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3,8

sur 1846 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Machiavel, dont Nietzsche admirait la « volonté de voir la raison dans le réel et non dans la morale » est encore l'objet de bien des interprétations. On lui reconnait un statut de précurseur des sciences politiques, de par l'empirisme et la dimension pratique de son oeuvre. Mais on prête aussi à celui qui a inspiré l'adjectif « machiavélique » d'avoir inspiré bien plus que cela, notamment les régimes totalitaires, Mussolini lui-même, se disait fervent admirateur.
En réalité, l'oeuvre du diplomate florentin n'était pas destinée au grand public, il s'agissait là d'un présent offert à Laurent de Médicis, écrit alors que ce dernier était en disgrâce dans une Florence en proie à l'instabilité institutionnelle, et une Italie morcelée à la merci des appétits des grandes puissances voisines.

Machiavel inaugure une nouvelle approche tactique du politique. le prince, pour être en mesure de gouverner, doit être conscient de ses caractères, car la crainte lui profitera bien plus que l'amour, mais aussi pour dompter les revers de fortune.

La première prescription de Machiavel concerne le caractère du prince. Il y a en effet une multitude d'inclinaisons dans la personnalité humaine, et il convient pour connaitre ses forces et faiblesses de s'appliquer le « connais-toi toi-même » socratique. Pour Machiavel, il importe peu que le prince se connaisse, sa vision des choses est utilitariste et pragmatique, il s'agit moins d'être que d'être perçu, le prince doit agir sur les représentations que le peuple a de lui.
Pour cela il a le choix entre être aimé et être craint. Pour Machiavel, il ne fait aucun doute que l'amour, sentiment fugace, ne peut conduire à l'unité et la stabilité de l'autorité du prince. Ce qui rend la crainte préférable aux yeux de l'auteur, c'est le sentiment de prudence et de peur du châtiment qu'elle inspire. Elle saura tenir tranquille les ennemis extérieurs, mais aussi les conspirateurs endogènes.
A la condition que cette crainte ne dégénère pas en abus, il faut éviter absolument d'être méprisé, d'avoir trop de piété, mais d'un autre côté, il ne faut pas non plus être l'objet de haine du peuple.
Pour ce faire il faut au prince, respecter la propriété de ces sujets, mais aussi réussir un équilibre fragile entre les intérêts des grands et des corps constitués tel que l'armée, avec ceux du peuple.

La seconde prescription du conseiller politique est de se rendre maitre de la fortune, la philosophie politique de Machiavel prône un libre arbitre qui n'en a pas encore le nom. En effet, il ne nie pas que les évènements fortuits arrivent et peuvent être irrésistibles, mais il peut y avoir une loi du précédent, le prince doit être le capitaine de son navire, tantôt hisser la grand-voile, tantôt savoir amarrer, mais jamais naviguer à vue.
Il doit toujours savoir d'où vient le vent, et quand il va tourner, autrement dit, il doit s'adapter constamment à son environnement.
C'est avec cette capacité de résilience emprunte d'empirisme que le prince pourra arriver aux objectifs fixés par Machiavel.

L'auteur est conscient qu'avec cet ouvrage, il rompt avec la pensée politique de son temps. Sa pensée est novatrice dans la mesure où elle fait fi des considérations métaphysiques des Anciens. Ces prescriptions sont amorales et utilitaires, le prince doit se placer par-delà le bien et le mal, il doit tout à la fois être le renard, pour sa ruse et sa malice, et le lion, pour son impétuosité, vers laquelle Machiavel penche davantage.
Il n'est plus mention de cité idéale, de souverain bien, ni même de bonheur du peuple, d'Etat ou encore de Dieu, libre au prince de discourir sur tous ces sujets, mais ils n'ont aucunement leur place dans les coulisses du pouvoir.

Ce prince sans vergogne doit gouverner pour une seule raison, asseoir son autorité et stabiliser son pouvoir au sein du royaume. C'est avec cette grille de lecture que Machiavel, grand admirateur de César Borgia, entreprend d'analyser les régimes antiques et contemporains, les princes ayant échoués et ceux ayant réussi à asseoir leur autorité selon les prescriptions retenues par Machiavel.
Il en conclu que le prince nouveau doit suivre la voie de Sévère, en raison de la sujétion absolue qu'il a reçu de l'armée, ce qui est indispensable à la conquête d'un royaume, mais une fois le prince installé, il doit comme Marc, qui étant de descendance héréditaire n'a pas eu à favoriser l'armée au détriment du peuple, trouver un équilibre entre le peuple et les puissants, une conception que reprendra Montesquieu à son compte.
Néanmoins, illustré par l'exemple du roi du Soudan, en apparente contradiction avec les conseils proférés par Machiavel, les actions du prince doivent être adaptées aux circonstances et elles sont toutes justifiées par la stabilité de son autorité, se profile à l'horizon ce que Richelieu appellera plus tard la Raison d'Etat.
(#2014)
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Un traité brillantissime à l'usage des détenteurs du pouvoir. Tout au moins à ceux de l'époque où il a été écrit (1532) au début du XVI ème siècle, car l'ouvrage n'est pas aussi machiavélique que l'on pourrait l'imaginer ; au sens moderne du mot.

Un ouvrage qui s'attache à définir dans un premier temps les notions de monarchie et de république à la lumière des états de l'époque ; puis de théoriser la conquête du pouvoir et la méthode pour le conserver… le tout hors de la morale communément admise.

Édifiant…

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Quand Machiavel commence à écrire le Prince, en 1512, il est emprisonné par les Médicis, pour cause de sympathies républicaines. La polémique ouverte il y a plusieurs siècles après les commentaires de J.J. Rousseau est donc sans fondements.
Pour préparer chacun à la lecture de ce -court- ouvrage, il convient simplement de prévenir qu'il ne s'agit pas d'une réflexion éthique ou morale : le Prince n'est pas une analyse du pouvoir juste, ni une apologie ou au contraire une dénonciation de la tyrannie. En cela, il est donc un livre moderne, rompant avec la tradition antique, poursuivie et enrichie par les penseurs chrétiens.
Cette réflexion est une analyse fine, pertinente et concrète du jeur de pouvoir. Ce faisant, Machiavel montre entre autres comment la morale peut être instrumentalisée par ceux qui recherchent et prennent le pouvoir, alors qu'elle n'est pas ou plus une fin en soir. D'où, à mon sens, l'expression courante de "machiavélisme"...
Il s'appuie sur le contexte de son époque et sur une grande culture des faits antiques. Ce faisant, il nous offre d'excellentes clés de lecture de la politique en tant que jeu de pouvoirs -applicables aussi (comme moyen d'analyser les éventuelles manipulations...) au fonctionnement des entreprises, associations et autres groupes sociaux-, toujours d'actualité.
Qualifier Machiavel de cynique, c'est comme refuser le diagnostic d 'un médecin au motif que la maladie découverte est trop honteuse...
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Où l'on explique aux Princes comment conquérir le pouvoir, comment s'y maintenir et sur qui s'appuyer, ou pas.

Cela faisait longtemps que je voulais découvrir ce texte mythique, et j'avoue avoir été un peu surprise par ma lecture : non seulement le propos n'est pas seulement centré sur une approche de politique politicienne dans l'exercice du pouvoir, mais en plus ce n'est pas ce petit précis de cynisme et de manipulation des hommes auquel je m'attendais, perception du 'machiavélisme' oblige.
L'oeuvre, bien que courte, embrasse plus large, est très ancrée dans son temps et dans l'histoire avec de nombreux exemples mis en exergue par l'auteur, qui déroule ses arguments avec une sagesse plus bienveillante que fielleuse.
Les classiques ne sont décidément jamais les stéréotypes auxquels on les réduit, et c'est tant mieux!
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Donc le prince de Machiavel que je n'ai pas relu depuis mes vertes années.
C'est à la fois un texte qui renvoie au Moyen Age avec les miroirs du prince et même à l'Antiquité et un texte complètement nouveau par l'éclairage qu'il porte sur ce qui doit être fait et surtout ce qui ne doit pas être fait pour gagner ou conserver le pouvoir. La nouveauté - scandaleuse - tient au détachement de la morale pour juger des actes du Prince. La "vertu" du Prince ne renvoie donc plus aux préceptes moraux et religieux en cours à son époque mais à sa capacité objective à se (main)tenir au pouvoir. Un prince doit "paraître" vertueux plutôt que l'être.
D'où la question "vaut-il mieux être aimé ou craint" et la réponse en faveur de la crainte - à défaut d'être les deux à la fois (comme Henry V dans la pièce éponyme de Shakespeare).
Dans la même veine provocatrice, Machiavel pose la violence et la guerre en fondations de l'Etat.
Le Prince doit être à la fois le renard pour comprendre et anticiper les événements et le lion pour sa bravoure et sa force. C'est un traité sur la manière d'arriver au pouvoir et de le conserver, non sur le bonheur du peuple (même si ce bonheur doit être pris en compte pour rester au pouvoir, mais cela reste un moyen et non une fin) ou les vertus chrétiennes du souverain. C'est ce point de vue qui a fait la nouveauté et le scandale du texte lorsqu'il a paru.
Tout cela reste très raisonné et rationnel. Il est intéressant de voir comment l'adjectif "machiavélien" a évolué par la suite vers des horizons beaucoup plus sombres et malins (au sens d'enclin à faire le mal), avec des personnages comme Iago, où le mal se justifie par lui-même.
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Il y a des classiques pour lesquels on se demande si une critique est encore nécessaire. La clairvoyance politique de Machiavel ne se présente plus, quoiqu'elle reste celle de son temps, de son milieu, de son pays. Conseils avisés et invitations à la mesure sont portés par des exemples et des métaphores qui en disent (très) long sur une époque et un auteur qui sait vendre sa plume (il se dédouane avec beaucoup d'art des échecs des princes qu'il a pu conseiller et en souligne en parallèle les coups de maître). J'ai pris ses écarts avec humour... et beaucoup de notes de ses tournures les plus percutantes.

Bien sûr, je conseille sa lecture : le lecteur en retirera le portrait d'une Italie des XV et XVIe siècles et (en négatif ?) des dirigeants de ce temps. Amateurs de romans historiques et de fantasy, c'est un livre sur lequel vous ne pouvez pas faire l'impasse !
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Le Prince, c'est le genre de court ouvrage qu'il faut prendre avec le sourire tellement son auteur est.... Machiavélique.

Quelle finesse, quel analyste. Cet homme avait tout compris de la politique.

Je pense, j'en suis même convaincue, que dans les universités en sciences Po, l'art de la manipulation vient des conseils laissés par Nicolas Machiavel.

Un ouvrage très instructif sur l'époque mais également sur notre fonctionnement politique actuel.
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Machiavel, un nom qui terrifie proprement...Curieuse par nature, et trouvant un exemplaire du prince dans mon grenier, je me lançai dans sa lecture...Qui dément rapidement l'adjectif trop utilisé de nos jours !

Plutôt qu'un traité de sadisme, le prince serait un manuel à l'usage des princes, plus précisément à celui de Laurent de Médicis, qui étonne par son pragmatisme et ses remarques pertinentes, vérifiées maintes fois par les nombreux exemples donnés par l'auteur.
Avec un pareil petit bouquin en main, difficile de ne pas s'imaginer soi-même sur un trône, gouvernant en toute simplicité ! C'est sûrement d'ici que vient le principal défaut du livre : écrit par un conseiller qui a, certes, une culture historique des batailles précise, il n'en est pas moins l'objet d'un être qui n'a jamais régné lui-même. de plus, si l'on réfléchit à chaque détail donné par Machiavel, tous semblent des plus logiques, et vient rapidement la question du pourquoi les souverains ne se sont-ils pas inspirés de ce traité ? Sûrement parce que tenir un pays est plus complexe qu'une centaine de page, qui, aussi enrichissantes soient-elles, ne donnent pour la plupart du temps comme exemple que des figures de légende (Alexandre, Achille, Philippe de Macédoine, César) ayant transmis elle-même leurs récits, rendant la véracité des récits plus bancale...
Néanmoins, la lecture du prince, rapide, est intéressante et fournit une vision précise de l'Europe du temps de Machiavel.
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Selon le titre original, de principatibus, l'ouvrage traite des principautés, qui sont les états gouvernés par des princes; et non des républiques, ces dernières étant longuement abordées par Machiavel dans la deuxième de ses grandes œuvres politiques, le Discours sur la première décade de Tite-Live.
De principatibus présente, en les justifiant par des exemples contemporains ou tirés de l'antiquité, les règles et conditions qu'un prince accédant nouvellement à une principauté doit respecter pour fonder sainement un nouvel état et s'y maintenir, en distinguant les différents modes d'accession et types de principautés.

Court comme un bréviaire (80 pages dans l'édition de la bibliothèque de la Pléiade), bien construit, reflétant une pensée remarquablement claire, le discours de Machiavel enchaîne analyses, illustrations concrètes, synthèses et récapitulatifs didactiques. Traduit dans un français fleurant bon la langue du XVI siècle mais lisible sans difficulté, la lecture en est un régal pour ceux que le sujet intéresse. Machiavel allie prise de recul permettant l'énoncé de principes généraux avec la précision d'exemples sélectionnés, les italiens étant plus particulièrement intéressants car plus proches et donc plus fiables et on peut penser qu'ils étaient bien connus de l'auteur. On trouve beaucoup d'intelligence, de bon sens et de pragmatisme dans ces courts chapitres se succédant selon un ordre qui renseignent sur la progression logique de la pensée. Nombre de recommandations s'appliquent aujourd'hui aux besoins du management (discipline soit dit en passant qui, avec ou sans accent anglo-saxon puisque l'origine est française, n'est rien d'autre que le gouvernement).

Nicolas Machiavel est un homme de raison, matérialiste et expérimentaliste avant l'heure, respectueux des valeurs morales (honneur, honnêteté, loyauté, …). Il constate que les hommes sont plus souvent mauvais que bons, en particulier quand leurs intérêts sont en jeu; il pose qu'il y a lieu d'en tenir compte pour gouverner de belle et durable manière. Rien moins qu'utopique ou idéaliste donc mais au contraire acceptant, parce qu'on ne peut faire autrement, que certains buts soient asservis à des moyens qui peuvent s'avérer brutaux voire cruels si la nécessité l'impose; de préférence une fois pour toutes afin qu'on n'ait plus à y avoir recours ensuite. Il écrit tout haut ce que beaucoup, avant, pendant et après lui, pensent et mettent en œuvre, sans les limites et réserves que lui préconise de façon répétée, hors toute leçon de morale.
Un bel esprit de la renaissance, cousin de Montaigne, dont la préoccupation principale fut, non de se connaître soi-même, mais de contribuer, à sa manière, à ce que s'établissent et perdurent les régimes politiques les mieux balancés, les plus aptes à minimiser l'écart quadratique moyen entre les conditions réelles des populations et une vie sur terre agréable.

Pour la précision, signalons que le Prince (rédigé en 1512) est offert à Laurent de Médicis, qualifié dans la dédicace de magnifique. Pourtant, ce Laurent-là, le II n'est que le petit-fils du vrai Magnifique, mort lui dès 1492 et il ne laissera pas de glorieuse trace dans l'histoire de l'Italie ni de Florence.
Ni noble, ni fortuné, Machiavel vivait de son travail, sorte de haut fonctionnaire dans une république de Florence à l'agonie. Qui ne comprendrait que, par une flatterie ne faisant de mal à personne, il tentât de préparer l'alternance. Elle se produisit effectivement en 1512; Nicolas, après en avoir pâti, ne réussit que médiocrement à s'en remettre; quant à Laurent, il n'eut pas l'opportunité ou le talent ou les deux de mettre le Prince en pratique.
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Si le Prince vivait au vingt et unième siècle, il travaillerait probablement dans une multinationale. Ecrit pour Laurent de Medicis au début du seizième siècle, le Prince n'a pas pris une ride et avec une grande lucidité sur l'Homme, constitue le parfait manuel du manager manipulateur. Grâce à une intelligence pénétrante, rien ne saurait résister à Machiavel. Ni les luttes de pouvoir, ni les alliances : « J'observe qu'un prince ne doit jamais (…) s'associer (…) à un autre plus puissant que lui pour en attaquer un troisième, car la victoire le mettrait à la discrétion de cet autre plus puissant. » et moins encore l'entretien des dépendances « le prince doit donc s'il est doué de quelque sagesse imaginer et établir un système de gouvernement tel, qu'en (…) toutes les circonstances les citoyens aient besoin de lui : alors il sera toujours certain de les trouver fidèles. »

Dans un style simple et presque didactique (chaque chapitre répond à un question, par exemple comment fonctionne les « principauté nouvelles acquises par les armes ») Nicolas Machiavel présente une vérité toute nue sans illusion sur la médiocrité humaine. de nombreux exemples historiques illustrent chaque idée.
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