Una écrit depuis Zaroffcity à son frère Andreas, comédien et dramaturge qui a pu s'exiler dans le pays d'à côté à Satoripolis et lutte depuis là-bas contre le régime du Grand Guide. Restée au pays, Una a été obligée de se marier avec Karaci, le redouté ministre de l'Intérieur, pour sauver la vie de son père, astronome célèbre et opposant. Karaci, libertin, paranoïaque et sanguinaire a été séduit par sa vertu et son intransigeance, qu'il veut briser. Una se met à fréquenter les bas-fonds et notamment l'idéaliste X, dont elle s'éprend.
Fait assez exceptionnel chez Linda Lê, on est à la limite du roman à clefs et certains aspects font penser à la France : Sarkozy et l'affaire Karachi. Il y a ici une manière de tuer l'enfant qu'on n'aura jamais, comme elle l'écrit dans un autre de ses livres. La fin de celui-ci me rappelle un peu celle de "L'Américain" de Henry James : est-on vraiment sûr?
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Au coeur de la dictature, le cri d'une rebelle…
Depuis le dernier coup d'état qui a propulsé le Grand Guide au sommet de la pyramide de la mégapole, la population de Zaroffcity est maintenue sous le joug de la terreur que Karaci, le ministre de l'intérieur, s'efforce de maintenir avec sa poigne de fer. Au sein de ce monde, il y a Una ; pour protéger son père de la violence du ministre, elle a accepté de devenir son épouse mais elle plie et ne rompt pas, se refusant physiquement à lui et résistant à ses menaces.
En secret, elle entretient une correspondance assidue avec son frère, qui s'est exilé à Satoripolis pour embrasser la profession de comédien dans des pièces jugées subversives. Elle confie ainsi à quelques pages blanches son désespoir, sa colère, son dégoût face à la monstruosité du régime en place et à celle de son mari. On entend d'ailleurs le rire satisfait et impitoyable de celui-ci, dans les chapitres qui alternent avec les lettres d'Una. Una, l'une, l'unique qui aspire à l'unité, finit par se dresser seule face à l'ignoble ministre et par prendre le chemin qui la conduit à l'ultime sacrifice de soi.
Une « fable politique », violente et moderne, qui dénonce les excès d'une dictature, les compromissions des arrivistes, la corruption par l'argent et le musellement des rébellions en nous donnant à voir l'image inversée du régime démocratique idéal. Une image terrible des pires actes de notre Histoire qui ne laisse pas le lecteur indemne.
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Gênée. L'histoire est belle, faite pour séduire, juste dure comme il faut. La construction est astucieuse sans que cela soit forcé. La force du trait va à ce qui est parfois un pamphlet contre toute société qui se laisse aller à dérive et ploutocratie. Tout est fait pour créer l'horreur. Mais si pour dire la colère, la révolte, l'avalanche de mots bas est plus que justifiée, et la grosseur du trait pour ridiculiser la courtisanerie, et que beau est le rythme qui les entraîne, ces mêmes mots, cette emphase de tréteau font tâche, arrêtent, rendent l'ensemble faux sous la plume de l'héroïne, et dans les parties assez bien menées de considérations générales, en phrases balancées comme un traité, on tombe régulièrement et le texte se vide, sur des mots-valises, des lieux communs. J'ai finalement apprécié mais en bataillant contre l'uniformité des trivialités qui ne sont pas toujours en situation.
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L'histoire se déroule dans un régime totalitaire. Une femme qui a accepté d'être l'épouse du ministre pour sauver son père écrit de longues lettres à son frère échappé de l'île. Elle entre en résistance et décrit le bourreau.
J'ai interrompu la lecture, j'ai été rebutée par la barbarie du régime.
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Pendant que je lui lierai de la poésie, il prendra à la gorge des veuves qui en oublieront leur alphabet, tant elle seront paralysées par la terreur. pendant que je borderai mon père, il brûlera vifs des suspects. S'il est le bras armé du Grand Guide, je serai son égérie noire. Il fera courir le bruit que je suis une frigide, excitée seulement par des scènes de carnage. Il n'y a pas à tortiller : ou j'assume mon rôle dans la distribution, ou il me répudiera sans balancer, me laissant face à la meute enragée. Personne ne m'écoutera dire que je suis une blanche colombe, piégée par un oiseleur pervers. Il aura été si adroit que même les gamins me conspueront. Ses victimes se lèveront de leur tombe pour me cracher à la figure. Je serai aux yeux de tous un choléra, on me fera endosser ses débordements. cherchez la femme, dira-t-on. Chechez celle qui exacerbe les passions.
Quetzal croupit toujours au fond d'un mitard. Au départ, il s'est égosillé à demander qu'on le relâche. Il n'a récolté qu'un œil au beurre noir, et on l'a privé de pain et d'eau. Alors, la trogne tuméfiée, il s'est tu.
"Les examens sont des concours de langue de bois, le candidat le mieux placé est celui qui maint avec brio les stéréotypes et se joue des paradoxes pour légitimer les injustices"
Ma vie ne vaut que par mon entêtement.
Lecture de Jean-Marie Gleize: une création originale inspirée par
Une série de créations littéraires originales inspirées par les collections de la BIS. Ce cycle est proposé par la Maison des écrivains et de la littérature (Mel) en partenariat avec la BIS. Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé.
Saison 4 / 2020 : Linda Lê, Arno Bertina, Muriel Pic, Jean-Marie Gleize, Jean-Christophe Bailly.
Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne":
* saison 1 : Pierre Bergounioux, Marianne Alphant, Arlette Farge et Eugène Durif paru en septembre 2018.
* saison 2 : Jacques Rebotier, Marie Cosnay, Claudine Galea et Fanny Taillandier, paru en septembre 2019.
* saison 3 : Hubert Haddad, Line Amselem, Christian Prigent, Mona Ozouf, Laure Murat, publication prévue en septembre 2020.
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