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sur 311 notes
Quels sont les pays de Claire ? le pays natal, la vallée de la Santoire où se niche la ferme familiale dans un Cantal d'hivers longs et rigoureux et d'étés resplendissants. Mais, après les années d'internat chez les religieuses à Saint-Flour, un autre pays se dessine, celui de la capitale où elle migre pour poursuivre des études de lettres classiques. La fille de paysans se retrouve sur les bancs de la Sorbonne, effarée de côtoyer un monde dont elle ne possède pas les codes, opiniâtre dans sa lutte pour surmonter les obstacles nombreux qui se dressent devant elle. Claire n'a pas la prestance des étudiants de bonne famille, elle n'a pas l'habitude du théâtre, de la musique classique et des loisirs qui nourrissent une culture indispensable aux études qu'elle s'est choisies ; elle se sent maladroite, empruntée dans ses manières, peu douée pour la conversation ou les joutes verbales. Alors, la voie qu'elle s'est fixée est celle d'un travail acharné et d'une vie économe, loin des siens, s'éloignant sans les quitter tout à fait, rattrapée au détour d'une rue par un parfum d'herbe coupée ou par la silhouette d'un arbre familier.
Les pays, ce sont aussi les personnes qui viennent du même lieu, et l'étudiante rencontre Alain, l'un des magasiniers de la bibliothèque de la Sorbonne originaire d'une commune voisine de la sienne. Mais si l'aspiration d'Alain est de retourner au pays, celle de Claire est de vivre ce qu'elle s'est assigné une fois pour toutes : réussir ses études et intégrer la Fonction publique. Elle ne reviendra pas sur son choix, elle qui est si peu faite pour les travaux de la ferme, sa maladresse étant le signe très ancien d'une destinée autre, comme le rappelle le père.
L'écriture de Marie-Hélène Lafon possède toute la rugosité des caractères trempés dans l'obstination et l'austérité des manières. Claire affronte l'université en ne se faisant aucune illusion sur l'image qu'elle donne d'elle-même : c'est un bûcheuse, une ambitieuse, acharnée à l'emporter sur les autres, non pour le goût de la revanche sociale, mais pour la démonstration d'une intelligence qui sait s'affûter aussi bien que les autres à un savoir élitiste. le style de l'écrivain possède aussi quelque chose de lumineux, de vibrant, qui restitue toute la sensibilité d'une âme habitée par le rythme des saisons, de la nature, la présence des animaux de la ferme. Lorsque Claire évoque son père, ses brefs séjours à Paris, son étonnement devant les moeurs parisiennes, elle jette un pont de douceur et de réserve tendre entre elle, la citadine, et cet homme chevillé à sa terre, ses bêtes, à son pays.
Ma seule réserve concernant ce roman est le passage consacré au travail saisonnier de Claire à la banque. La peinture des employés de la succursale se veut mordant et il en devient acide. le portrait de Madame Rablot, la caissière, est un peu trop appuyé et le style épouse une certaine emphase qui alourdit le propos et tient à distance l'empathie que l'on voudrait ressentir pour cette femme.
Ce roman – puisque roman il y a – éveille de nombreux échos en moi, ouvrant une trajectoire singulière à un compagnonnage de route avec tous ceux et celles qui ont suivi une autre voie que celle dictée par leurs origines.
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Je découvre la plume de Marie-Hélène Lafon avec Les pays et je sors de cette lecture avec un avis partagé.
J'ai en effet eu beaucoup de mal à me plonger dans le roman tant l'écriture hachée, entrecoupée, a rendu ma lecture difficile. Indéniablement Marie-Hélène Lafon a un style bien à elle, que l'on sent très travaillé et où chaque mot est pesé. Mais aussi auquel j'ai eu du mal à m'adapter et qui m'a laissé un peu sur la réserve.
Pourtant, j'ai vraiment apprécié les thèmes mis en avant dans ce roman : l'opposition ville / campagne, ici Paris et un petit village du Cantal d'où est originaire Claire, le personnage du roman, le sentiment d'appartenance à une région, l'héritage qu'on en garde et la volonté aussi, pour les jeunes générations, de découvrir autre chose.
Le roman se découpe en trois parties : l'enfance De Claire, avec la visite au salon de l'Agriculture et la découverte de la ville. Puis la deuxième partie, la plus longue, nous décrit l'adolescence et le début de la vie d'adulte De Claire, qui poursuit ses études à Paris, avec la volonté de s'émanciper de son héritage familiale, d'exister par elle-même, de se fondre dans la ville. Dans la troisième partie on retrouve Claire, la quarantaine, qui reçoit la visite de son père et son neveu. Si au fond d'elle-même, bien que bien installée dans sa vie parisienne, elle ne peut se défaire de sa région natale, se confronte encore ici les valeurs du père, attaché au monde rural et celles de sa fille.
Un roman vraiment intéressant donc, qui ne m'a malheureusement pas apporté autant que je l'espérais mais qui reste tout de même une bonne lecture.
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Marie Hélène Lafon nous a habitués à ses descriptions de sa vie d'enfant, dans une ferme du Cantal du coté l'Allanche. Elle nous a souvent présenté ces personnages rudes, simples, solides dehors, parfois fragiles comme tout le monde dedans. Cette fois, c'est d'elle-même qu'elle nous parle: munie de son bac (mention très bien, denrée rare à cette époque), elle s'installe à Paris, dans un petit appartement, pour suivre des études de lettres classiques à la Sorbonne. Un peu de solitude, des rencontres - inégales -, la découverte de la jeunesse dorée, qui l'impressionne par les connaissances semble-t'il innées de ces étudiants, qui donnent l'impression de tout savoir, d'avoir tout lu, tout connu, alors qu'il lui faudra, à elle, suivre un chemin exigeant fait de lectures sans fin, de séances de cinéma, de rencontres et d'échanges, pour "rattraper" ces acquis. Somme toute, ceux qui ont connu cette expérience sont nombreux. Aussi, quels que soient le talent de l'auteure et l'intérêt du récit, on lui préférera ses nouvelles, ou par exemple son petit roman "Joseph".
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Claire est née et a vécu toute son enfance dans une ferme du Cantal. Pour ses études, elle va devoir « s'extraire de ce fin fond du monde » (p. 13), un arrachement de soi vers l'ailleurs, celui de Paris, la capitale où elle va monter, s'élever dans la sphère estudiantine. Elle raconte son histoire, d'un pays vers un autre, d'un temps premier vers un autre temps, l'histoire d'une subtile alchimie, celle d'une vie.

« Les pays » conte, par la voix de Marie-Hélène Lafon, l'histoire d'une transmutation d'un être en quête d'un soi à la fois distinct de son milieu d'origine, mais qui s'efforce aussi de le rejoindre. Cette histoire singulière fait écho et rejoint chacun dans son humanité et son essai de grandir, ou, tout du moins, de (se) construire. C'est un roman très émouvant au style particulier : l'écriture s'envole parfois en longueur, en staccato, les adjectifs se heurtant dans une ribambelle de virgules. Il ressort de l'ensemble une poésie douce, exigeante, âpre, inoubliable. Et l'on traverse, aux côtés De Claire, un chemin de vie, partageant son émoi quand sa traversée rencontre un carrefour nodal, à la faveur de souvenirs : « Claire était restée là un long moment, à l'exacte croisée des temps, des lieux et de ses mondes soudain embrassés. » (p. 163.)
En refermant ce livre, c'est la citation placée en incipit qui, soudain, prend tout son sens : « Nous ne possédons réellement rien ; tout nous traverse. » Eugène Delacroix, Journal
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J'ai découvert cette auteure avec son roman L'Annonce que j'avais bien aimé. En voyant à la rentrée littéraire qu'elle en sortait un autre et en voyant un lecteur le rendre à la bibliothèque, j'en ai profité pour l'emprunter.


C'est un style très particulier qu'a Marie-Hélène Lafon.
Il n'y a pas de paragraphe dans le texte, c'est très ramassé, très compact. Si compact que, parfois, cela manque un peu d'air.
Mais l'écriture est calme, posée, très soutenue et je dois avouer que cela fait du bien parfois, un tel style. Il faut juste prendre le temps de le lire correctement, sans sauter des lignes. Comme j'avais déjà lu un roman de cette auteure, je savais à quoi m'attendre, je n'ai donc pas été surprise.


Et ‘ai donc apprécié cette lecture. Je pense que j'aime bien Marie-Hélène Lafon et que je vais suivre de près ses futures oeuvres et essayer de trouver ces romans précédents.

Ce roman se découpe en trois parties :

1. Avant ses études à Paris, Claire visite avec son père le Salon de l'Agriculture. C'est donc en quelque sorte un premier contact avec la ville, même si elle n'en verra pas grand chose.

2. Les années d'étude à paris, ces années de passage, de transition, ou encore incertaine de sa véritable place, elle apprend à connaitre Paris et à devenir une citadine.

3. Devenue professeure des années plus tard, Claire accueille son père et son neveu chez elle et son père mesure l'écart entre eux. Elle n'appartient plus à son monde et elle est entièrement devenue citadine.

Le grand thème de ce petit roman (dont j'aime beaucoup la forme de la maison d'édition qui est, à l'image du roman, très sobre) est la rencontre de deux mondes : La Province et la Capitale.

Grâce à Claire, jeune fille d'agriculteur, on assiste à la rencontre du monde de la ville moderne et d'un monde qui est entrain de disparaitre, celui de l'agriculture.

Son père le lui répète assez souvent : il fait partie des dernières personnes à être véritablement paysan dans le sens traditionnel du terme : maintenant l'élevage et l'agriculture se font à grande échelle et plus vraiment chez les particuliers.


Claire arrive petit à petit à se faire à cette nouvelle atmosphère, ce nouveau monde, surtout grâce à son travail sérieux (elle l'a vite compris : n'ayant pas la famille et les racines qu'il faut pour réussir sans difficulté dans la vie, elle mise tout dans le travail personnel et sa culture générale.)


J'ai beaucoup aimé lire ses premiers pas dans l'université. J'ai trouvé cela plutôt intéressante de voir ses étonnements, ses doutes et ses incompréhensions pour une ville que moi, je connais très bien.


Mais elle va être incapable de s'intégrer réellement dans ce monde, ni d'arriver à garder des véritables liens avec sa vie d'avant. Elle devient une citadine mais sans devenir une parisienne. Elle sera éternellement entre les deux, la Province et la Capitale. Cela me fait un peu penser à ces personnes qui ont deux nationalités et qui se sentent aussi bien français qu'allemand par exemple. C'est exactement la même chose. Cela peut être aussi bien une force qu'une faiblesse.

Je trouve que dans son cas, ce fut plutôt une faiblesse, même si elle a l'air plutôt heureuse et sereine à la fin. Elle a mis du temps à se positionner par rapport à ces deux « pays » et à trouver sa véritable place.

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Une belle découverte donc, de cette rentrée littéraire 2012. Aussi bien pour la forme que pour le fond, je le conseille aux personnes qui ne connaissent pas encore cette auteure pour la découvrir.
Lien : http://writeifyouplease.word..
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Il m'a fallu vérifier à deux fois que le mot roman était bien imprimé sur la couverture tant l'histoire De Claire se confond intimement avec elle de son auteur. L'intrigue des «Pays » de Marie-Hélène Lafon est certes bien mince : l'héroïne, fille de paysans, quitte la ferme paternelle pour les bancs de la Sorbonne. Montée à la capitale pour y poursuivre ses études, elle y reste finalement et devient professeur de lettres. Et pourtant, Claire n'oubliera rien, ne reniera rien. Pas plus ses racines que la réalité de sa nouvelle ville. On est là au coeur de ce court ouvrage. Comment passer d'un monde à un autre, des vastes étendues du Cantal à celui plus restreint d'une ville ? Comment grandir sans trahir, ni les siens, ni soi-même ? Comment accepter de devenir autre, une presque étrangère sans blesser cette famille qui vous a pourtant porté ?
Toutes ces interrogations, ces oscillations du coeur sont exposées pudiquement grâce à une langue épurée, ciselée, parfois si travaillée que nous sommes souvent tenus à distance d'une véritable émotion. Et puis soudain, au détour d'une page, on est pris par surprise ; deux lignes très simples disent le souffle des paysages de montagnes, trois mots suffissent à exprimer la fierté contenue d'un père vieillissant. Magique !
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Dès le départ à la lecture de cet écrivain à l'écriture scandée, précise, pointue, à la phrase longue et à l'expression de ce qui est tu, avec des personnages secrets, pudiques, sensibles mais insaisissables, je suis happée. Ici comme Annie Ernaux dans les années, on retrace la vie par bribes d'une femme professeur de lettres. Plusieurs tranches de vie sont évoquées qui permettent alors de tracer d'autres souvenirs ou éléments narratifs. Il ne se passe rien ou beaucoup comme dans la vraie vie. C'est magnifique mais intime et dense, subtil et profond comme une musique qui accompagne, enchante et nous rend mélancoliques...
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Pour ce livre paru en 2012, Marie-Hélène Lafon a choisi un sujet a priori très intéressant: que vivent les jeunes gens issus de la France profonde, quand ils "montent" à Paris ? Eux, qui connaissaient seulement la vie du monde rural, comment s'adaptent-ils au milieu urbain ? L'héroïne s'appelle Claire, elle vient du Cantal. Son aventure est racontée en trois épisodes: un premier voyage pour le Salon de l'Agriculture, ensuite ses études de lettres classiques à la Sorbonne, et enfin la visite de son père et de son neveu plusieurs années plus tard. Sérieuse, douée, bourreau de travail, elle reste imprégnée de l'esprit paysan. Cette osmose entre deux formes d'esprit est remarquable.
Pourtant, je n'ai pas aimé ce roman - sans doute autobiographique - non pour son sujet, mais à cause de sa forme. Déjà, j'ai été surpris par toutes ces phrases qui se succèdent sans paragraphe, donnant au texte un aspect compact et rebutant. Ensuite, l'écriture est TRES châtiée, éloignée de la langue courante, presque ampoulée: au début, on a envie d'admirer le style somptueux de l'auteure, puis on en arrive à le trouver barbant. Enfin, les actions et les pensées de l'héroïne m'ont semblé nimbées dans une sorte de brouillard, avec peu de sentiments bien caractérisés et beaucoup de digressions (concernant notamment les personnages secondaires): ceci éclaire mal la personnalité et le ressenti de Claire.
En vérité, je suis passé complètement à côté de ce livre. Et j'ai fini par le "diagonaliser", tant mon ennui croissait.
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C'est toujours un plaisir de retrouver l'écriture de Marie-Hélène Lafon. Une écriture limpide, avec un vocabulaire recherché. Sous le personnage de Claire, il semble bien que ce soit l'auteure qui se dévoile pudiquement à travers les sujets qui lui sont chers. Certains passages peuvent être moins intéressants que d'autres mais cela se lit facilement.
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Ce recueil rassemble les nouvelles écrites par Marie-Hélène Lafon. Il a été couronné du Prix Goncourt de la nouvelle 2016. Les histoires se déroulent en Auvergne, pays natal de l'auteur.
Ces nouvelles reviennent sur les événements qui rythment la vie à la campagne : les rencontres, les fêtes de famille, les enterrements... Marie-Hélène Lafon restitue l'ambiance de son enfance. C'est une société fermée qui cache plus qu'elle n'intègre les différences. Ainsi en est-il d'Alphonse, simplet ou de cette famille de boulanger qui peine à s'insérer. Il y est aussi question de la solitude qui ronge et de la vieillesse qui isole. La télévision commence à imposer sa présence. C'est la grande époque des speakerines et des retransmissions du Tour de France. L'école sert de moule pour instruire la jeunesse. C'est là que se forme les espoirs d'ailleurs. Ces nouvelles, bien qu'ancrées dans un terroir et une époque, ont une portée plus large, celle des territoires rudes qui forment des caractères à leur image.

A la fin du recueil, Marie-Hélène Lafon raconte un peu de son parcours d'écrivain. Comment ses textes deviennent des romans ou des nouvelles, sans qu'elle ne le sache au départ...
Lien : http://litterature.calice68...
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