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Joanie Demers (Traducteur)
EAN : 9782897127886
420 pages
Mémoire Encrier (01/10/2021)
4.4/5   5 notes
Résumé :
Il y a une certaine impuissance au fait d’être témoin.
Plus personne ne vient ici à part moi. On dirait que je ne peux m’empêcher de revenir dans ce lieu où tout le monde est mort.

Doué du pouvoir de se métamorphoser afin de fouiner dans les histoires des gens et d’écouter les chants secrets de la forêt, Vison connaît tout de l’origine du mal qui s’abat sur Celia et le village nuu’chalnulth de la côte du Pacifique. Tout s’effondre depuis que le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Situé plusieurs années après le Chant du corbeau, cme roman adopte le point de vue de Celia, petite soeur de Stacey dont nous avions suivi le désir d'émancipation dans le précédent opus. Depuis son enfance, Celia est assaillie de visions qui la plongent dans le passé traumatique de son peuple. Celles-ci ne la quittent plus depuis le suicide de son fils unique, Jimmy. La communauté que nous avions quittée exsangue après l'épidémie de grippe dans les années cinquante ne parvient pas à surmonter sa lente désagrégation, due à l'exode de ses membres mais aussi à la perte de ses traditions culturelles et spirituelles.
C'est un évènement tragique qui va permettre à Celia et à sa famille de reprendre pied en renouant avec leurs traditions et retrouver le chemin de la guérison et de la réconciliation.
C'est avec un grand plaisir que j'ai retrouvé les personnages du Chant du Corbeau : Momma, la gardienne des traditions, Ned son époux, Stacey de retour dans sa communauté comme institutrice après de longues années d'étude à Vancouver, Jacob, son fils, en quête de ses origines et bien d'autres encore, tous tiraillés entre modernité, synonyme de confort mais aussi d'aliénation, et désir d'un retour à une vie plus authentique. A travers ce roman, nous partageons les souffrances des autochtones et découvrons la richesse de leur culture dont ils ont été coupés pendant plusieurs générations. Il est difficile de prédire l'avenir des communautés indigènes mais on ne peut que leur souhaiter de parvenir à concilier modernité et traditions. Une nouvelle voie est possible comme le suggèrent Anna Tsing et Nastassja Martin, deux anthropologues que leurs expériences de terrain ont confronté à la question indigène.
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Le narrateur-témoin de cette histoire est un vison, qui à l'occasion se transforme en oiseau. Il y est d'abord question d'une maison longue* en ruine, abandonnée, abritant de jeunes squelettes en colère. de vieux squelettes y sont aussi présents, pour mitiger cette colère et tenter de repousser la menace du serpent. Ce dernier a deux têtes, respectivement prénommées Constance et Tourment. Il est à la recherche de "quelqu'un à se mettre sous la dent", d'une âme à investir du mal.
Ce préambule vous cueille à froid ? Vous vous sentez déjà perdus ? Eh bien c'est exactement ce que j'ai éprouvé en entamant ce titre noté chez Marie-Claude, dont la dimension fortement symbolique mais surtout absconse m'aurait vite fait jeter l'éponge s'il n'avait pas bénéficié de sa caution. le fait qu'il s'agisse par ailleurs d'une lecture commune était un argument supplémentaire pour persévérer.

Heureusement, le texte devient ensuite plus accessible, plus concret, bien qu'un autre -mais dernier- interlude très métaphorique ait de nouveau failli vaincre mon obstination à un tiers environ de l'ouvrage.

Mais venons-en à la Celia du titre. Celia qui s'intègre tout naturellement dans la dimension surnaturelle qui ouvre le récit, puisqu'elle a un don, celui de voir ce que les autres ne voient pas, d'être perméable aux voix des défunts. Mais ses hallucinations, les scènes du passé qui lui viennent en visions fractionnées l'effraient. Comme coincée à l'intérieur d'elle-même, "enfoncée dans son propre bourbier jusqu'au cou", sa différence l'isole de ses proches et de sa communauté. Elle doit de surcroit affronter le deuil de son fils, qui s'est récemment suicidé.

Un tragique événement va lui permettre de se révéler, de démontrer son utilité au sein de sa famille. Autour du calvaire d'une petite fille, les membres de son clan confrontent leurs doutes et unissent leurs forces pour la sauver. Celia renoue à cette occasion les liens avec sa Moma, qu'une incompréhension mutuelle avait distendus ; elle trouve les mots pour que Stacey, sa soeur aînée, pilier de la famille, s'autorise à vivre selon ses désirs ; elle guide son neveu Jacob, qui a hérité de son don de voyance, sur la voie qui lui permettra de l'apprivoiser…

A travers la famille de Celia, c'est le portrait d'une communauté en plein désarroi, d'un peuple déchiré entre son identité perdue et un monde moderne qui lui est en partie refusé, que dresse Lee Maracle.

On a détruit leur environnement. On les a détournés de leur savoir en leur interdisant de s'en servir. On a mis leur vie dans des musées qu'ils ne visitent pas. Seuls des fragments de leurs connaissances ancestrales ont survécu : la dernière maison longue a été brûlée dans les années 1920, leurs intérieurs ont été vidées des odeurs familières de cèdre et de pin, pour être remplacées par celles de l'homme blanc. le vote a remplacé les discussions et le dialogue. le silence a tué l'espoir et la confiance en soi-même et dans les autres. Après celle de grippe, qui les a décimés dans les années 1950 en laissant les survivants épuisés, surviennent de nouvelles épidémies à combattre : le suicide et la violence.

Des enseignements seraient pourtant à tirer de leur mode de vie en partie disparu, de leur communion avec la nature, de leurs connaissances du langage animal et de l'utilité des plantes, du rôle primordial que tiennent les femmes et les aînées dans cette communauté.

L'acceptation de la dimension surnaturelle du monde est aussi une partie intégrante de ce peuple, et s'accompagne de l'importance du questionnement existentiel qui doit mener chacun sur la voie de ce qu'il est, sur la pertinence de ses choix, sur sa capacité à la résilience. Des armes nécessaires pour relever l'immense défi consistant à concilier modernité et tradition, à se réapproprier les héritages du passé pour se retrouver soi-même sans se laisser détruire par la colère.

"Le chant de Celia" est, vous l'aurez compris, un roman très riche. Bien que déstabilisée par sa première partie à la trame narrative décousue et au propos quasi incompréhensible, je dois dire que j'en garde une empreinte très forte, comme le souvenir d'une rencontre inoubliable et bouleversante.

Bref : envoûtant.

*Une maison longue autochtone est une habitation traditionnelle des peuples des Premières Nations d'Amérique du Nord.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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critiques presse (1)
LActualite
09 septembre 2021
Un hommage à la fois douloureux et lumineux à la force des traditions ancestrales.
Lire la critique sur le site : LActualite
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
À tous ces enfants qui ont été retirés de nos foyers
et qui n'ont pas survécu au pensionnat.
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Videos de Lee Maracle (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lee Maracle
Rodney Saint-Éloi et Yara El-Ghadban vous présentent les livres de l'automne 2021. (En présence d'Elkahna Talbi, Fiorella Boucher et Chloé Savoie-Bernard.)
L'AUTOMNE MÉMOIRE D'ENCRIER: AU COUCHANT DE LA TERRE PROMISE de Jean Sioui https://rb.gy/t4edyb LE CHANT DE CELIA de Lee Maracle (trad. Joanie Demers) https://rb.gy/sbv3lt POMME GRENADE d'Elkahna Talbi https://rb.gy/rbcy3o NOOPIMING de Leanne Betasamosake Simpson (trad. Arianne Des Rochers) https://rb.gy/mhztv4 ANATOMIE DE MA HONTE de Tessa McWatt (trad. Chloé Savoie-Bernard) https://rb.gy/jutwqn LES RACISTES N'ONT JAMAIS VU LA MER de Rodney Saint-Éloi et Yara El-Ghadban https://rb.gy/gcrhko FERDINAND JE SUIS À PARIS de Jean-Claude Charles https://rb.gy/rzqngm L'ABATTOIR C'EST CHEZ NOUS de Fiorella Boucher https://rb.gy/evddzs MAISONS VIDES de Brenda Navarro (trad. Sarah Laberge-Mustad) https://rb.gy/fxck1s
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