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sur 310 notes
Le trajet s'était fait en train, de Neussargues à Paris. Les amis de ses parents, Suzanne et Henri, qui habitaient Gentilly, leur ayant fortement déconseillé de venir en voiture. N'en déplaise au père qui se sentait prêt à affronter Paris et sa circulation. On était en mars, le mois du Salon de l'Agriculture. Entre veaux, vaches et cochons, on avait ri et mangé. Des noms et des lieux, pourtant si familiers, leur semblaient soudain très éloignés, vus du Salon.
Quelques années plus tard, Claire monte à Paris pour poursuivre ses études à La Sorbonne. Étudier le latin et le grec. Passer de la terre à la ville, tout en gardant près de soi un bout de son pays. Mais, elle mesurera, au fil des mois puis des années, la distance qui sépare ces deux mondes...

Marie-Hélène Lafon décrit avec précision et justesse le parcours de Claire que l'on suit au cours de trois épisodes de sa vie : le voyage au Salon de l'agriculture, les études à La Sorbonne puis, des années plus tard, la visite du père et du neveu. Elle dépeint un monde rural parfois âpre et besogneux, qui, peu à peu, se vide de ses hommes et de ses femmes. Un monde rugueux, qui ne dit que l'essentiel et n'abuse pas des mots inutiles. Claire aura décidé de quitter le Cantal, de s'installer à Paris et de vivre une vie totalement différente. Un fossé séparera sa vie d'avant et celle d'aujourd'hui même si, au fond d'elle-même, elle ne pourra jamais totalement se défaire de ce coin qui l'a nourri. Un roman dense et condensé, un brin mélancolique et d'une précision saisissante tant chaque mot semble pensé. Un roman d'une beauté singulière servi par une écriture à la fois sensible et puissante, rêche et souple.
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Justesse des phrases, un travail d'artisan, d'orfèvre même, Marie-Hélène Lafon aime la langue, chaque mot est pesé, soupesé, elle a ce don de retranscrire les sensations, les odeurs. « Les pays » transpire à chaque ligne ce savoir-faire. Son personnage Claire découvre un monde jusqu'alors inconnu, elle n'y adhère, elle s'en imprègne que petit à petit.
Mais la terre natale s'éloigne au profit de l'urbanisation, Claire s'en détache tout en gardant dans un coin du coeur, ces valeurs.

Loin du tumulte et des vaines joute verbales parisiennes, Lafon creuse un sillon, original, atypique. Il y a du Raymond Depardon chez cette femme, sa manière de montrer cette fierté paysanne dur à la besogne, amoureux d'une terre encore préservée (pour combien de temps ?), et puis le choix des jeunes de connaitre autre chose, la ville et ces lumières, le savoir, les rencontres, l'envie d'une vie professionnelle moins dure (l'est-elle ?), autant de chemins que Lafon explore avec un talent et une grâce en tout point remarquable.
A déguster sans modération.
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Claire vit deux vies dans deux mondes séparés celui du petit village de Neussargues dans le Cantal d'où elle est issue et Paris où elle est «montée» pour poursuivre des études de lettres à la Sorbonne.
Parfois les deux mondes se rencontrent au hasard d'évènements, d'objets qu'elle croisent sur son chemin...
«Longtemps Claire avait tu ses enfances, non qu'elle en fût ni honteuse ni orgueilleuse, mais c'était un pays tellement autre et comme échappé du monde qu'elle n'eût pas su le convoquer à coup de mots autour d'une table avec ses amis de Paris. Elle avait laissé parler les choses pour elle, un morceau de frêne à l'écorce grenue, ou une ardoise festonnée de lichens roux qu'elle avait conservée au moment de la réfection du toit de la grange, dix ans après son départ.»
Mais l'éloignement est là, l'écart se creuse, géographique et dû au temps qui passe et qui sépare.
«Pays quitté, quitté comme on répudie, comme on déserte. Pour faire sa vie. La vie De Claire s'était faite dans la ville des études, ville foisonnante dont elle ne songeait pas à partir.»
Elle ne verra plus les choses de la même façon tout en restant attachée à ses deux pays. Devenue professeur, elle s'achètera une maison dans le Cantal et fera des allers et retour entre son appartement parisien et cette maison. Elle a besoin des deux.
Lors de la visite de son père et de son neveu qu'elle reçoit chez elle on peut mesurer malgré ce qui les lient, l'écart qui s'est creusé entre eux. Chacun a évolué différemment
au cours des années.

J'aime la sensualité et la gourmandise de Marie-Hélène Lafon qui sourdent de son écriture précise, ciselée, de ses phrases aux mots choisis qu'elle a dû faire tourner longuement en bouche.
Elle analyse peu les sentiments, reste à distance, le corps tient une très grande place dans ses livres.
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C'est suite à ma rencontre avec Marie-Hélène Lafon à la médiathèque de ma petite ville (eh oui, tout arrive...tout ne se passe pas toujours sur Paris, il y a aussi des événements en Province - trop rares à mon goût certes, mais il y en a !) que j'ai acheté cet ouvrage. le fait de l'avoir rencontré m'a aidé à mieux comprendre sa façon d'aborder l'écriture. le lecteur peut parfois se sentir frustré (ce qui fut mon cas au tout début je dois l'avouer) car il n'y a que très peu d'actions dans ses écrits mais ce qui m'a réconcilié avec ces derniers est cette phrase qu'elle a prononcé lors de notre rencontre " Je ne suis pas une raconteuse d'histoires. Je suis une travailleuse du verbe". Je pense que l'on a compris et accepté cette phrase, on a tout compris de l'écriture de Marie-Hélène Lafon.

Lorsque je dis qu'il n'y a pas d'action, j'exagère bien évidemment et pour cause, en voici un petit aperçu. Claire est une jeune campagnarde (enfin, disons plutôt qu'elle est fille de paysans et qu'elle a toujours vécu à la ferme) jusqu'au jour où elle prend le train pour Paris afin de poursuivre ses études en Lettres à La Sorbonne et là, c'est tout un monde qui s'ouvre à elle. Certes, Claire n'a que peu d'amis et ne sort pratiquement jamais mais ce qu'elle apprend en cours et ce qu'elle découvre dans les livres d'apprentissage va lui être comme une révélation. Claire est faite pour la ville, les grandes études et celui qui va avoir le plus de mal à accepter cette situation dans tout ça, c'est le père, en tant que bon vieux paysan (et fier de l'être) mais là est une autre histoire...

Un livre qui se lit très vite et dans lequel le lecteur se laisse bercer par la poésie qui ressort des phrases de Marie-Hélène Lafon, bien que parfois un peu trop longues à mon goût -ce qui explique le fait que je n'ai mis que 4 étoiles à cette lecture. A découvrir !
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Un livre en trois parties.
La première, c'est l'enfance de Claire dans la ferme familiale située dans le Cantal.
La deuxième c'est sa vie d'étudiante à Paris, à la Sorbonne.
La troisième c'est sa vie de femme, professeur à Paris qui reçoit deux fois par an son père et son neveu dans son appartement parisien.
Nul doute que c'est très autobiographique.
Mais Marie-Hélène reste en retrait, s'efface derrière Claire.
Les pays, celui que l'on quitte, celui de l'enfance.
Et puis celui qu'on adopte sans pour autant jamais renier le premier.
Tout cela est parfaitement écrit et ressenti par le lecteur.
L'écriture est très professionnelle, plus que bien maîtrisée.
Elle est riche de forme, de vocabulaire.
Elle est somptueuse pourrait-on dire et peut même parfois en paraître légèrement pompeuse.
Mais mieux vaut trop que pas assez.
Et pourtant jamais prétentieuse.
Tout comme Claire qui ne met jamais en avant sa brillante réussite dans les études.
Tout comme Marié-Hélène qui reste en retrait de Claire, sans jamais lui faire d'ombre.
Toujours discrète et effacée.
Au début de la première partie, les phrases longues et enchevêtrées m'ont semblé peu claires, embrouillées.
Puis je me suis laissé porter.
Quand l'écriture est belle, il n'y a que ça à faire.
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Impossible quand on est un provincial, issu d'une campagne pas si éloignée du Cantal, de ne pas retrouver de souvenirs personnels dans cette belle histoire familiale. Impossible de ne pas être touché par un itinéraire, ce « passage » que l'on a connu soi-même. L'objectivité n'est donc plus de mise dans la mesure où l'on ne peut réagir qu'avec son coeur.
Je ne peux donc que vous dire le plus grand bien de ce livre et je remercie son auteure (que j'ai découverte à cette occasion) de l'avoir écrit.
En nous racontant son enfance à la ferme, les travaux quotidiens, Marie-Hélène Lafon nous fait ici partager l'évolution d'une société rurale qui se meurt et il y a forcément de la mélancolie devant la disparition de ce monde. Un monde , un « pays », où l'on mange sa soupe en faisant du bruit.
Claire, l'héroïne, découvre qu'elle aime étudier et à partir de ce jour, elle sait que, même si elle aime aussi la ferme, elle ne peut pas envisager d'y construire sa vie. Ce sera donc d'abord le lycée avec son internat et les deux heures hebdomadaires de voyage en car. Et puis, la Sorbonne et la vie parisienne. Et là, Claire découvre qu'elle ne sera, malgré tout, jamais une vraie parisienne mais aussi qu'elle n'est déjà plus une vraie provinciale. On se retrouve n'être finalement de nulle part.
C'est juste (je peux confirmer), pudique, touchant, superbe.
Par ailleurs , l'écriture est belle et efficace. Il y a des effets de style, des observations et réflexions perspicaces qui rendent la lecture agréable et enrichissante.
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Ce livre de Marie-Hélène Lafon éclaire tous les autres. Qu'il s'agisse de «Gordana» à l'accent rauque des pays de l'est, «Mo» à la lisière de l'existance, où Annette qui fait le chemin inverse De Claire, dans «L'Annonce», il me semble que tous les livres de Marie-Hélène Lafon ont un point commun. Ils racontent le déracinement (le dé-paysement), le ré-apprentissage d'une langue, l'appropriation difficile de nouveaux codes. Changer de pays, de territoires ou de terroirs relève de la même expérience.
Mais là où certains restent dans la nostalgie du pays perdu, d'autres dans l'oubli volontaire de leur première vie ; le personnage De Claire dans «Les pays» a su construire des passerelles entre l'ici et le nouvel ailleurs ; partir et revenir sans rien renier du tout ; enrichie d'un nouveau regard où le lisse côtoie le rugueux ; le mot savant, l'expression populaire. L'écriture de Marie-Hélène Lafon est de haute couture, inventive, belle, sensible et possède cette justesse de ton qui émeut au plus profond.
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Il y eut d'abord la Claire des champs, née en terre paysanne, dans ce Cantal aujourd'hui dépeuplé qu'elle nomme son "pays premier".
Puis vint la Claire des villes, les brillantes études de lettres classiques à Paris et l'effervescence culturelle d'un quartier latin aux allures de "nouveau pays".
Deux pays, donc.
Deux salles, deux ambiances. Une première vie puis une seconde, la ferme familiale cernée de calmes pâturages et puis la ville immense, bruissante de mille vacarmes, riche de surprises et propice aux rencontres. Deux plans qui se superposent, deux strates d'existence et Claire au beau milieu, qui se tient là précisément, "à l'exacte croisée des temps, des lieux et de ses deux mondes soudain embrassés".

Quel plaisir alors que de voir se mêler, sous la plume toujours si joliment travaillée de Marie-Hélène Lafon, ces univers pourtant si distincts ! le premier s'éteint peu à peu, phagocyté par le second, mais tous deux façonnent à parts égales la personnalité de cette jeune femme réservée, curieuse et cultivée, qui adopte finalement sans mal les codes de le vie citadine sans pour autant oublier ni renier ses racines rurales.
En effet, si l'essentiel du roman se déroule à Paris (plus exactement entre les bancs de la Sorbonne, le petit appartement du XIIIème arrondissement et le guichet de la banque où la future enseignante travaille l'été pour financer ses études), les souvenirs du Cantal ne sont jamais bien loin, heureuses réminiscences portées par un courrier, une photo de famille, le fumet d'une terrine ou d'un saint-nectaire.
Et quelle sensibilité alors dans les évocations de cette terre lointaine, quelle finesse dans l'écriture, quelle justesse dans le savant mélange de parler régional et de langue érudite !

Car la prose de Marie-Hélène, c'est quelque chose !
Marie-Hélène ne dit pas "prédiction", elle dit "vaticination".
Elle ne dit pas "guindé" ou "apprêté" , elle dit "gourmé".
Elle ne dit pas "vêtement" mais "vêture".
Elle n'entasse pas, elle encaque.
Elle ne parle pas de "paradis" mais "d'empyrée", revendique certaines affinités avec le subjonctif plus que parfait, et exhume de son ébouriffant dictionnaire des "gynécées", des "fatrasies" et autres "irénismes"...
Bref, Marie-Hélène fait du Lafon, et c'est encore une fois très réussi ! Peut-être certains lecteurs chagrins considéreront-ils qu'elle s'offre là un exercice de style un peu ampoulé, et qu'outre les exposés minutieux des états d'âme de Claire et les quelques portraits auvergnats ou parisiens de ses proches, elle n'a pas finalement grand chose à nous dire.
Peut-être, leur répondrai-je, mais elle le dit tellement bien !

Richesse du vocabulaire, maîtrise de la langue, approche subtile des thèmes de l'absence, de l'exil et du temps qui passe : voilà un petit livre précieux, d'une grande délicatesse, qui parlera à tous les "déracinés".
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"Les Pays" fut mon premier Marie-Hélène Lafon, cadeau inattendu, et j'y reviens toujours, comme je suis revenue chez moi, après près de dix ans de vie parisienne.

Lire un roman de Marie-Hélène Lafon, le relire même, c'est s'offrir un moment hors du temps, suspendu et cadencé par la petite musique, si particulière d'une auteur qui manie les mots comme l'orfèvre manie l'or et le poinçon. Un moment pétri de grâce au creux duquel dansent les phrases qu'on voudrait lire puis dire à voix haute sans oser le faire, de peur que le son de nos voix ne viennent bousculer l'ordonnance parfaites des notes sur la portée.
On ne dira jamais assez combien Marie-Hélène Lafon semble aimer la langue et les mots, combien elle s'y entend pour les peser, les sous-peser, les poser pour en extraire -sans fioritures- le sens et la musique. La force et la beauté. Non contente de ciseler son texte comme d'autres cisèleraient le marbre, l'aurillacoise n'a pas son pareil pour retranscrire les sensations, les odeurs... La nostalgie aussi. le mal du pays ainsi que celui d'un monde qui disparaît.

Claire est née dans le Cantal. Fille et petite-fille de paysans, elle rêve d'une autre vie loin de ce monde âpre et besogneux qui laisse des callosités aux mains, de la terre sous les ongles et des âmes qui se meurent de solitudes. La jeune fille, elle, aime les livres et les études. Grâce à son travail acharné, elle "monte" à Paris étudier à la Sorbonne. Lettres Classique. Latin et grec. de ces lettres ardemment déchiffrées, elle fera son métier puisqu'elle deviendra professeur; de la ville Lumière, elle fera son chez elle. Pour autant le Cantal, son "pays" ne la quittera jamais vraiment. Tout en adhérant pleinement à son nouveau monde d'encre et de papiers, tout plein des fracas du périph et des beautés du Quartier Latin, tout en s'en imprégnant, elle garde au coeur sa terre natale, même si les années passant, elle la sent qui s'éloigne.

Dans une prose toujours aussi ample et lumineuse, Marie-Hélène Lafon nous raconte un monde rural qui s'efface douloureusement au profit d'une urbanisation dévorante et n'a pas son pareil pour dire -sans clichés, sans pathos- la fierté du monde paysan et la beauté des campagnes tout en nous offrant un très beau portrait de femme, sensible et précis.
Elle nous dit aussi la saveur des mots et de cette langue qu'on parle sans y penser, écrin précieux d'une histoire toute simple.
Matériau sensible pour pays poignant, odeur de pluie et de terre mouillée sur les lumières de Paris.
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Claire arrive de son Auvergne natale pour faire ses études à Paris, où elle restera. Elle y rencontre des « pays », originaires du même lieu. On saura juste qu'elle s'est mariée et qu'elle a divorcé, la narratrice passe directement d'une Claire étudiante à une Claire de quarante ans. L'auteur ne nous livrera pas non plus ses pensées ou ses émotions.
Si j'ai aimé retrouver l'écriture de Marie-Hélène Lafon, j'ai regretté que le personnage De Claire soit réduit à son origine et de ne pas en apprendre plus.
Du même auteur, j'avais beaucoup apprécié L'annonce, sans doute parce que sa plume était plus au service de son histoire, de ses personnages qu'au service de l'écriture en tant que telle.


Lien : https://dequoilire.com/les-p..
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