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Jean-Luc Steinmetz (Éditeur scientifique)
EAN : 9782253081029
439 pages
Le Livre de Poche (16/03/2005)
4.31/5   40 notes
Résumé :
Il n'y a point, dans les rares ouvrages de Mallarmé, de ces négligences qui apprivoisent tant de lecteurs et les flattent secrètement d'être familiers avec le poète; point de ces apparences d'humanité qui touchent si facilement toutes les personnes pour lesquelles ce qui est humain se distingue mal de ce qui est commun. Mais on y voit au contraire se prononcer la tentative la plus audacieuse et la plus suivie qui ait jamais été faite pour surmonter ce que je nommera... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce livre rassemble la quasi totalité des poèmes en vers, sauf le célèbre "Un coup de dés jamais n'abolit le hasard" ainsi que les poèmes en prose de Mallarmé. Sont réunis aussi plusieurs écrits, dont certains donnent un éclairage précis de la conception de la poésie de Mallarmé. Grâce à eux, on comprend que le poète, à l'opposé de Rimbaud qui voulait changer le monde, qui rêvait d'une fonction sociale de la poésie, lui veut en faire un art élitiste, réservé à des initiés, inaccessible au commun des mortels; il se montre d'ailleurs irrité du caractère populaire qu'a pris selon lui l'art poétique. Et cette ambition d'une poésie sacrée, religieuse, mystique, va se traduire par l'utilisation préférentielle des mots pour leur son ou leur capacité d'évocation, par une syntaxe altérée, par un rythme si particulier, hypnotique, que l'on ressent à la lecture à haute voix, toujours indispensable pour le poème, la poésie est orale, oracle même dans ce cas. Mais il faut noter qu'à l'inverse du Rimbaud des Illuminations, qui a choisi la prose, ou de la poésie surréaliste du 20ème siècle, qui emploie principalement le vers libre, Mallarmé enchâsse son texte poétique dans le cadre strict du mètre et de la rime, le poème ayant souvent la forme du sonnet.

De ce fait, sauf pour les premiers poèmes en vers influencés par Baudelaire, et certains sonnets de circonstance (tels les trois "Éventails' le "Billet à Whistler",...), la poésie en vers de Mallarmé est difficile, hermétique, mais, et ceci entre autres par le choix de respecter une construction traditionnelle, la lecture à haute voix de beaucoup de poèmes donne une sensation, certes un peu froide, ici pas d'envolées lyriques, mais une sensation extatique, religieuse, analogue pour moi à un motet de Palestrina, une oeuvre d'Arvo Pärt, ou à un vitrail de cathédrale. Mémoriser certains de ces poèmes et les réciter permet d'en mieux saisir leur caractère "magique". Je cite quelques uns de mes préférés: les Tombeaux de Poe, Baudelaire, Verlaine, le Don du Poème, la Prose pour des Esseintes, "Ses purs ongles très-haut...", "Une dentelle s'abolit dans le doute..." "À la nue accablante tu..."

Les poèmes en prose sont beaucoup plus accessibles, la forme emprunte à Beaudelaire (d'ailleurs, ils ont été écrits presque tous avant que ne paraissent les Illuminations de Rimbaud en 1887, qui montrent de nouvelles façons d'agencer le poème en prose). Ce sont de textes, souvent pleins d'ambiguïté, de mystère et d'étrangeté.

En conclusion, même si j'ai plus "d'affinités électives" avec, entre autres, la poésie de Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, Eluard, Chedid, pour ne citer que les poètes français, j'admire aussi depuis longtemps le rythme sacré du vers mallarméen.
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Dès les premières pages de cet ouvrage, ce fut d'abord la beauté du vers (ou de la prose, d'ailleurs) qui m'a saisie. J'ai réellement trouvé le style, la musicalité de la poésie de Mallarmé magnifique. Les images de la nature, des fleurs, de l'eau sont très jolies sans être classiques. En fait, je ne sais pas trop dire pourquoi ni comment mais ces poèmes m'ont touché, m'ont parlé sans que j'en comprenne toujours le sens. Je me suis simplement laissée porter par la mélodie, la beauté des images... Cette première lecture m'a donné envie de conserver cet ouvrage dans un coin pour le redécouvrir plus tard sous un nouveau jour, et sans doute mieux le comprendre. Je suis cependant passée un peu à côté de la prose, ce qui n'a rien d'étonnant puisque je n'aime pas vraiment lire de poèmes en prose.
Bref, je n'ai pas beaucoup d'arguments à avancer mais ces poèmes sont certainement parmi les plus beaux, quoique parfois obscurs, que j'ai lu. Ils m'ont appris qu'il y avait deux niveaux de compréhension : celui du cerveau, et celui du coeur. Et cela m'a fait du bien de reposer un peu mon cerveau pour laisser le champ libre à mon coeur, à mon âme. Une belle découverte.
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Poésies/Stéphane Mallarmé/ Éditions Gallimard-Poésie
Comme le disait jean Paul Sartre, « avec les hommes et avec lui-même, mallarmé conserva toujours une imperceptible distance et c'est cette distance qu'il voulut exprimer dans ses vers. »
Toute sa vie durant, mallarmé a pratiqué le culte de la poésie tel une religion. Cette noble attitude, cette exigence exaltante et hautaine expliquent la vénération dont il fut entouré tel un saint ou même un martyr de la poésie.
Dans un premier temps Baudelaire fut une révélation pour le jeune mallarmé qu'il influença tout comme le fit Edgar Allan Poe, et auquel il inocula le spleen baudelairien avec son appel du large et son rêve d'un mystérieux ailleurs.
Plus tard ce spleen prit une couleur plus métaphysique, influencé qu'il fut par l'occultisme. Plus hermétique encore devint la composition du poète avec le temps, l'hyperbole prenant une place prédominante pour chercher l'essence des choses. Une démarche proche de l'existentialisme qui pense que l'existence précède l'essence.
Hélas il arrive d'aventure que cela débouche sur le néant ou le chaos. Ou alors s'interroge le poète, l'harmonie de l'univers est peut-être intraduisible, ce qui conduit à l'absence et le vide avec la répétition de mots tels que « abolir » ou « inanité » (Aboli bibelot d'inanité sonore) ! En prononçant ce vers célèbre, en vérité, mallarmé nous fait percevoir une traduction pour l'oreille tout en teintant la sonorité d'un certain mystère et d'un évident ésotérisme. C'est tout l'art de la poésie de mallarmé qui au fil du temps devient plus hermétique, plus précieuse au sens littéraire, plus raffinée et concise, riche de formules hiératiques, plus subtile et toujours plus éloignée du banal, en un mot plus insaisissable. On a pu dire que mallarmé, prêtre de la poésie, refusait au profane l'accès au temple !
La technique de mallarmé est parfaitement mise au point, avec une structure de la phrase revue et corrigée, avec une dislocation de cette phrase avec appositions et ellipses alternant avec les périphrases. le choix des mots, rares, vieillis ou sibyllins complète cet art de la traduction. Et bien sûr, la musique et le rythme de la phrase en regroupant les mots habilement placés pour induire une suggestion des sons, les rimes apposant le point d'orgue.
On a pu dire aussi qu'en se complaisant dans l'hermétisme, mallarmé s'était coupé du grand public. Chacun aura son avis. Pour moi, la musique n'a pas toujours besoin d'être expliquée : il suffit qu'elle soit ressentie.
Pour illustrer mon propos, j'ai choisi un très célèbre sonnet publié en 1895, évoquant l'absence, le désastre, le naufrage et la fureur quand le rêve est symbole d'une création avortée. Appris par coeur jadis, sa musique m'en a épargné l'oubli à tout jamais. Musique des mots, rythme de la phrase : c'est tout l'art de mallarmé.
A la nue accablante tu
Basse de basalte et de laves
A même les échos esclaves
Par une trompe sans vertu

Quel sépulcral naufrage (tu
Le sais, écume mais y baves)
Suprême une entre les épaves
Abolit le mât dévêtu

Ou cela que furibond faute
De quelque perdition haute
Tout l'abîme vain éployé

Dans le si blanc cheveu qui traine
Avarement aura noyé
Le flanc enfant d'une sirène.

Bien sûr, on pourrait aussi citer « Brise marine » et son premier vers si célèbre :
La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.

Un dernier exemple extrait de « Apparition ».
La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
Magnifique.
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
ANGOISSE

Je ne viens pas ce soir vaincre ton corps, ô bête
En qui vont les péchés d'un peuple, ni creuser
Dans tes cheveux impurs une triste tempête
Sous l'incurable ennui que verse mon baiser :

Je demande à ton lit le lourd sommeil sans songes
Planant sous les rideaux inconnus du remords,
Et que tu peux goûter après tes noirs mensonges,
Toi qui sur le néant en sait plus que les morts :

Car le Vice, rongeant ma native noblesse,
M'a comme toi marqué de sa stérilité,
Mais tandis que ton sein de pierre est habité

Par un coeur que la dent d'aucun crime ne blesse
Je fuis, pâle, défait, hanté par mon linceul,
Ayant peur de mourir lorsque je couche seul.
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Autre éventail

Ô rêveuse, pour que je plonge
Au pur délice sans chemin,
Sache, par un subtil mensonge,
Garder mon aile dans ta main.

Une fraîcheur de crépuscule
Te vient à chaque battement
Dont le coup prisonnier recule
L'horizon délicatement.

Vertige ! Voici que frissonne
L'espace comme un grand baiser
Qui, fou de naître pour personne,
Ne peut jaillir ni s'apaiser.

Sens-tu le paradis farouche
Ainsi qu'un rire enseveli
Se couler du coin de ta bouche
Au fond de l'unanime pli !

Le sceptre des rivages roses
Stagnants sur les soirs d'or, ce l'est,
Ce blanc vol fermé que tu poses
Contre le feu d'un bracelet.
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RIEN, AU RÉVEIL, QUE VOUS N'AYEZ...

Rien, au réveil, que vous n'ayez
Envisagé de quelque moue
Pire si le rire secoue
Votre aile sur les oreillers.

Indifféremment sommeillez
Sans crainte qu'une haleine avoue
Rien, au réveil, que vous n'ayez
Envisagé de quelque moue.

Tous les rêves émerveillés
Quand cette beauté les déjoue
Ne produisent fleur sur la joue
Dans l'oeil diamants impayés
Rien, au réveil, que vous n'ayez
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Renouveau

Le printemps maladif a chassé tristement 
L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide, 
Et dans mon être à qui le sang morne préside 
L'impuissance s'étire en un long bâillement.

Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne 
Qu'un cercle de fer serre ainsi qu'un vieux tombeau, 
Et, triste, j'erre après un rêve vague et beau, 
Par les champs où la sève immense se pavane.

Puis je tombe énervé de parfums d'arbres, las, 
Et creusant de ma face une fosse à mon rêve, 
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

J'attends, en m'abîmant que mon ennui s'élève... 
— Cependant l'Azur rit sur la haie et l'éveil 
De tant d'oiseaux en fleur gazouillant au soleil.
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Prose


Hyperbole ! de ma mémoire
Triomphalement ne sais-tu
Te lever, aujourd’hui grimoire
Dans un livre de fer vêtu :

Car j’installe, par la science,
L’hymne des cœurs spirituels
En l’œuvre de ma patience,
Atlas, herbiers et rituels.

Nous promenions notre visage
(Nous fûmes deux, je le maintiens)
Sur maints charmes de paysage,
Ô sœur, y comparant les tiens.

L’ère d’autorité se trouble
Lorsque, sans nul motif, on dit
De ce midi que notre double
Inconscience approfondit

Que, sol des cent iris, son site,
Ils savent s’il a bien été,
Ne porte pas de nom que cite
L’or de la trompette d’Été.

Oui, dans une île que l’air charge
De vue et non de visions
Toute fleur s’étalait plus large
Sans que nous en devisions.

Telles, immenses, que chacune
Ordinairement se para
D’un lucide contour, lacune
Qui des jardins la sépara.

Gloire du long désir, Idées
Tout en moi s’exaltait de voir
La famille des iridées
Surgir à ce nouveau devoir,

Mais cette sœur sensée et tendre
Ne porta son regard plus loin
Que sourire et, comme à l’entendre
J’occupe mon antique soin.

Oh ! sache l’Esprit de litige,
À cette heure où nous nous taisons,
Que de lis multiples la tige
Grandissait trop pour nos raisons

Et non comme pleure la rive,
Quand son jeu monotone ment
À vouloir que l’ampleur arrive
Parmi mon jeune étonnement

D’ouïr tout le ciel et la carte
Sans fin attestés sur mes pas,
Par le flot même qui s’écarte,
Que ce pays n’exista pas.

L’enfant abdique son extase
Et docte déjà par chemins
Elle dit le mot : Anastase !
Né pour d’éternels parchemins,

Avant qu’un sépulcre ne rie
Sous aucun climat, son aïeul,
De porter ce nom : Pulchérie !
Caché par le trop grand glaïeul.
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Vidéo de Stéphane Mallarmé
Stéphane MALLARMÉ – Le Poète et la Chine (CREOPS, 2014) Une conférence de Laurent Matuissi donnée le 6 juin 2014 au Centre de Recherches sur l’Extrême Orient de Paris-Sorbonne à l'occasion de la publication de son essai 'Mallarmé et la Chine'.
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