Le pirate trépasse, on le balance à l'eau ou bien on l'abandonne aux sables et nul bouquet d'immortelles ne prolongera la légère buée que son existence déposa sur les mirages du temps. Cette culture sans cimetière est une culture résignée. Sans doute elle est une culture sacrée: les forbans ont choisi le néant ou la résurrection, non la confuse survie des épitaphes. La lumière désinfectée qui nimbe leur divagation éblouit les gloires babillardes de nos civilisations. Elle dit que nos tombeaux rusent avec le soleil et que le trépas, sur la terre et dans les terres de l'histoire, est sans traces. Ces embaumements, ces suaires, ces plaques d'or et ces roses écrasées , ces généalogies et ces chroniques ,ces couleurs et ces floraisons dont les hommes masquent leur épouvante, les forbans connaissent qu'ils recouvrent la terre et le sang séché des coeurs. Ces vérités sont éclatantes et nous les détestons: au fond de toutes les Chartreuses, des moines arrosent les rosiers sur les tumuli où reposent leurs compagnons.
Alors, dans le miroir aveugle que nous tendent les pirates, les images de notre histoire vacillent. Elles pâlissent comme se décompose le théâtre rutilant dont les civilisations fardent leurs chagrins, comme se défait le long cortège qui relie les foules foudroyées de Babylone à l'atelier hagard de nos métropoles. Au regard englouti des morts des Caraïbes, l'histoire se peint comme une efflorescence, dans un monde "qui a commencé sans l'homme" et qui "s'achèvera sans lui".
Que retenir de la longue saison pirate? Ils ont dérivé un instant dans la beauté des choses, sous le poudroiement des lunes en allées, et ils sont morts. Ils furent épouvantables et fraternels, pervers ou compatissants, mais leur noblesse fut de mourir sans vanités: leurs ossements ont été livrés aux sables et aux gouffres, quand leur mémoire s'inscrivait dans les calligraphies du néant. Ces archives de poussière, de cendres et d'os sont celles des abîmes, le vent de Dieu, déjà, les a dissipées .Là-bas, dans les confins de l'histoire, des hommes faibles et sauvages ont passé. De leur repaires désertés nous reviennent les échos du vide: ils nous parlent du goût de néant, du goût d'éternité qui dévasta jadis quelques coeurs détestables ou généreux-inconsolés.
On peut donc lire la révolte pirate comme on lit toute révolte afin de dessiner cette barrière mystérieuse qui court à travers toute l'histoire et dans le déduit de chaque conscience, entre l'acceptation et le refus. (p. 120)
Le monde est concrètement et spirituelle ment coupé en deux : d’un côté la mer, de l’autre la terre. D’un côté la société des hommes, de l’autre la société des limbes. D’un côté les bons, de l’autre les mauvais et peu importe que les uns se tiennent pour bons (Misson) et les autres pour mauvais (Lewis), l’essentiel est que la vision du forban soit de structure duelle. Son monde est composé de jour et de nuit, d’eau et de terre, de bien et de mal, de blanc et de noir,d’esclaves et de maîtres. C’est en ce sens que le destin du pirate est incomparable.
Le gangster qui exerce dans une grande ville est un homme traqué et séparé mais il partage le pain des hommes. Dans les cafés, au restaurant ou dans la rue, il croise et fréquente des vivants. Il a une vie sentimentale et s’il doit adresser un message à un collègue, il fait la queue au guichet de la poste, avec d’autres clients, pour acheter son timbre. Il lutine la boulangère, il a de l’amitié ou de la haine pour son voisin d’autobus. Bref, il a beau être engagé dans l’inhumain par l’horreur de sa profession, il est un homme.
Si les pirates travaillent, c’est en vue de gagner leur vie sans travailler. Ils travaillent pour échapper à la règle sociale du travail. Ces formules n’énoncent pas un paradoxe. Elles disent que le rêve adamite a du mal à prendre forme dès lors que les portes du Paradis terrestre se sont refermées.
Dani Legras, journaliste franco-brésilienne, nous fait le plaisir de nous parler du livre d'Adriana Brandão, "Les Brésiliens à Paris, au fil des siècles et des arrondissements"... Elle évoque pour nous le spirite Allan Kardec, la grande artiste Tarsila do Amaral, la lutte des brésiliens et des brésiliennes contre la dictature militaire ... On a envie de lire et relire ce texte en l'écoutant ! Et de l'utiliser comme la "lanterne magique" évoquée par Gilles Lapouge.
Pour plus d'informations sur le livre, veuillez cliquer sur ce lien : https://editionschandeigne.fr/livre/bresiliens-a-paris/https://editionschandeigne.fr/livre/bresiliens-a-paris/
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