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Marc de Gouvenain (Traducteur)Lena Grumbach (Traducteur)
EAN : 9782742729203
522 pages
Actes Sud (10/10/2000)
4.28/5   9 notes
Résumé :

Ce livre qui, depuis dix ans, attendait en France un éditeur, le voici enfin, dans la traduction de Marc de Gouvenain. Roman, pamphlet, récit historique, enquête presque policière, L'Extradition des Baltes relate l'événement qui prit en Suède, au lendemain de la guerre, les dimensions d'une affaire Dreyfus. En décidant alors d'extrader vers l'Union Soviétique des réfugiés militaires baltes, le gouvern... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un livre choisi presque par hasard, en cherchant scandinave, histoire, roman, non policier, d'un auteur qui ne fait plus les « unes »… et je suis tombée sur l'extradition des Baltes. Surprise complète, bonheur de lecture total, réflexion politico-philosophico-morale absolue et salvatrice.
Qu'est-ce que c'est que ce livre, édité chez Babel (j'ai confiance) et lourd de plus de 500 pages aux petits caractères ?
Et puis, en lisant la quatrième de couverture, on apprend qu'il s'agit d'une histoire réelle qui a concerné quelques 146 Baltes, prisonniers de guerre, criminels de guerre ? - on ne sait pas - , réfugiés, internés, à la fin de la guerre (la seconde, la mondiale) en Suède.
Peanuts, étant donné ce qu'on entend aujourd'hui, ou voit, tous les jours. Comment donc, diable, diantre, Per Olov Enquist, pourrait-il tenir en haleine son lecteur avec une histoire pareille, et datant de… certes le livre a été publié en 1968, puis réédité en 1985 (je lis cette édition-là), datant donc.
Je résume, en 1968, un Suédois qui est âgé d'une trentaine d'années, chercheur, publie un roman, ROMAN, sur 146 Baltes qui ont plus ou moins fricoté avec l'armée allemande ou directement avec la police allemande ou balte, nazie, pour commettre des actes de guerre, cela est sûr, sans doute des crimes de guerre, des exécutions, des exterminations…, ces Baltes se sont réfugiés en Suède, internés dans un camp et la question s'est posée à la fin du conflit donc vers l'été 1945… qu'est-ce qu'on en fait ? C'est d'abord toute une histoire car les états baltes alors n'existent pas comme aujourd'hui. Ballotés entre la Russie, l'URSS et l'Allemagne, et parfois indépendants, parfois assujettis, leur propre histoire est compliquée.
J'en viens à la lecture du roman. Car il s'agit bien d'un roman. Là est la première prouesse de Per Olov Enquist. le narrateur est le chercheur suédois, qui environ vingt ans après, enquête sur les faits. Cependant, le chercheur narrateur est lui-même acteur. Cette double narration permet une mise en perspective des travaux du chercheur et une réflexion sur le travail de l'historien investiguant sur une histoire très proche, s'appuyant à la fois sur des archives écrites et des témoignages oraux, oscillant par conséquence entre la véracité, la vérité, la sincérité et donc forcément la sentimentalité.
Ainsi, page 288 : « n'accepte pas de présentation, pense par toi-même, sois soupçonneux. Il n'y a pas d'objectivité sacrée, pas de véritable vérité, libérée de ses origines politiques. Essaie, sois soupçonneux. Remets en question. »
Puis, page 302 : « pourquoi traduisait-il toujours humanité par sentimentalité ? »
Il y a donc roman car c'est d'abord l'histoire de ce chercheur « le Suédois ». C'est son histoire, son parcours, en tant que chercheur, historien, suédois, ancré dans les années soixante et devant comprendre pour en faire une analyse correcte, comprendre pour rendre compte.
Le livre est complexe car l'auteur s'attache à montrer le travail de fourmi du chercheur. C'est toute la première partie du livre, les débats politiques qui amènent à une décision. Cette partie peut paraître fastidieuse, ennuyeuse (pour certains, mais pas moi personnellement, mais j'imagine), curieuse : comment des décisions capitales, qui risquent de mettre la vie d'humains en danger, voire à les conduire vers la mort, comment lorsqu'on est représentant d'une démocratie, comment cette prise de décision intervient-elle ? et une fois qu'elle est prise… que l'opinion, les médias s'en emparent, la discutent, comment celui qui a eu ce pouvoir décisionnaire assumera-t-il les conséquences de son acte, de sa signature ?
Le roman dans ces chapitres-là, atteint une dimension morale et philosophique passionnante. Certes, dans une Suède qui passe d'un gouvernement de coalition à un gouvernement social-démocrate, ce qui permettra à quelques-uns de se défausser. Oh, fichtre, déjà, en 1945 ?
« Au point d'intersection entre deux manières évidentes d'envisager les choses, au point d'intersection entre la politique et l'homme, se trouvait la sensation douloureuse que la solution et la réponse ne pourraient jamais être vraiment justes, entièrement honnêtes. »
Enfin, la dernière partie du roman s'attache à retracer le devenir de ces extradés. Il prend alors une dimension humaine très émouvante. Alors que l'auteur reste factuel, le chercheur ne cherche plus une vérité car il sait qu'elle n'existe pas, il voudrait comprendre l'incompréhensible. le roman prend une couleur émotionnelle d'une intensité extraordinaire, car le chercheur va à la rencontre de ces Baltes, qui ne sont plus ni Baltes, ni soldats, ni… ils sont des êtres humains, des êtres survivants, fallait-il survivre ? Eux, répondent, oui. le chercheur n'a pas la réponse : « il était assis là, sur le pont, au soleil, et le jeu était encore un jeu et n'était qu'en partie caché par leurs visages. Il pensait : je laisse tout derrière moi, je me ferme. Devant moi, il y a une surface d'eau, un fleuve, du soleil, de la lumière, des reflets, de la chaleur. Il pensait : je reste ici, je n'entends pas leurs cris, ne vois pas leurs larmes. Je reste ici, ne participe pas, reste assis au soleil. Tout seul. Je me persuade que je ne vais jamais comprendre. Je ne vais de toute façon jamais comprendre. »
Une belle lecture qui ne laisse pas indifférente : "mais il y avait beaucoup de camps de réfugiés à Lubeck et en Allemagne, et beaucoup de réfugiés, presque tous, demandaient des visas pour des pays occidentaux et quelques-uns les reçurent. Les Anglais vinrent tout d'abord et prirent les plus aptes au travail - les hommes de vingt à trente ans. Puis ce furent les Canadiens qui ramassèrent une partie des réfugiés productifs. Puis les Australiens qui laissèrent entrer chez eux les familles dont deux membres étaient au moins aptes au travail. Les meilleurs, les plus sains, les plus forts disparurent tout d'abord. Les vieux restèrent, bien entendu, personne n'en voulait. Les malades restèrent, les veuves et leurs petits enfants restèrent, tous ceux qui n'étaient pas immédiatement utiles."
Et cela s'est passé en Europe, en Suède, en 1945.
Assurément, je viens de lire un bel ouvrage.
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Retour vers un grand romancier suédois, pour un de ses livres ... est ce un roman, un essai, un pamphlet, un récit historique ou ?
Qu'importe !
L'ambition de l'auteur est plutôt d'essayer de nous montrer ce que fut l'histoire d'hommes, ce qui a été réellement fait à cette époque. Il nous invite à réfléchir au pourquoi et au comment pour ne pas oublier et savoir résoudre le plus humainement possible ce genre de situation.
Que faire de soldats, déserteurs ou pas, désireux de sauver simplement leur peau ou pas, quand un conflit s'arrête et que l'on est un pays dit "neutre" ?
Les parquer dans un camp de détention, les utiliser comme main d'oeuvre pour des travaux de construction de routes et un jour les libérer ou les renvoyer dans leurs pays réciproques.... c'est une version de l'Histoire !
Per olov n'est pas l'auteur ou le narrateur, il se présente comme le chercheur et garde toujours ses distances face au texte et aux idées émises.
Ce livre est le résultat d'une recherche pointilleuse sur une petite partie de l'histoire de la fin de la seconde guerre mondiale. La description précise des enjeux de nos sociétés à ce moment là, et une analyse des faits, de ce qu'il fallait reconstruire après tous ces massacres et cette période si pleine de certitudes.
Certes les méchants étaient méchants, certes des actes d'une nature indescriptible avaient été commis mais maintenant il s'agissait de savoir ce qu'on allait faire de ces hommes, étaient ils de simples exécutants ? Devait on devenir à notre tour les instruments d'une justice ou d'une vengeance, elle aussi inhumaine ?
Per olov s'interroge et nous interroge à ce propos en nous amenant a bien réfléchir à nos motivations, car cela s'est passé hier, cela se passe aujourd'hui et cela peut se passer demain !
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
C'était en 1967, l'année des protestations, l'année des désertions, l'année des manifestations, l'année des œufs pourris, l'année des vitres cassées dans les ambassades, l'année de l'indocilité civile. Ici, à Ränneslätt, des militaires et des gardes avaient protesté publiquement contre une chose qu'ils avaient comprise comme inhumaine, contre le gouvernement qu'ils servaient : C'était en 1945, une année de protestations aussi. Ici un officier avait arraché son casque et était parti. Ici beaucoup de gens avaient réagi contre des ordres, de la manière dont ils avaient toujours dit que les gardes des camps de concentration auraient dû réagir : ne pas obéir aveuglément aux ordres mais agir selon des principes différents, selon des principes humains.
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La population de ce gouvernement, à la suite d'une application méthodique et forcée de ces mesures dans les dix années à venir, ne sera plus constituée que d'une race pour toujours médiocre. Cette population ne sera plus qu'un peuple travailleur dépourvu de chefs, à la disposition de l'Allemagne pour les travaux saisonniers. "On introduirait une éducation primaire de quatre ans pour les éléments non aryens médiocres afin de leur apprendre l'obéissance envers l'Allemagne." Je ne trouve pas nécessaire de leur apprendre à lire", écrivait Himmler.
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Aux dires de la majorité il était plus ou moins net qu'il avait été antisémite et qu'il avait dirigé une "battue aux communistes". Certains des témoignages sont cependant contradictoires et en partie troublants. Ceci s'applique par exemple à la déclaration d'une employée de l'Office National des Étrangers. Elle aurait déclaré que "Paulsson n'avait pas manifesté de sympathie particulière pour les juifs mais que d'autre part il ne leur avait pas non plus manifesté d'aversion notable." Ceci selon le procès-verbal du tribunal, mais lorsqu'on procéda à la lecture de ce procès-verbal, nombreux furent ceux qui remirent en question la formule en disant qu'elle avait été altérée. La femme n'aurait pas dit cela, mais que "Paulsson n'avait pas manifesté pour les juifs une aversion plus grande que celle de la plupart de nous autres fonctionnaires à la commission."
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Il faut soigneusement vérifier que de chaque expérience on ne tire que la connaissance qu'elle peut donner – et s'arrêter là ; il ne faut pas devenir comme le chat qui s'assied sur un fourneau brûlant. Ce chat n'ira plus jamais s'asseoir sur un fourneau brûlant – et cela est heureux. Mais il n'ira jamais non plus s'asseoir sur un fourneau froid.
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Comment décrit-on le mécanisme d'un sentiment ? Comment décrit-t-on le mécanisme de la naissance, de la transformation, du déplacement d'un sentiment ? Comment décrit-on le mécanisme d'une situation qui pousse en avant un homme jusqu'au point où il ne peut plus faire demi-tour ?
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Videos de Per Olov Enquist (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Per Olov Enquist
2 octobre 2013
En 1770, alors que le jeune roi du Danemark, Christian VII, est atteint de folie, quelques nobles mènent à eux seuls les affaires du royaume. Contraint d'épouser l'héritière de la famille royale anglaise, le roi lui préfère une prostituée, aussitôt écartée par la Cour. Christian VII part alors à travers l'Europe pour retrouver sa chère disparue. Dans ce climat de confusion, les conseillers commettent l'erreur de convoquer au palais le docteur Struensee : instruit et progressiste, ce dernier obtient les faveurs de son roi, se rapproche de la reine délaissée et occupe une place que beaucoup lui disputent. En butte aux complots de toute sorte, le médecin signe de fait son arrêt de mort. Sous couvert d'un sujet historique, Per Olov Enquist met en scène les grands conflits d'idées du Siècle des lumières à travers des personnages emblématiques et intemporels.
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