqués dans le commerce, comme agents de la Couronne, dans le traitement du sucre et de l’indigo, ainsi que dans le système bancaire naissant. Conséquemment, la rumeur courait qu’ils étaient des conversos. En tout état de cause, la cour royale bénéficiait énormément de leur ingéniosité, tout comme la classe coloniale dirigeante, à laquelle Londônia ne tarda pas à appartenir. Le butin coule vers ceux qui sont impitoyables et ont des relations. (« À propos du Brésil, ou dénouement : Les Londônia-Figueiras »)
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Joao Baptista posa le chiffon au bord du bureau de D'Azevedo et sourit ."Avant de poursuivre ,j'aimerais vous demander de m'appeler Burunbana , car tel est mon nom."
L'impudence du noir le décontenança.non seulement sa condition d'esclave lui interdisait de contester un blanc , et en core moins un supérieur , mais il avait toujours entendu Joao Baptista ,comme tous les esclaves , répondre de la manière la plus simple.
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