la grâce est plus pure dans l'inconscience(marionnette) ou l'infinie(Dieu).
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En inversant l’approche selon laquelle la marionnette donnerait une image déformante de l’homme, l’auteur du Prince de Hombourg pose en 1810 les jalons d’une réflexion sur la conscience de l’acteur qui nourrit le jeu moderne. Et qui répond à l’éternelle question : comment représenter l’homme au théâtre ?
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– Et quel avantage cette poupée aurait-elle sur les danseurs vivants ?
– Quel avantage? Avant tout, mon excellent ami, un avantage négatif : elle ne ferait en effet jamais de manières. Car l'affectation apparaît, comme vous le savez, au moment où l'âme (vis motrix) se trouve en un point tout autre que le centre de gravité du mouvement. Et comme le machiniste ne dispose, par l'intermédiaire du fil de fer ou de la ficelle, pas d'un autre point que celui-ci, les membres sont comme ils doivent être, morts, de simples pendules, et se soumettent à la seule loi de la pesanteur; une propriété merveilleuse, qu'on chercherait en vain chez la plupart de nos danseurs.
« Vous n'avez qu'à regarder la P..., poursuivit-il, quand elle joue le rôle de Daphné et que, poursuivie par Apollon, elle se retourne vers lui; son âme est logée dans les vertèbres des reins ; elle se plie comme si elle voulait se briser, telle une naïade de l'École du Bernin. Voyez le jeune F..., quand il symbolise Pâris debout entre les trois déesses et tend la pomme à Vénus : son âme se tient cachée (c'est effroyable à voir) dans le coude.
« De telles erreurs, ajouta-t-il pour couper court., sont inévitables depuis que nous avons mangé du fruit de l'Arbre de la Connaissance. Mais le Paradis est verrouillé, et le Chérubin à nos trousses ; il nous faudrait donc faire le tour du monde pour voir s'il n'est peut-être pas rouvert par derrière. »
(...)
– Ainsi, mon excellent ami, me dit Monsieur C..., vous êtes en possession de tout ce qu'il faut pour me comprendre. Nous voyons que, dans le monde organique, plus la réflexion paraît faible et obscure, plus la grâce est souveraine et rayonnante. – Cependant, comme l'intersection de deux lignes situées d'un même côté d'un point se retrouve soudain de l'autre côté, après avoir traversé l'infini, ou comme l'image d'un miroir concave revient soudain devant nous, après s'être éloignée à l'infini : ainsi revient la grâce, quand la conscience est elle aussi passée par un infini; de sorte qu'elle apparaît sous sa forme la plus pure dans cette anatomie humaine qui n'a aucune conscience, ou qui a une conscience infinie, donc dans un mannequin, ou dans un dieu.
– Par conséquent, lui dis-je un peu songeur, nous devrions manger une fois encore du fruit de l'Arbre de la Connaissance, pour retomber dans l'état d'innocence ?
– Sans aucun doute, me répondit-il ; c'est le dernier chapitre de l'histoire du monde. »
Avez-vous, demanda-t-il alors que je restais muet, le regard fixé au sol, avez-vous entendu parler de ces jambes mécaniques que des artistes anglais élaborent pour les malheureux qui ont perdu leurs membres inférieurs ?
Je lui dis que non : je n'avais jamais rien vu de semblable.
J'en suis navré, me répondit-il, car si je vous dis que ces malheureux dansent grâce à elles, je crains presque que vous ne me croyiez pas. Que dis-je, danser ? Le champ de leurs mouvements est certes limité, mais ceux qui sont à leur disposition s'exécutent avec une tranquillité, une légèreté et une élégance qui plongent toute âme pensante dans l'étonnement.
le machiniste ne dispose en fait d’aucun autre point que celui sur lequel agir au moyen du fil de fer ou de la ficelle, tous les membres sont, comme ils doivent être, morts, de purs pendules, et obéissent à la seule loi de la pesanteur ; qualité exquise que l’on chercherait en vain chez la plupart de nos danseurs[...] Ces poupées, ont de plus l’avantage d’échapper à la pesanteur . Elles ne savent rien de l’inertie de la matière, propriété des plus contraires à la danse : car la force qui les soulève est plus grande que celle qui les retient à la terre
.... Je rétorquai qu'on m'avait dit de ce métier qu'il était sans âme : un peu comme une rotation d'une manivelle qui actionne une vielle.
" Pas du tout, me répondit-il. Les mouvements de ses doigts entretiennent un rapport assez complexe à celui des poupées qui y sont attachées, à peu près comme les nombres à leurs logarithmes ou l'asymptote à l'hyperbole."
Je lui dis avoir été étonné de le trouver à plusieurs reprises dans un théâtre de marionnettes qui avait été monté sur le marché et amusait la populace par de petites pièces dramatiques et burlesque agrémentées de chants et de danses.
Il m'assura que la pantomime de ces poupées était pour lui un vrai délice et me fit remarquer sans détour qu'un danseur souhaitant progresser pouvait apprendre d'elles bien des choses.
"[…] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux.
[…] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes.
[…] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions.
[…]" (Roland Jaccard.)
0:14 - Bernard Shaw
0:28 - Julien Green
0:45 - Heinrich von Kleist
1:04 - Georges Henein
1:13 - Ladislav Klima
1:31 - Michel Schneider
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2:12 - Friedrich Nietzsche
2:23 - Roland Jaccard
2:37 - Alphonse Allais
2:48 - Samuel Johnson
3:02 - Henrik Ibsen
3:17 - Gilbert Keith Chesterton
3:35 - Gustave Flaubert
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Référence bibliographique :
Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration :
Marquise de Lambert : https://de.wikipedia.org/wiki/Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles#/media/Datei:Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles.jpg
George Bernard Shaw : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#/media/Fichier:G.B._Shaw_LCCN2014683900.jpg
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