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EAN : 9782021479461
224 pages
Seuil (10/11/2022)
4.7/5   5 notes
Résumé :
Du début du XIXe siècle, tout juste sorti de la Révolution française, jusqu'à la violente rupture de la Première Guerre mondiale, un long siècle de création picturale s'écoule qui voit émerger, croître et se métamorphoser l'espace de production artistique de la modernité. Cet ouvrage se propose de le parcourir en compagnie d'artistes dont l'histoire de l'art a négligé les œuvres jusqu'à une période récente : les peintres femmes.

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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce n'est sans doute pas un hasard si la couverture montre ce visage de femme qui nous toise fièrement, du défi dans les yeux, pour accompagner le titre "Elles étaient peintres – XIXe - Début XXe siècle" : ainsi semble s'affirmer Elin Danielson-Gambogi (Finlande, 1861-1919) à travers cet autoportrait de 1903.

Une publicité grandissante est faite de nos jours aux artistes femmes et un public élargi leur fait bon accueil. On ajoutera le présent excellent ouvrage au compte de ce phénomène. Martine Lacas a certainement voulu ce titre comme le meilleur hommage, qui traduit aussi une préoccupation majeure. Car si la recherche universitaire, depuis les années 1970, se consacre aux parcours des artistes féminines, analysant les conjonctures sociologiques et un récit qui ont contribué à les invisibiliser, une question semble perdue : l'oeuvre d'art est une façon de dire ce qu'est être au monde, de ce monde. Or l'approche sociologique supplante de façon générale, contrairement à ce que l'on constate pour les artistes masculins, l'analyse de leur manière de faire des mondes, leur tentative de rendre visible des forces qui ne le sont pas. ”Pourquoi attendre que les oeuvres de femmes entrent dans notre mémoire poétique, afin d'accéder à une parité existentielle et pas seulement « sociale » ? [...]. Faut-il garder, comme un secret honteux, le punctum, le point sensible qui parfois en surgit pour piquer, couper, troubler nos consciences esthétiques souveraines et avouables ?" Des femmes, mais surtout des peintres, car elles étaient peintres sans oublier ce qu'entend le geste de peindre.
Pour Martine Lacas, parler d'« art féminin » comporte le risque d'enfermer dans un essentialisme réducteur.

La fin du 17e s et le 18e siècle ont vu une féminisation marquée de l'espace des beaux-arts, l'époque rapportée est donc riche. Plutôt que s'attarder aux figures connues [Berthe Morisot, Rosa Bonheur, Suzanne Valadon, Mary Cassatt, etc. apparaissent néanmoins], l'autrice "choisit d'avancer à ras du sol, d'ouvrir des chantiers de fouilles, d'opérer çà et là des sondages que d'autres ouvrages pourront analyser. [...] ... des artistes inconnues retiendront plus longuement l'attention, des questions qui ont déjà bénéficié d'études approfondies [académie Julian, entrée des femmes à l'École des Beaux Arts] se verront consacrer moins de pages que d'autres encore peu connues du grand public, bien que déterminantes." [p.19] On découvrira donc des oeuvres qui ont moins souvent l'honneur des cimaises : toiles oubliées dans les réserves ou dans des collections particulières, toiles errantes, sans visa, sur le marché des ventes. Ce qui n'enlève rien à leurs qualités plastiques.

Le texte rédigé par Martine Lacas qui constitue la charpente de ce volume est du niveau attendu d'une enseignante universitaire et chercheuse : il mentionne, par exemple, des ouvrages tels que "La Méthode" d'Edgar Morin ou les essais d'Annie le Brun dont le lecteur est censé être averti. Si tout le monde contemplera avec plaisir les abondantes illustrations proposées par l'ouvrage, sa lecture s'adresse donc à un public désireux de s'informer de manière approfondie.

Dans sa conclusion, Martine Lacas se tient en retrait de la position critique vis-à-vis du récit dominant qui a exclu les artistes femmes. Elle ne veut pas y céder pour la raison qu'une telle histoire spécialisée des femmes artistes ne fait qu'entériner, bien qu'elle s'en défende, les mécanismes pernicieux qui sous-tendent le récit dominant de l'histoire de l'art. Et ceux-ci sont moins ceux d'un patriarcat ou d'un ordre masculin misogyne que ceux du capital, c'est-à-dire la financiarisation de l'art. Et l'on rejoint Annie le Brun et "Ce qui n'a pas de prix" (2021) que relaie volontiers l'autrice pour affirmer : "La discipline « histoire de l'art des femmes », même si elle procède initialement d'une lutte dont la légitimité n'est pas à remettre en cause, trahit elle aussi bien souvent un semblable déni de la violence exercé par le pouvoir de la finance." [p.220]
Se focaliser sur les analyses de la discrimination par le genre exclut du questionnement l'instauration dès le 19e siècle du système concurrentiel et de la financiarisation du marché de l'art qu'on finit par trouver naturels. Invoquer continuellement la misogynie ou le partage hiérarchisé et genré de la société a tendance à laisser de côté la virulence généralisée du pouvoir de l'argent.

L'usage de la catégorie « art féminin » énonce trivialement qu'un tableau peint par une femme a été peint par une femme et l'on s'enferme là dans une bien étroite impasse. "Avant qu'il ne soit trop tard pour aspirer à plus de complexité, à plus de vertige, plutôt que répéter à l'envi qu'elles sont des femmes, il est impératif d'aller voir comment ces artistes, [...] ont cherché dans ce monde l'espace et le temps d'un autre monde, [...] se sont mises en quête d'une épiphanie de l'art." [p.221]

Malgré l'absence d'un index des artistes, un vrai beau livre, solide, relié et luxueux, illustré de plus d'une centaine de reproductions irréprochables et porteur de messages intelligents. Merci aux éditions du Seuil et à Babelio.
[article complet sur le blog]

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Tout d'abord je tiens à remercier les Editions du Seuil pour ce très beau livre reçu dans le cadre de la masse critique.

J'adore la peinture et l'histoire des Femmes me touche particulièrement. Ce livre regroupant les deux il ne pouvait que me plaire.
Déjà on commence par une couverture superbe, avec un portrait de femme la tête haute, le ton est donné.
L'idée de ce livre est de montrer le parcours des femmes dans la peinture depuis le 19e siècle jusqu'au début du 20e siècle quand les premières femmes sont enfin sorties diplômées de l'Ecole des Beaux-arts.
Ce livre, pour ceux et celles qui s'intéressent au sujet, est précieux. Il est également très actuel puisque la question de la place des femmes dans la société est plus que jamais mise en avant. Il n'y aura jamais trop de livres, jamais trop de films ou tout autre moyen de parler des Femmes. Il y a peu j'ai pu voir l'exposition "Pionnières" au musée du Luxembourg qui mettait également en avant le rôle primordial des femmes dans le développement des grands mouvements artistiques de la modernité (20e siècle). On en parle, on les expose, on constate leur importance. Il était temps.
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Unmagnifique ouvrage qui propose de parcourir les femmes artistes peintres dont l'histoire de l'art a négligé les oeuvres jusqu'à une période récente .
Du phénomène inédit de féminisation du Salon officiel sous le Consulat et la Restauration à l'afflux des artistes nordiques, britanniques, russes et américaines sur la scène parisienne à l'aube du XXe siècle, des ultimes débats sur l'ancestrale hiérarchie des genres picturaux au surgissement accéléré des avant-gardes, de la multiplication des ateliers de jeunes femmes au seuil du XIXe siècle aux premières diplômées de l'École des beaux-arts au début du XXe siècle, la période déploie une scène où il nous appartient désormais de les voir et de les entendre jouer, elles aussi, leur rôle d'artiste tel qu'elles s'en emparèrent concrètement, personnellement dans et avec leur temps.
Ce livre est tout simplement un chef d'oeuvre que je vous recommande si vous aimez la peinture et l'art.
Je remercie Babelio, et les éditions Seuil de m'avoir offert cette merveilleuse lecture culturelle .
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Vidéo de Martine Lacas
L'artiste Rosa Bonheur (1822-1899) fait partie des quelques grandes figures féminines libres du XIXe siècle et sa vie est un véritable roman : elle peint lions, cerfs et vaches, elle porte les cheveux courts et les pantalons, elle fume le cigare.
Dans le cadre du cycle de conférence « L'Art en histoires», dont la seconde édition s'intéresse aux questions d'identités artistiques aux XIXe et XXe siècles, retrouvez l'historienne Martine Lacas qui s'attache à montrer, à travers la figure de Rosa Bonheur, les places qu'occupent les artistes femmes dans les sociétés françaises et européennes de l'époque.
En savoir plus sur le cycle « L'Art en histoires» de la BnF, pour s'initier aux principaux courants artistiques et comprendre les oeuvres d'art en regard de lectures critiques : https://www.bnf.fr/fr/agenda/lart-en-histoires
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