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William W. Kibler (Traducteur)Sarah Kay (III) (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253064541
540 pages
Le Livre de Poche (01/10/1996)
3.94/5   17 notes
Résumé :

Lettres gothiquesCollection dirigée par Michel ZinkLa collection Lettres gothiques se propose d'ouvrir au public le plus large un accès à la fois direct, aisé et sûr à la littérature du Moyen Age.Un accès direct en mettant sous les yeux du lecteur le texte original. Un accès aisé grâce à la traduction en français moderne proposée en regard, à l'introduction et à des notes nomb... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Cette chanson de geste (connue comme la plus sanguinaire) semble très inspirée de L'Iliade : la colère orgueilleuse de Raoul, son entêtement, font penser à l'Achille d'Homère. Les combats sanglants y sont décrits d'une même manière réaliste et effroyable : les lances qui brisent les dents, les épées qui font éclater écus et hauberts, emportant au passage morceau de chair ou membre, s'enfoncent dans la cervelle et font jaillir le sang, rappellent ces grecs et troyens qui, après avoir crié contre leur mortel ennemi, le cerveau transpercé, font « résonner » leur armure autour d'eux dans leur chute. On retrouve la même démesure des chiffres, l'acharnement au combat, à la vengeance, cette guerre qui ne s'arrête jamais, dont les causes ont été perdues de vue - ont-elles jamais eu d'importance, chacun venge un proche perdu au combat et semble volontiers entretenir sa frénésie. le serment de vassalité n'est plus au fond qu'une vague excuse.
La chanson de Raoul de Cambrai, est presque intégralement construite autour du thème de l'honneur guerrier. Pour l'élite guerrière, les questions d'honneur dominent les comportements et déterminent les relations, les allégeances et les mariages, font de ces seigneurs féodaux des êtres colériques, pleins de rengaine, détestables enfin. le jongleur ne manque jamais de souligner, l'air de rien, comment les armées de Raoul ou de Bernier, pillent, brûlent et saccagent les campagnes sur leur route. L'honneur qui est apriori une valeur positive des chevaliers, en devient une caractéristique fondamentalement négative : l'orgueil. Cet excès d'honneur, rend les chevaliers sourds aux conseils, grossiers avec les femmes, insultants avec leurs ennemis. L'orgueil est ainsi ce qui caractérise ces nobles qui ne connaissent que le combat, le sang, les festins, les provocations, le pillage et la possession des terres et des femmes, qui ne sont plus que des titres de gloire dont ils ne s'occupent jamais, passant tout leur temps à guerroyer. Raoul est le symbole de cet orgueil désespérant, culminant dans cette scène incroyable où Raoul poursuit sur des pages et des pages un baron ennemi, apeuré et pitoyable, auquel il a coupé la main pour l'achever. Lorsque celui-ci implore sa pitié et promet de se tourner vers Dieu, Raoul blasphème fortement, montrant que la satisfaction de son orgueil est pour lui bien plus important que les vertus chrétiennes. La légende de Raoul nait d'historiques conflits territoriaux et de cette incroyable histoire d'abbaye et de religieuses brûlées vives, illustrant dans les faits historiques cette crise de la féodalité.
Cette chanson de geste est ainsi le triste tableau d'une féodalité décadente qui sûrement a fonctionné plusieurs siècles (le seigneur protège ses sujets qui peuvent contre impôt prospérer en paix), avant d'être affaiblie par d'incessants conflits de territoires, dans les croisades, dans la guerre civile avec les Anglais (les mêmes familles se partagent et se disputent le morcellement du territoire…).
On rattache cette chanson au cycle dit des "barons révoltés" qui illustrerait les luttes entre puissants barons et le roi de France, mais ce n'est que dans la seconde partie, visiblement rédigée plus tard, que les barons ennemis se réconcilient pour tourner leur colère contre le roi qui apparaît alors comme un vil manipulateur qui dresse les barons les uns contre les autres afin de les affaiblir (il réunit les ennemis jurés dans une salle de fête en menaçant de condamner toute dispute…), et constituer un pouvoir centralisé. En constituant des ennemis intérieurs et extérieurs, il fait de ses vassaux de simples guerriers sanguinaires, et c'est lui qui apparaît alors auprès du peuple comme le nouveau garant de la paix. Ainsi l'orgueil condamnable des seigneurs de guerre prend un sens particulier, comme si ces nobles chevaliers étaient surtout trompés, dans l'erreur. Ils apparaissent dans la scène du duel, puis au festin, comme des enfants qui se chamaillent sans arrêt provoquant des disputes : les vieux sages dans leur faux duel pour le qu'en-dira-t-on qui veulent avoir le dernier mot le dernier coup ("tu m'as frappé fort, tu vas voir…"), jusqu'à la mort.
Les nobles guerriers sont donc comme des enfants querelleurs en défaut d'éducation. C'est justement Bernier, le bâtard (est-ce ce statut de rejeté qui permet sa différence ?), qui va rompre l'enchaînement des vengeances en s'agenouillant devant ses ennemis, rejetant par là symboliquement l'honneur guerrier pour des valeurs chrétiennes de paix et d'amour, valeurs chrétiennes portées par sa mère abbesse qui avait avec elle une bible de l'époque de Salomon. La faute de la mère, déshonneur violemment méprisé par Raoul, est justement ce qui symbolise l'humain chrétien : le droit au pêché, à la honte, au pardon. Ainsi, cette seconde partie appelle à une éducation nouvelle pour les nobles, qui leur permettra d'ouvrir les yeux sur le mal qu'il font dans les campagnes et sur la véritable origine du mal, ce roi trop puissant avide de pouvoir. Cette nouvelle éducation, c'est celle de l'idéologie courtoise, éducation chrétienne, lettrée, sensibilité poétique, maîtrise de la parole, politesse et galanterie… Idéologie qui passera notamment par les romans de chevalerie.
Et c'est bien ce dont il s'agit dans cette troisième partie qui rompt totalement avec le style et le ton des deux premières. Mais l'auteur qui aurait pu reprendre cette réflexion semble se désintéresser totalement des querelles régionales et de la révolte des barons contre le roi, à laquelle il préfère l'étrangeté du monde des Sarrasins. On entre dans un roman courtois pouvant faire penser aux romans de Chrétien de Troyes, aux aventures de Tristan et Iseult. On y retrouve de la galanterie, des aventures abracadabrantes, des rencontres hasardeuses, un filtre d'anti-amour… Les valeurs chrétiennes deviennent fondamentales avec la question du pèlerinage qui permet de faire pardonner ses crimes de guerre. En dépit de cette totale déviation de la chanson, de son ton et de sa signification, le personnage de Bernier, servant de fil conducteur, introduit l'auditeur dans cette toute nouvelle idéologie : la courtoisie. La chanson prend ainsi ce sens pédagogique de transformation de la noblesse (passage d'une noblesse de mérites guerrier à une noblesse de culture). La courtoisie vise à mettre un terme à l'idéologie de l'honneur guerrier. Et Bernier en est l'incarnation, bien que toujours talentueux chevalier, c'est son intelligence, ses ruses et précautions, son aisance oratoire, l'amour respectueux qu'il a pour sa famille et pour sa femme, l'importance de la fidélité dans le mariage, son attachement aux valeurs chrétiennes, son sens du pardon, qui le caractérisent. Il est amusant de voir que si les deux premières parties faisaient clairement penser à L'Iliade, celle-ci rappelle L'Odyssée d'Homère. Bernier, prisonnier en terre étrangère, lointaine, revient sur ses terres, se déguise en vieux pèlerin alors que sa femme doit repousser les avances d'un nouveau mari… Dommage que la qualité de narration n'accompagne pas cette troisième partie qui, malgré son ton très différent, pourrait proposer une conclusion cohérente à la chanson de Raoul de Cambrai.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Raoul de Cambrai est une chanson de geste du XII° siècle. C'est l'une des plus meurtrières et des plus sauvages de nos chansons médiévales. Il s'agit de l'histoire sanglante d'une rivalité féodale pour le Vermandois et de la vendetta familiale qui s'ensuit.

Elle se divise en trois parties:


Dans sa première partie, elle chante la révolte de Raoul contre l'empereur Louis et la mort du baron dans un duel qui l'opposait à son vassal Bernier.

La seconde section met en scène la vengeance que tire Gautier du meurtre de son oncle.

Dans la troisième partie, plus romanesque, nous suivons les aventures de Bernier, qui sera finalement tué par Guerri, l'oncle de Raoul, pour venger le meurtre de son neveu.

Pour la première fois dans Raoul de Cambrai, nous voyons des personnages tiraillés entre des devoirs de conflit. le problème se pose de façon plus aiguë pour Bernier, vassal de Raoul mais également membre du lignage des Vermandois. Que faire lorsque son seigneur attaque son père et tue sa mère? Que faire quand Raoul l'offense, le frappe et le blesse devant ses hommes ?
Cette Chanson de geste est le reflet de la primauté donnée à l'individu. le désir de rester fidèle à sa propre personnalité devient plus important que n'importe quel empire.
Lien : http://promenades-culture.fo..
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Ah! Raoul et Bernier... Nos Achille et Patrocle!
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Les maisons brûlèrent, les planchers cédèrent, le vin se répandit tellement que les celliers en furent inondés, le lard brûla et les garde-manger s'effondrèrent. La graisse aviva les flammes, qui atteignaient les tours et le plus haut clocher - les toitures s'écroulèrent. Entre les deux murs, le brasier fut si intense que les religieuses périrent. Toutes les cent brûlèrent dans ce grand incendie - Marsent, la mère de Bernier, y périt, ainsi que Clamados, la fille du duc Renier. La puanteur des corps carbonisés fut épouvantable; les hardis chevaliers pleuraient de compassion.
Quand le jeune Bernier vit ce désastre, il en éprouva une telle douleur qu'il pensa devenir fou. Vous auriez dû le voir saisir son écu! L'épée à la main, il vint à l'abbaye et vit les flammes jaillir à travers la porte - nul ne put s'approcher du feu à moins d'une portée d'arc. Bernier regarda: il vit sa mère étendue à côté d'un marbre précieux, son tendre visage calciné, et son psautier en flammes sur la poitrine.
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Raoul renie Dieu dans son acharnement, CLI, v. 2832 :
« – Merci, Raous, se le poez soufrir ! // – Pitié, Raoul, si vous le pouvez éprouver.
Jovenes hom sui, ne vuel encor morir. // Je suis jeune et ne veux déjà mourir
Moines serai, si volrai Dieu servir ; // Je serai moine, je voudrais servir Dieu
cuites te claim mes onnors a tenir. // Je t’abandonne mes charges et mon fief
– Voir, dist Raous, il te covient fenir, // – Certes, il te faut finir
a cest’ espee le chief du bu partir. // Par cette épée, la tête du buste va partir
Terre ne erbe te puet atenir, // Terre ni herbe ne peuvent l’empêcher
ne Diex ne hom ne t’en puet garantir, // Ni Dieu ni homme ne peut t’en préserver
ne tout li saint qe Dieu doivent servir ! » // Ni aucun des saints qui servent Dieu !
Ernaus l’oï, s’a geté un soupir. // Ernaut l’entend et en crache un soupire.
CLII
Li quens Raous ot tout le sens changié. // Le conte Raoul avait perdu le sens.
Cele parole l’a forment empirié // Ces paroles le dégradaient,
q’a celui mot ot il Dieu renoié. // Car par ces mots il avait renié Dieu
Ernaus l’oï, s’a le chief sozhaucié ; // Ernaut l’avait entendu, il releva la tête
cuers li revint, si l’a contraloié : // Du courage lui revint, il l’a ainsi critiqué :
« Par Dieu, Raous, trop te voi renoié, // – Par Dieu, Raoul, je te vois trop renégat
de grant orguell, fel et outrequidié ! // Par excès d’orgueil, cruauté et arrogance
Or ne te pris nes q’un chien erragié // Tu ne vaux pas plus qu’un chien enragé
qant Dieu renoies et la soie amistié, // Quand tu renies Dieu et son amour
car terre et erbe si m’avroit tost aidié, // Car la terre et l’herbe m’auraient bien aidé
et Dieu de gloire, c’il en avoit pitié ! » // Dieu sur terre avait de la compassion.
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Rejet des femmes et de leur avis, v. 922
Maldehait ait – je le taing por lanier – // maudit soit-il, je le tiens pour lâche
le gentil homme, qant il doit tornoier, // le noble quand il doit tournoyer
a gentil dame qant se va consellier ! // Et va se faire conseiller par une femme noble
Dedens vos chambres vos alez aaisier, // Allez vous mettre à l'aise dans vos chambres
beveiz puison por vo pance encraissier, // Buvez de la boisson à vous encrasser la panse
et si pensez de boiwre et de mangier, // Et ainsi occupez vous de boire et de manger
car d’autre chose ne devez mais plaidier ! // Car d'autre chose vous ne devez discuter
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Video de William W. Kibler (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de William W. Kibler
Court film réalisé par Marc Terzieff, en 1978, pour le Centre National de Documentation Pédagogique. Mise en image des principaux épisodes de la "Geste de Raoul de Cambrai", récit du XIIe siècle attribué au trouvère Bertolai de Laon, dans la transcription française de Paul Truffau.
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