Ah! quel magnifique récit derrière ce titre énigmatique dont le narrateur nous donne rapidement la clé: Dom Casmurro et les yeux de ressac, publié en 1899, quelques semaines avant la mort de l'auteur. Troublant.
Un doigt divin a du orienté mon choix sur ce septième roman de Joaquim-Maria Machado de Assis.
Un récit qui se présente comme une autobiographie où le narrateur interpelle son lecteur et le prend à partie: « Mon but évident était de relier les deux extrémités de ma vie, et de recréer dans ma vieillesse mon adolescence. »
Je suis tombée dans le panneau et je suis devenue le temps de ses confessions, souvenirs de moments inoubliables, une auditrice attentive et me suis transformée en une Dona, Dona Helena pour être précise, à ne pas confondre avec Dona Flor et ses deux maris, une des héroïnes de Jorge Amado.
Je reprends.
Comment ne pas être séduite par ce personnage, j'ai nommé Dom Casmurro, un homme qui communie avec les cocotiers!
Mais avant de devenir Dom Casmurro, surnom signifiant le bourru, le narrateur a été un adolescent plein de rêves, dévoré par l'amour. Amour inconditionnel qu'il voue à sa divinité, j'ai nommé l'inoubliable Capitolina ou Capitou.
En lisant ses mémoires, nous entendons les réflexions, les idées de Dom Casmurro, nous accueillons ses émotions. C'est cela le miracle!
Ses aveux nous permettent de comprendre comment Bento Santiago, Bentinho, le bel et vif adolescent destiné à la prêtrise par sa mère, est devenu peu à peu Dom Casmurro, cet homme de 60 ans silencieux et absorbé, taciturne... pourtant malgré sa sincérité apparente il sème aussi en nous le doute.
Lectrice assidue, je suis donc devenue son amie et je me suis amusée.
J'ai adoré retrousser mes jupes révélant sur mes bas les jarretières de soie bleue pour lui faire tourner la tête, dévoiler mes bras pour rivaliser avec la beauté de ceux de Capitou.
J'ai profité d'une galerie de portraits teintés d'humour qui m'ont permis de percevoir les différentes classes sociales.
J'ai apprécié bien d'autres choses que je ne dirais pas pour vous laisser languir, des curiosités qu'il faudra découvrir vous-même.
Nous sommes au Brésil, à Rio de Janeiro sous le règne de Dom Pedro II et, nous évoluons dans une famille représentative de l'élite terrienne dont est originaire notre Bento. L'auteur esquisse en toile de fonds voire en pointillé son environnement contemporain, avec les chacaras où s'affairent les esclaves, avec un indispensable représentant des agregados, hommes libres attachés à une riche famille. Mais oublions le décor car le sujet est bien un voyage intérieur. Nous pénétrons la conscience du narrateur, un beau voyage dans son âme tourmentée.
Une écriture moderne qui gomme l'espace temps, je me suis régalée.
Un roman d'amour, un roman sur l' incommunicabilité, la jalousie.
Un auteur à redécouvrir et de mon côté à approfondir.
Un petit bijou!
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Le narrateur Bento Santiago est un original, ce qui lui vaut le sobriquet de Dom Casmurro, le messire renfrogné. Non qu'il soit particulièrement désagréable mais il n'est pas liant. Promis à la prêtrise par sa mère en reconnaissance de la naissance du narrateur, celui-ci étudie au séminaire tout en sachant très bien qu'il n'obéira pas au voeu pieu de cette dernière. Expérience fort utile néanmoins car il fera connaissance de son meilleur ami, Ezequiel de Sousa Escobar. Casmurro se voit homme de lettres, marrié avec son amie d'enfance Capitu. de ces trois voeux, le dernier s'accomplira pleinement, la mère étant saisie d'un retour d'amour maternelle. Elle s'accommodera d'une excuse fallacieuse pour admettre que son fils ne sera pas homme d'église et le fils se rendra vite compte qu'il lui manque du talent pour écrire, il sera un obscur licencié en droit.
Le roman adopte la forme de très cours chapitres (281) qui défient le principe de chronologie. Souvenirs d'enfances, réminiscences plus récentes, digressions, adresses au lecteur. On est un peu désorienté par cette discontinuité, cet éclatement du récit, manifestations des détours de la mémoires et des associations d'idées qui en découle. Apparemment c'est un texte majeur, aux multiples interprétations et imbrications. Dom Casmurro ne m'a pas ému, attention la lecture est sympathique, elle n'exclue pas le simple lecteur et fera le miel des érudits. Tout le monde est content.
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Un cocotier, qui vit mon agitation et en devina la cause, murmura de toute sa hauteur qu'il n'était pas choquant que les garçons de quinze ans aillent se fourrer dans les coins avec les fillettes de quatorze ans; au contraire, les adolescents de cet âge-là n'avaient rien de mieux à faire, et les coins ne servaient à rien d'autre. C'était un vieux cocotier, et moi j'avais confiance dans les vieux cocotiers, plus encore que dans les vieux livres. Les oiseaux, les papillons, une cigale qui répétait pour l'été, tout ce qui vivait dans les airs était du même avis.
Les rêves éveillés sont comme les autres rêves, ils se tissent au gré de nos inclinations et de nos souvenirs.
L'âme, tu le sais, lecteur, est une maison qui a cette même disposition ; il n'est pas rare qu'elle ait des fenêtres de tous côtés, beaucoup de lumière et d'air pur. Il en est aussi de fermées et de sombres, sans fenêtres, ou alors peu nombreuses et garnies de grilles, comme celles des couvents et des prisons. Il en est encore qui sont des chapelles ou des bazars, de simples hangars ou des palais somptueux.
O que importa é a expressão geral do meio doméstico, e essa aí fica indicada, - vulgaridade de caracteres, amor das aparências rutilantes, do arruído, frouxidão da vontade, domínio do capricho, e o mais. Dessa terra e desse estrume é que nasceu esta flor.
Voici une présentation d'un des plus grands écrivains brésiliens, Joaquim Maria Machado de Assis. C'est João Viegas; traducteur, qui nous fait le plaisir de nous en parler en évoquant pour nous le texte "Chasseur d'esclaves". Bon visionnage !