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4,34

sur 1273 notes
A la vue de cette superbe couverture représentant une sorte de reptile ailé, je n'ai pu résister à son charme ancien qui m'a rappelée les planches Deyrolle tant aimées de mon enfance.
« L'homme qui savait la langue des serpents » est un roman étonnant, mystérieux, qui m'a transportée dans un monde fascinant et étrange, peuplé d'animaux extraordinaires. Dans mes rêves éveillés, j'ai vu la légendaire Salamandre protégeant les rivages et affrontant des navires qui venaient piller les côtes estoniennes, un pou géant de compagnie, des ours qui séduisaient les jeunes filles,...

Entre récit fantastique et vieux mythes, roman picaresque et conte épique, règne un univers enchanteur où le réalisme magique côtoie l'histoire, le folklore, la culture et le paganisme. Ce roman est incontestablement insolite et extravagant, accentué peut-être par notre manque de connaissances et de références culturelles et historiques sur l'Estonie.

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Le roman d'Andrus Kivirähk est un voyage passionnant qui nous plonge dans les forêts de l'Estonie médiévale à la rencontre des derniers peuples païens.

Avant l'invasion de chevaliers teutoniques venus de Germanie, les estoniens vivaient en harmonie dans la forêt, parlaient encore la langue des serpents, élevaient des louves laitières, se déplaçaient à dos de loup et hibernaient en hiver.
Mais depuis, leur monde et leur mode de vie sont en sursis. Petit à petit, les familles quittent la forêt, attirées par la vie plus facile dans les villages, et oublient leurs coutumes ancestrales. Elles apprennent l'allemand, se convertissent au christianisme et adoptent des noms bibliques.

« le monde change, il y a des choses qui sombrent dans l'oubli, d'autres émergent. »

Andrus Kivirähk est un auteur talentueux, qui a su créer un univers fascinant et original saupoudré de merveilleux et de fantaisie débridée. Toutefois, la dernière partie du récit devient un peu plus sombre et plus violente.

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L'histoire n'est pas linéaire, elle se déroule en empruntant des sinuosités, suivant les différents habitants de la forêt tout au long de leur vie. L'auteur ne s'est pas focalisé totalement sur le personnage principal, il a aussi réussi à donner vie à de nombreux personnages inoubliables.

Le jeune Leemet, le narrateur, est le dernier de son peuple à connaître la langue ancestrale des serpents, celle qui lui permet de communiquer avec les serpents et les animaux de la forêt. Son récit se teinte souvent de mélancolie et de nostalgie, car si la Salamandre endormie ne se réveille pas, son peuple va s'éteindre.
Sa personnalité complexe, avec ses failles et ses imperfections, sa curiosité, ses doutes et ses interrogations le rend profondément humain et d'autant plus attachant. A travers le parcours de notre jeune héros, on ressent le changement profond qui s'opère dans sa vie : attiré par le nouveau mode de vie des étrangers et respectueux de l'ancienne culture, on voit se dessiner dans son esprit une envie de compromis.

« Les désagréments, c'est comme la pluie : un jour ils vont nous tomber dessus, mais il n'y a pas de raison de s'en soucier tant que le soleil brille. Et puis, la pluie, on peut s'en protéger, et beaucoup de choses qui semblent fort laides vues de loin ne sont pas si terribles que ça quand on s'en approche. »

Il dépeint un monde en profonde mutation : le poids des anciennes traditions et des rites sacrés face la modernité, un mode de vie de chasseurs-cueilleurs face à l'agriculture et l'élevage, la nature face à la culture, le paganisme face à la religion chrétienne.
Ce qui est extrêmement bien réussi, c'est la façon dont Leemet prend conscience de l'irrationalité et de l'absurdité du fanatisme religieux des deux sociétés.

« Il y en a qui croient aux génies et fréquentent les bois sacrés, et puis d'autres qui croient en Jésus et qui vont à l'église. C'est juste une question de mode. Il n'y a rien d'utile à tirer de tous ces dieux, c'est comme des broches ou des perles, c'est pour faire joli. »

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De nombreux personnages, délicieusement croqués, à la fois hauts en couleur, loufoques et charismatiques, mettent une ambiance pleine de folie et d'extravagance : une jeune vipère royale, le grand-père de Leemet qui se bat comme un enragé avec ses crocs venimeux, le mystérieux personnage de Meeme, Tambet le sorcier du bois sacré, un couple d'anthropopithèques, Nounours l'amoureux transi de Salme.

« Nounours, c'était ce gros plantigrade avec qui ma soeur s'était mise en ménage depuis déjà cinq ans. Je me rappelais très bien comment elle avait quitté notre foyer – pour maman, naturellement, c'était une grande honte et un terrible malheur, car depuis sa triste expérience de jeunesse elle ne pouvait pas voir les ours, même en peinture. Bien sûr, il y avait belle lurette que nous savions que l'un d'entre eux tournait autour de Salme, mais maman faisait tout ce qu'elle pouvait pour tenir sa fille à l'écart du grand brun. À vrai dire, elle ne pouvait pas grand-chose. Salme traînait tout son saoul dans la forêt, et son galant traînait là où il fallait ; dans ces conditions, évidemment, leurs chemins se croisaient sans arrêt dans les fourrés. Il est très difficile à une jeune fille de se garder d'un ours : c'est si grand, si doux, si mignon, et ce museau qui sent le miel. Maman guerroya tant qu'elle put, mais le soir, quand ma soeur rentrait, ses vêtements étaient toujours couverts de poils. »

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Dans une langue fluide et ensorcelante, Andrus Kivirähk explore avec profondeur et subtilité, la perte de l'identité culturelle et sociale, la confrontation entre traditions ancestrales et modernité. Il offre également des réflexions très intéressantes sur la famille, la guerre, l'amour, la condition de la femme et la liberté.

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L'écriture d'Andrus Kivirähk est magnifique, poétique, colorée, légère, vivante, teintée d'humour, d'ironie et de sarcasme. Par la beauté des paysages, par la richesse incroyable du monde imaginé par l'auteur, par les émotions transmises, cette lecture est vraiment immersive.
Mais l'auteur n'hésite pas à emprunter des chemins plus tragiques, jonglant habilement avec la brutalité, la naïveté ou la stupidité des hommes, jouant ainsi avec nos émotions.

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En résumé, "L'homme qui savait la langue des serpents" a un charme très particulier. Il a réussi à me séduire grâce à son atmosphère déjantée, son inventivité, ses personnages burlesques à la limite de la caricature, son monde riche et fascinant, son atmosphère entre mythologie et Histoire.

"L'homme qui savait la langue des serpents" fait partie de ces romans rares, qui sortent de l'ordinaire. Il ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais si vous souhaitez lire un roman atypique, il sera peut-être votre prochain coup de coeur, tout comme moi.
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L'HOMME QUI SAVAIT LA LANGUE DES SERPENTS de Andrus Kivirähk

Au début, j'ai trouvé cet univers intéressant mais, par la suite, cette façon à peine détournée de blâmer avec raison l'humain pour son irrespect de la nature et des animaux, a fini par me lasser. Cet auteur a apparemment beaucoup de succès en Estonie.
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Un magnifique livre qui au-delà du conte fantastique est empreint d'une réflexion sur la civilisation. Au travers de son livre, l'auteur nous raconte l'histoire de son pays, l'Estonie, petit pays qui fût à plusieurs reprises envahie.
Face aux envahisseurs, comment conserver sa culture, ses traditions, sa langue.
Confrontation entre le monde de la ville, la « modernité », le monde influencé par les envahisseurs et le monde de la forêt, culture des traditions, le peuple originel.
Pour bien comprendre le livre, je conseil de lire la postface avant. Cela permet de bien comprendre l'étendue du livre.
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Leemet nait à une époque charnière : les coutumes ancestrales ont peu à peu disparu. Ainsi plus personne ou presque ne connait la langue des serpents, peu vivent encore dans la forêt, beaucoup ont rejoint les villages, ils cultivent la terre et célèbrent de nouveaux rites. Mais Leemet n'est pas de ceux-là cependat il ne trouve pas non plus son épanouissement auprès des siens. Il traversera de nombreuses épreuves qui ne sont pas sans rappeler quelques héros de la mythologie. Il va grandir et s'affirmer, mais au fond existe-t-il un salut dans cette histoire. Entre modernité et identité y a-t-il un choix raisonné ? Un entre-deux est-il possible ? C'est ce que questionne Andrus Kivirähk dans son conte fantastique et cette question est et restera toujours d'actualité. Dans ce roman si la forme est fantastique, le fond est universel.
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Le fond : dans l'Estonie médiévale, les êtres humains délaissent la forêt au profit de la ville et de son modernisme apporté par les envahisseurs, les hommes de fer, si bien qu'un seul homme sait encore parler la langue des serpents et entrer en communion avec la nature.
La forme : le style est simple avec des dialogues inter-espèces succulents comme dans le livre de la jungle.
Pour conclure : un roman onirique bien écrit et inventif qui nous plonge dans un monde fantaisiste tout en délivrant un message fataliste.
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Un livre où l'auteur se moque allègrement de tout le monde! Des situations pleines d'ironies, où les différents points de vue se confrontent. Des situations impossibles, aucun choix ne semble être satisfaisant. Sur l'éternelle querelle des anciens et des modernes.
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Une lecture extrêmement surprenante

Si vous avez envie d'une lecture un peu hors du commun, voici un livre qui devrait vous plaire.

Ce roman est un mélange assez unique de réalisme magique, de conte folklorique, de récit initiatique, de fable et de pamphlet.
L'écriture aussi est assez inclassable, tantôt poétique, ironique ou très crue et réaliste.

Leemet, le personnage principal, oscille à la lisière entre deux mondes. le monde ancien, celui de la forêt, des ours et des serpents. Et le monde nouveau, celui du village, des hommes de fer venus d'ailleurs et de la modernité.

Ce que j'ai beaucoup aimé, c'est sa manière de traiter un sujet traditionnellement plutôt manichéen (cette lutte entre traditions d'un côté et progrès de l'autre) de manière complexe et nuancée.
Chacune des deux cultures a justement sa propre culture. Tandis qu'au village on laboure les champs pour cuire du pain, les habitants de la forêt élèvent des louves dont ils traient le lait. Chacun a ses propres dieux et systèmes de croyance, ses apprentissages, ses légendes. Il n'y a donc pas de lutte entre la nature d'un côté et la culture de l'autre.

Pas non plus de mythe du bon sauvage. Les habitants de la forêt ne sont ni sauvages, ni meilleurs que ceux du village. Et s'ils cohabitent avec le règne animal, ils pratiquent aussi l'élevage, mangent de la viande d'élan et savent manipuler les animaux grâce à la langue des serpents.

A travers le personnage de Leemet, l'auteur porte un regard critique sur les croyances religieuses (quelles qu'elles soient), la soumission volontaire introduite par le système féodal et l'Eglise et la course au progrès.
Sous ses yeux incrédules, on assiste à l'effondrement d'une civilisation au profit d'une autre, avec tous les deuils que cela implique.

C'est un récit parfois violent, et j'avoue que j'ai eu du mal à avancer dans la deuxième partie du récit car je ne m'attendais pas à un récit si cru.

Enfin, je ne peux m'empêcher de souligner le (gros) bémol qui m'a empêché de profiter pleinement de cet ouvrage : la pauvreté des personnages féminins. Leurs réactions sont assez caricaturales, voire parfois incompréhensibles . Leur psychologie est peu ou pas travaillée. Leur rôle est secondaire : elles font à manger, tombent enceintes d'un futur chevalier, ou assistent le héros dans sa quête.

En définitive, c'est une lecture addictive, drôle et foisonnante. Je regrette cependant que les personnages féminins n'aient pas plus de profondeur !
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Ce livre a été un vrai coup de coeur pour plusieurs raisons :

➡️ L'écriture fluide et poétique qui vous fait naviguer facilement au travers de ces 500 pages

➡️ La beauté des contes nordiques, leur féerie

➡️ le lien sain entre l'homme et la nature, cette vie commune en harmonie

➡️ La traversée des temps, la confrontation à d'autres mondes

➡️ le combat et la résilience

➡️ L'importance des traditions, des histoires, des racines

➡️ Un vrai voyage ailleurs

Ce livre m'a touché et m'a rempli de curiosité pour ces cultures si proches et qui me semblent si différentes.

En tant qu'amoureuse de Haruki Murakami, j'ai retrouvé ce côté de réalité mélangée à de l'imaginaire sans que cela ne soit gnan-gnan.

Ce livre fait partie de mes grands coups de coeur qui me rappellent pourquoi j'aime lire.
Et je suis à chaque fois surprise de voir que peu de gens le connaisse.
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Ce conte estonien a obtenu le grand prix de l'imaginaire 2014 ; il s'inspire des sagas islandaises et représente un petit trésor d'imaginaire. Je me suis laissée transporter dans cet univers moyenâgeux où Leemet est le dernier homme à savoir la langue des serpents et se désole de la modernité du monde. Les Estoniens dits « peuples de la forêt » la quittent peu à peu pour aller vers les villages et ne mangent plus de viande mais des céréales. Dans le même temps, la religion est devenue centrale après la conquête du pays par des chevaliers-prêtres allemands.
Leemet a pour meilleur ami Ints, un serpent, et vit dans la forêt à la manière d'un sauvage avec sa mère, sa soeur et son oncle.
 
Dans ce monde magique où les femmes tombent amoureuses des ours, où on vole avec des os humains et on chasse les vents, où on élève des poux de la taille d'un chevreuil, où on lèche une pierre pour se nourrir durant l'hiver, Leemet va connaître plein de malheurs et voir son avenir s'assombrir pour faire place à la solitude, le désenchantement.
 
Au-delà du conte, Andrus Kivirähk cherche à exprimer la violence – l'agressivité culturelle du pouvoir soviétique– la survie des minorités et la nostalgie du temps qui passe. Une belle réflexion et un voyage fantasmagorique à ne pas rater !
Lien : https://alinebouquine.fr/lho..
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Je me doutais bien en me procurant ce livre que j'allais dans me lancer dans une histoire hors du commun, bien loin de ce que j'avais pu connaître auparavant. Je m'étais préparée à entrer dans un univers magique et peuplé de créatures légendaires et pourtant, j'ai tout de même été surprise. C'est un univers entier qui est contenu dans ces pages et j'ai adoré le parcourir avec Leemet et Ints.

Ce qui m'a le plus séduite lors de ma lecture était le point de vue adopté par l'auteur, qui ne parle qu'à travers les yeux de Leemet depuis son enfance jusqu'à l'âge adulte. Nous découvrons par conséquent un monde qui se féodalise, délaissant la forêt et ses traditions immémoriales sous un jour nouveau. Ce ne sont par exemple pas des Teutons qui envahissent l'Estonie mais des « Hommes de fer ». Nous évoluons au même rythme que le personnage, apprenons les usages en règles dans la forêt et suivons ses progrès lors de son apprentissage de la langue des serpents. Toute cette partie du récit m'a fascinée et je ne cessais de m'émerveiller devant cette multitude de choses inconnues. Si bien que j'ai fini par me montrer hostile envers les habitant.e.s du villages et que j'ai éprouvé un malin plaisir à les voir souffrir (c'est pas bien, je sais).

La seconde partie du roman est quant à elle bien moins rose et si on peut s'en douter, ça n'en est pas moins difficile à lire. Ce monde de la forêt est voué à disparaitre tout comme celui qui l'a précédé et il est assez pénible d'en lire le lent déclin. J'ai ressenti beaucoup de peine pour les personnages du roman, que ce soit pour la famille de Leemet, pour les serpents ou encore pour les « anthropopithèques » et leur poux géant. Mais le plus terrible c'est que tout ce drame est parsemé de touches d'humour et de sarcasme et que… j'ai aimé ça. Après avoir lu l'épilogue, j'ai un peu mieux compris le message de fond du roman et ce que l'auteur avait tenté de faire passer. J'ai alors compris la raison de cet humour prédominant et j'ai pu l'apprécier à sa juste valeur. Je qualifierais ma lecture de véritable expérience littéraire déroutante mêlant l'histoire et le fantastique. C'était une belle découverte et je le recommande à celleux qui souhaitent sortir de leur zone de confort.
Lien : https://cassyown.com/2022/12..
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