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3,73

sur 3963 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je mesure souvent la force d'un livre à l'importance de la résonance qu'il crée quand je ferme la dernière page.

Force 10.

Edouard Louis nous raconte son enfance et son adolescence avec une volonté flagrante, affichée et assumée de raconter la vérité (pourquoi est-ce si important pour lui de nous dire que c'est la vérité? Là aussi, la question est intéressante).

Son histoire est sordide. Sordide mais sans pathos, sans tire-larme. Il ne cherche pas à attirer notre pitié (on a même l'impression qu'il s'en fout un peu). Il veut juste qu'on le croit, qu'on entende.

Mais, étrangement, il se dégage de ce récit une forme de grâce et de délicatesse. L'écriture n'a rien de grâcieux ni d'élégant (c'est assumé et volontaire). L'histoire l'est encore moins.

Mais quelque chose brille néanmoins à chaque page. C'est cette lueur qui a fait de ce récit un immense succés.

Cette lumière, c'est la naissance d'Edouard Louis.

Enorme coup de coeur.
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Chez les Bellegueule, comme dans les autres familles habitant un même petit village de Picardie, on est ouvrier à l'usine de père en fils. Les femmes, quant à elles, ont le choix entre devenir caissière, coiffeuse ou mère au foyer. Rares sont ceux qui sortent de ce schéma pré-tracé. Mais pour Eddy Bellegueule tout cela n'a rien d'évident… Très tôt, il est considéré comme le « bizarre » du village. Ses manières empruntées, sa voix aiguë et ses réactions « de fille » attirent la suspicion des villageois et son propices aux commérages et aux médisances… Issu d'un milieu pauvre où le froid et la faim sont monnaie courante, le jeune garçon doit en plus se heurter au regard des autres et à la honte qu'il inspire à sa propre famille. Son entrée au collège va néanmoins constituer un tournant dans la vie d'Eddy. Malgré les brimades, le harcèlement et l'isolement, il connaitra sa première expérience homosexuelle et se découvrira un goût pour les études et notamment le théâtre qui le poussera à fuir et à suivre sa propre voie…

C'est avec une simplicité désarmante qu'Edouard Louis nous raconte son enfance difficile dans un milieu rural, hostile à tout ce qui est différent. du haut de ses 21 ans, le jeune auteur fait montre d'une maturité surprenante pour nous décrire ce qu'il a vécu. Entre incompréhension, dégoût, rejet et dénégation de lui-même, il nous décrit avec une sincérité bouleversante les différentes étapes qu'il lui a fallu traverser avant d'accepter son homosexualité.

A travers le portrait de sa famille, c'est également une peinture de la France rurale d'aujourd'hui qu'il nous décrit, où les gens arrêtent les études dès seize ans pour travailler dans des conditions souvent pénibles, fondent une famille tôt et n'ont pour seuls loisirs que le PMU du coin et la télévision… Par ailleurs, on peut sentir la colère de l'auteur envers ses parents qui n'ont pas su l'aider ni le comprendre et qui lui ont transmis cette honte de lui-même. Néanmoins, j'ai également ressenti beaucoup d'amour pour ce père et cette mère qui, malgré leur maladresse et leur peur se sont sacrifiés pour donner à leur fils une chance de vivre autrement… Edouard Louis nous livre ici un témoignage poignant et nous parle sans tabous des dangers de la haine ordinaire, de la honte et des violences quotidiennes. Un premier roman plein de maturité, d'émotions et de sincérité qui ne laissera personne insensible…
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Comme l'écrit un Babeliote dans une très longue chronique de ce roman (à laquelle je souscris globalement même si le nombre respectif d'étoiles est très différent), il est difficile d'avoir un avis tranché de ce roman. J'aurais dit "un avis objectif". Mais il n'est certainement pas nécessaire d'avoir un avis tranché ou objectif.

J'ai pris le roman dans les tripes. OK, il y a un étalage malsain. OK, Edouard Louis dit du mal -abondamment- de sa famille. Familles, je vous hais... comme disait l'autre. OK, OK, OK, mais comme Springora dans le Consentement, il y a bien davantage que cela dans cet "étalage"...

Par un subtil effet du hasard, j'ai lu la vraie vie d'Adeline Dieudonné il n'y a pas si longtemps. Et il y a des similitudes dans les univers décrits. Patriarcat, racisme, idées préconçues, place de la télévision... Et j'ai aimé les deux romans, fatalement.

Edouard Louis décrit de manière cash sa relation aux autres dans son enfance. La découverte de son orientation sexuelle. Les moqueries, les coups, les crachats, les vexations et tout le reste. Ecriture rock'n'roll, sans fards ni faux-semblant. Edouard Louis appelle un chat, un chat", fatalement dirais-je. Et c'est pour cela que cela provoque le dégoût ou le malaise. le rejet. Car finalement, ce qui est décrit semblerait appartenir au XIXè siècle, à Zola. Alors que c'est quasiment du présent. Fin 1990, début 2000. Et si vous cherchez bien, cela existe encore. Il ne faut pas chercher très loin.

Il n'est pas inutile de revenir sur le costard qu'Edouard Louis taille à sa famille. On lit aussi beaucoup de tendresse envers sa mère. Il y a énormément d'empathie et de compréhension par rapport à ce qu'est devenu son père. Et même s'il éprouve de l'indignation envers les gens qui le jugent et n'ont pas les mêmes préventions envers son cousin (avec qui il a des relations sexuelles), il ne semble ni vindicatif ni en réellement en colère. Il arrive à se détacher, à regarder les choses de loin, dépassionnées.

Il est sans nul doute facile pour nous de tout remettre sur la Picardie, ben oui vous savez, le Nooooooord, que des dégénérés, consanguins comme une célèbre banderole de foot... Outreau, Fourniret... la pomme ne tombe jamais bien loin de l'arbre. Je ne serais pas aussi affirmatif pour balayer cette réalité d'un revers de main. Pour Edouard Louis, cela ne doit pas être si facile que cela de haïr sa famille, de haïr ses proches, d'avoir tracé sa route sans ami, craignant le moindre couloir de lycée, etc.

Bornons-nous à remarquer que personne ne semble avoir essayé de défendre Eddy Bellegueule... Pas le moindre oasis de tempérance, de soutien dans les mémoires de son enfance. le comble du pathétique se voit quand lui-même en arrive à exprimer sa haine des homosexuels. Cela m'a fait penser à un Australien élevé dans la haine et le mépris de l'arborigène et découvrant à 21 ans qu'il en était un lui-même (pris à sa famille alors qu'il était nouveau-né et placé dans une famille "comme il faut"). Renier, haïr, mépriser ce que l'on est, c'est la pire des tortures. Et ce roman cathartique permet à Edouard Louis de jeter cela à la face du monde. Je vois du courage dans cette remise à plat de ses origines. C'est ce que je choisis de retenir de son long cri de douleur. Je vois aussi le parcours, la résilience, le développement, l'affirmation de soi. Il dit à ses tortionnaires, ses bourreaux: "vous avez essayé de m'annihiler, vous avez loupé votre coup". Et je tire mon chapeau. Qu'aurais-je fait si j'avais croisé Eddy Bellgueule? Aurais-je tourné la tête? Aurais-je hurlé avec les loups en brandissant mon jaune à peine dilué? Aurais-je craché une bile amère, relents d'intolérance et de xénophobie, sur son corps efféminé?

Je lis pour m'instruire, pour me distraire et me délasser, mais surtout je lis pour être secoué, déstabilisé, remis en question. Sur ce point, je ne suis pas déçu par ce roman clairement autobiographique.
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Eddy Bellegueule a toujours eu conscience de sa différence : il est délicat, ce n'est pas un dur. Dans la famille où il est né, c'est une anomalie, une tare, une honte. « Ils pensaient que j'avais fait le choix d'être efféminé, comme une esthétique de moi-même que j'aurais poursuivie pour leur déplaire. » (p. 27) Martyrisé à l'école, moqué dans le village, humilié dans sa famille, Eddy encaisse, coup après coup, sans rien dire, parce que se plaindre, ce serait encore plus honteux pour lui et les siens. « On ne s'habitue pas tant que cela à la douleur. » (p. 41) Pendant des années, le garçon essaie de devenir ce qu'on attend de lui et lutte contre lui-même.

Le malheur d'Eddy Bellegueule, ce n'est pas tant d'être un garçon aux tendances homosexuelles, c'est d'être né dans un milieu défavorisé où la pauvreté est autant matérielle qu'intellectuelle et où il ne fait pas bon être autre chose qu'un homme, un vrai. Dans sa lutte contre le déterminisme social et familial, Eddy Bellegueule s'illustre comme un être courageux, à tel point qu'il aurait pu, sans rougir, être un personnage d'Émile Zola. « L'impossibilité de le faire empêchait la possibilité de le vouloir, qui à son tour fermait les possibles. » (p. 79) Refusant de se contenter de ce qui semble destiné et immuable, il ose voir plus loin pour vivre mieux. Se sauver de chez lui pour se sauver lui-même, c'est finalement la seule solution.

En finir avec Eddy Bellegueule est un roman autobiographique. le mot important est « roman ». Largement inspiré de son enfance et de ses souffrances, le texte appartient à la fiction et il serait vain et crétin d'y voir un simple règlement de compte à l'encontre de ceux qui ont fait de son enfance un enfer. On peut se dire que cette histoire est partielle et partiale puisqu'un seul protagoniste s'exprime au nom des autres. « Elle formule la thèse de la folie pour ne pas laisser échapper cet autre mot, pédé, ne pas penser à l'homosexualité, l'écarter, se convaincre que c'est de la folie, préférable au fait d'avoir pour fils une tapette. » (p. 123) Et alors ? Roman ou autobiographie, fiction ou réalité, En finir avec Eddy Bellegueule est un texte nécessaire sur l'homophobie qui, dans certains milieux, est plus une habitude qu'une véritable prise de position. Mais qu'elle soit pensée ou bêtement suivie, l'homophobie est un mal qui ronge les fondements d'une société qui se prétend égalitaire.
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Comment critiquer ce roman ? Ce serait comme critiquer toute une partie de ma vie, de ma famille, de mon milieu, de ma classe sociale. Ce serait relater les mêmes douleurs, les mêmes souffrances, les mêmes dégoûts, les mêmes hontes, les mêmes angoisses... Mais je ne peux qu'affirmer qu'il y a moyen de se construire malgré tout cela, de trouver la force de dépasser chaque obstacle, de surmonter ces ondes négatives, d'échapper à ce monde étriqué. Vous pouvez parler de résilience, ou de catharsis, je ne sais pas, moi, mais ce que je sais, c'est qu'on peut être une "belle personne" quoiqu'en disent tous ces imbéciles, tous ceux qui confondent "virilité" avec "testostérone, violence, alcoolisme, mauvaise foi, cruauté et intolérance". Et moi, je le sais (ainsi que beaucoup d'autres) que ce n'est pas cela qui fait d'un homme, un homme.
Alors, pour toutes ces raisons, et bien d'autres, peut-être par pudeur, ou par lâcheté, appelez cela comme vous le voulez, je me tairai sur ce roman.
Et je salue le talent d'Edouard Louis.
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Un roman qui remue les tripes, qui nous envoie une douche glaciale et qui peut faire écho à certains souvenirs. J'étais un peu sceptique au départ, méfiante face à un tel engouement et puis j'avais déjà pas mal lu de romans sur des enfances malheureuses, es contextes violents etc. Mais j'ai bien fait de passer outre mes préjugés car ce roman est spécial, il apporte une analyse sociologique implacable de l'auteur, qui a pris du recul depuis les évènements qu'il narre.
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Je suis toujours épatée par les jeunes auteurs, et à à peine 21 ans et En finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis m'a véritablement impressionné.
Ce roman est un véritable cri de révolte du personnage principal contre son milieu social et son racisme, sa violence, sa fermeture d'esprit et tout ce qui contribue à maintenir les siens dans cette condition. Cet enfermement rendra l'acceptation de ses différences d'autant plus difficile pour lui, et impossible pour ses proches. La seule solution pour survivre sera la fuite.

L'écriture d'Edouard Louis est extremement plaisante car sobre, juste et sans fioritures.
Ce livre nous parle car il évoque les souffrances que chaque enfant que nous avons été a vécu avec plus ou moins de gravité.
La mentalité des proches d'Eddy évoque plus les années 50 que nos jours, et on a du mal à croire que ce type de situation puisse encore arriver en France au XXIème, mais c'est pourtant bien le cas.

Je conseille donc cette lecture à tous les publics car par la prise de conscience qu'il est capable de provoquer, il s'agit d'une vraie leçon de tolérance, et de courage.
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Eddy n'a pas choisi la famille Bellegueule pour grandir. Il n'a pas choisi ce village de Picardie profonde, cette violence, cette pauvreté, cette absence d'hygiène, ses parents peu cultivés, qui n'aspire qu'à la médiocrité d'une existence étriquée, malgré eux. Il n'a pas choisi d'être insulté, traité de pédale, tafiote, battu, craché dessus quotidiennement au collège, violé, sans cesse raillé pour ses "airs" efféminés et sa volonté de faire des études, même jusqu'au bac. On ne choisit pas sa famille, et quand tout l'environnement vous rejette, il reste la fuite, le salut vers un autre milieu social.

Douloureuse immersion en Picardie rurale, des lieux et des personnages si familiers pour l'auteur qu'on est persuadé qu'il les nomme et les désigne, sans doute possible. L'écriture est directe, les souvenirs sont précis, le récit est cinglant, sans concession, sans jamais ménager ce père obscène, vulgaire, insoucieux de sa santé et qui sera invalide ; la mère, pourtant lucide, mais vouée au même destin que toute femme du coin, être ensevelie dans une maison, sous les tâches ménagères et les coups maritaux ; son grand-frère violent et taulard ; sa soeur qui revoit ses ambitions à la baisse. Tout ce microcosme rabaissant, suintant le racisme, l'homophobie, la malnutrition, l'alcoolisme, la honte, la violence, toutes les bassesses d'un bas-monde rarement décrit, rarement écrit.

(………)
Lien : http://chezlorraine.blogspot..
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J'ai enfin lu le premier roman en finir avec Eddy Bellegueule d'Edouard Louis, qui a beaucoup fait parlé de lui au moment de sa sortie. Je ferme les pages et me reste une sensation de malaise. Quelle claque !
Je ne reviens pas vraiment sur l'histoire que tout le monde connaît. C'est l'histoire d'Eddy, jeune homme maniéré et à la voix trop aiguë, qui vit dans une famille misérable du Nord de la France. Pas de place à la différence, à la culture, à la tolérance, dans ce milieu extrêmement défavorisé.
Eddy revient sur des souvenirs de son enfance difficile. Il a connu l'humiliation, les brimades, aussi bien dans le milieu scolaire que dans sa propre famille. Il nous décrit son environnement fait d'alcool, de télé, de ragots, de sexisme, de racisme et de travail à l'usine ou comme caissière qui détruit. Pas d'horizon, juste le manque d'argent et la privation, la noirceur, tous les jours. Dur de trouver sa place quand on est différent.
J'ai aimé ce roman. Beaucoup. Je suis passée par de nombreuses émotions, de la colère au dégoût. Certaines scènes de bizutage m'ont littéralement tiré au coeur. Certains critiqueront et diront que l'auteur est très dur avec ses parents, qu'il ne leur passe rien. Et ils ont sans doute raison, mais c'est l'oeuvre littéraire que je juge, non l'homme.
Un superbe récit autobiographique, un portrait sans concession d'une certaine France. Bravo !
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"Avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde de mon enfance qui s'est insurgé contre moi." Cette phrase résume le projet de ce livre-témoignage : Eddy est (symboliquement) de retour au village de son enfance pour clamer haut et fort ce que ce village lui a fait subir quand il était enfant et qu'il avait la malchance de ne pas ressembler aux autres garçons, ces "durs" qui étaient "naturellement" violents, sexistes, homophobes et qui finiraient pour la plupart comme le père d'Eddy, alcooliques et chômeurs, passant leurs journées devant la télé ou à se saouler avec des potes et à gueuler contre les arabes, les noirs et les juifs. Bien-sûr Eddy règle ses comptes avec sa famille et avec son ancien village et on est heureux qu'il ait trouvé en lui les ressources pour s'extraire de cette misère (sociale, intellectuelle, affective ...) et écrire ce texte courageux, libérateur et terriblement beau. On pense aux autres jeunes qui n'ont pas cette chance et qui, homosexuels ou simplement différents des autres, subiront cet ostracisme toute leur vie durant. En lisant ce témoignage si simple, si poignant, si fort, on est atterré de voir que tout cela se passe en France, au début du XXIème siècle. Non ce n'est pas au Pakistan, ce n'est pas en Arabie Saoudite. C'est chez nous, en France métropolitaine, en ce moment même, que des enfants, parce qu'ils ont des manières "efféminées", sont montrés du doigt, maltraités, ostracisés, sommés d'être à leur tour sexistes ou homophobes et de crier "pédale !" quand un autre qu'eux fera "des manières". Et, comme le laisse entendre Eddy Louis qui sait de quoi il parle, la misère du milieu n'y est sans doute pas étrangère.
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