Clarice « Pour attendre. Et regarder ses mains avec répugnance, puis avec peine, puis avec amour. Elle n'arrivait pas à sortir d'elle-même pour comprendre l'histoire d'une autre manière » attend sa soeur Maria Inès « Ses pensées devinrent stratégies de guerre. Très rapides. Insomniaques. Camouflées, armées jusqu'aux dans et prête à tout ». Tomas, ancien amant l'attend aussi « Peut-être que Tomas avait vieilli, qu'il avait atteint cette espèce de plateau où toutes les formations géographiques les plus intenses s'estompent, et qu'il ne pouvait plus rien faire si ce n'était être témoin du paysage avec ses yeux transparents et penser à tout comme du passé ».
Deux soeurs séparées et néanmoins liées « Et il y avait ces paroles de chair vivante que Maria Inês et Clarice n'échangeaient jamais. Leurs parents leur avaient appris le silence et le secret. Certaines réalités ne pouvaient être dites. Ni même pensées. Là-bas, les choses étaient régies par un mécanisme très particulier, capable d'attraper le malheur dans son cours entre les viscères et les artères, et de lui fabriquer un masque de pierre. Alors, Maria Inês continuait à garder pour elle ces paroles sanguinolentes et faisait attention à ce qu'elles fissent le moins de mal possible. »
Dans l'attente construite par
Adriana Lisboa, chacun-e revoit des morceaux de vie, des premiers émois amoureux, des relations aux autres, maris, amants, mère ou père.
Sans continuité visible dans l'espace et dans le temps, l'auteure rends vivantes des facettes de ses personnages.
Des vides aussi. Une sensation d'un quelque chose, d'un silence, d'un oubli, comme une toile inachevée.« Peut-être que rien n'avait eu lieu, que rien n'avait d'importance réelle. Et que l'histoire qui les avalait tous n'était qu'un petit trait sur le mur, un gribouillage fait au crayon par un enfant malicieux. Pourtant il y avait quelque chose d'insupportablement grand dans tout ça. »
Une approche, insensiblement, par des chemins variés, des ponctuations colorées, d'un point obscur.
Des détails se rapprochent, se devinent, s'assemblent, des éléments se répondent. Et la violence la plus extrême « Un homme. Et une petite fille qui voulait juste être une petite fille »
Une superbe construction. Comme une errance qui débouche sur un changement glacial de sonorité.