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Marie-Lise Marlière (Traducteur)Guillaume Marlière (Traducteur)
EAN : 9782070498444
224 pages
Gallimard (10/01/2001)
3.72/5   16 notes
Résumé :
Avec "Grandeur et décadence d'un parc d'attractions", George Saunders nous offre une plongée effroyable et cocasse dans une Amérique qui, dans un futur proche, s'est définitivement repliée sur elle-même, sur ce qu'elle a de pire. Ruinée par d'innombrables désastres écologiques et économiques, soumise corps et âme aux lois du marché, de la dérégulation, de la flexibilité et du «chacun pour soi», elle est, comme ces parcs d'attractions fantomatiques qui servent de mét... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un recueil de nouvelles très particulier.
Comme souvent, il va d'abord falloir parler de ce format, si difficile à accepter pour nombre d'entre nous, lecteurs francophones.
Pour son tout premier livre, George Saunders fait preuve d'une réelle aisance de novelliste, établissant des univers compliqués en quelques paragraphes.
Formé de sept nouvelles, la dernière étant aussi longue que les six premières réunies (une centaine de pages), il y démontre que l'allongement d'une histoire ne vient pas forcément enrichir son univers, permettant simplement d'y empiler des péripéties supplémentaires ; les nouvelles d'une dizaine de pages y sont d'une remarquable densité narrative.
Un véritable manifeste de l'histoire courte.

Nous sommes dans un futur proche, flou, imaginé comme phase terminale d'une société des loisirs ayant mal tourné.
Les héros de chaque nouvelle ont comme point commun d'être des « losers », souvent garants d'une certaine moralité, au bas de l'échelle car l'ayant conservée.
Le cadre est une variation d'un parc d'attraction mutant, partagé entre kitsch reproductions des temps historiques et trouble virtualité technologique.

Si l'on devait résumer le tout avec une certaine pharmacopée, Saunders serait un John Cheever futuriste, défoncé à la mescaline et aux amphétamines. Une hystérie quasi-psychédélique se dégage de ces histoires, les personnages y étant projetés comme à l'aide de chandelles romaines.

Sorti dans l'ambigüe collection « La Noire » de Gallimard, ce livre n'aidera pas à s'en faire une idée plus précise. Montée à la base comme parallèle sombre à la littérature blanche de la NRF, cette série a rapidement été confondue avec les célèbres « Série Noire », l'éditeur lui-même s'emmêlant les pinceaux à l'occasion de ré-éditons, balançant en « Poche Policier » des titres où enquêtes et forces de l'ordre sont davantage absents qu'humour et second degré dans la littérature jeunesse post-moderne.

L'esprit du livre respire bien l'époque où il a été écrit : les cauchemars d'alors transpiraient d'injonction à la normalité, à la réussite individuelle, à la prototypie des corps et des esprits.
Le décalage est savoureux, quasiment rétro-futuriste : l'imaginaire du futur marquant de manière significative chaque génération.

Une note un peu plus haute était envisageable si la dernière nouvelle avait été plus convaincante. Elle se limite à un petit roman picaresque, explorant un postulat de départ certes intéressant (la société américaine au temps de l'apartheid, divisant « normaux » et « mutants ») mais exploité de manière trop gigotante, rappelant curieusement certaines écrits du britannique Will Self.
Mais cela reste une réussite, certaines histoires marquant au fer rouge le lecteur, hésitant entre crise de fou-rire et profonde consternation, ou toute autre émotion induisant des tremblements.
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Sept nouvelles acérées de la décadence, de celle d'un parc d'attractions vintage à celle d'un pays entier.

Premier recueil publié en 1996 par George Saunders, publié en France en 2001, il comprend sept nouvelles subtilement liées les unes aux autres par une toile de fond et un certain nombre d'indices disséminés.

La longue nouvelle finale "Bountyland" (100 pages) est la seule à spécifier un futur américain relativement proche, dans lequel mutations génétiques incontrôlées, décadence économique prononcée et sur-balkanisation des territoires ont conduit à la fois à une formidable régression sociale et culturelle, et à des destins individuels hachés, brisés, entre profiteurs cyniques et survivants désabusés. L'errance du héros dans ce monde mourant est d'ailleurs au passage infiniment plus poignante et mieux mise en scène que le largement laborieux "La route" de McCarthy...

La nouvelle-titre, "Grandeur et décadence d'un parc d'attractions", qui ouvre le volume, est sans doute celle qui plante le décor avec le plus de brio : dans cette reconstitution de l'époque de la guerre de Sécession, propriétaires et dirigeants indélicats exploitent jusqu'au bout de la nuit des employés qui se raccrochent à leurs dernières bribes de salaire pour survivre au chaos environnant, inventant chaque jour des bricolages désespérés pour maintenir en fonctionnement au moins minimal leurs machineries, techniques et humaines, qui se délitent lentement mais sûrement, et éviter que les limousines blindées des riches visiteurs - ou les cars sécurisés d'un système scolaire et culturel tournant désormais à vide - ne se détournent définitivement de l'endroit, qui serait alors livré à la déréliction finale, et aux gangs de gamins des environs, tagueurs, voleurs, violeurs et assassins à l'occasion... Extraordinaire prétexte pour une succession de bévues hilarantes, de bassesses confondantes et de scènes aberrantes, nimbées d'un humour pince-sans-rire au fond bien glacé...

"- Il a tiré sur Howie. Je veux qu'on le boucle.
- Il a tiré sur le livre de comptes d'Howie, répond Mr A. Il a tiré sur le livre de comptes d'Howie dans l'optique de sauver la vie d'Howie. Quoi qu'il en soit, ne coupons pas les cheveux en quatre. Si Sam est bouclé, nous le sommes aussi. Cela vous semble-t-il une expérience souhaitable ?
- Non.
- J'essaie simplement de vous expliquer que c'est le moment d'assimiler ce que nous savons déjà, et non de poignarder quelqu'un dans le dos. Nous avons compris la leçon, vous et moi. Nous avons grandi. Nous devrions en être reconnaissants, et la gratitude est la réponse appropriée. La gratitude et la certitude de ne jamais commettre une nouvelle fois cette erreur.
Il sort une Bible :
- Jurons sur cette Bible que nous n'embaucherons jamais plus un psychopathe pour une importante mission de sécurité.
Le téléphone sonne alors. Sylvia a croisé les données des admissions et a découvert qu'il ne s'agissait pas d'un gang mais d'un groupe d'ornithologues amateurs qui ont eu le malheur d'être des adolescents de sexe masculin et de s'éloigner un peu trop du sentier balisé.
- Aïe, s'étrangle Mr A. Ça peut devenir un paramètre sérieusement négatif."

Les cinq nouvelles étagées entre cette introduction tonitruante et le périple picaresque final renforcent chacune tel ou tel point de cette décrépitude grimaçante, dans laquelle l'humour absurde et abject du capitalisme "sur-tardif" se déploie dans toute sa splendeur... par un auteur qui déclare volontiers que s'il ne parvient pas à vous faire "rire et pleurer à la fois", il n'a pas tout à fait atteint son objectif...
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Au fil de ces sept nouvelles de George Saunders, on découvre une Amérique en ruines, plongée dans la misère, la faim et la violence, ravagée par un désastre économique et écologique. On y croise des entrepreneurs minables au bout du rouleau, des êtres humains ayant muté à cause des polluants et produits toxiques qui ont tout envahi, et qui, boucs émissaires du chaos ambiant, sont exploités ou mis en esclavage par les « Normaux », et enfin des antihéros faibles ou lâches mais qui ont gardé un fond de candeur et de courage.

Ainsi, dans «Le PDG de 200 kilos», le narrateur est employé par une société dirigée par Tim, ancien meurtrier sadique et caractériel, qui prétend capturer et relâcher dans une nature idyllique les ratons laveurs qui envahissent les poubelles des classes moyennes, et qui en fait pratique le génocide desdits ratons laveurs. le narrateur obèse est le souffre douleur de ses collègues. Ils multiplient les humiliations à son encontre, le traitant par exemple de puceau en phase terminale ; lui fantasme sur Freeda, une de ses collègues que visiblement il répugne. Après une ultime humiliation et devant une violence insoutenable, il va finalement se rebeller contre Tim. Mais, dans le monde sans espoir (mais non sans humour) de George Saunders, cela ne suffira pas à faire de lui un gagnant.

« Maintenant, je suis cerné par des tarés. Et moi aussi, je ne suis pas net. Je vais jusqu'à dire aux ratons laveurs de se comporter en hommes. Chaque fois que je parle à un inconnu, il a droit à un discours long et chiant sur mon poids. Je reluque les vendeuses. Je fais demi-tour pour ramasser des pièces dans le caniveau. Quand je suis seul, je farfouille dans mes oreilles et examine ce qui en sort.
Je suis énorme.
Je suis terrifié par l'amertume qui me guette. »

Cette société qui a totalement perdu les pédales tente de maintenir des apparences avec des attitudes normées, des sectes ou des organisations institutionnalisées aux buts et aux noms absurdes, telles que la Respiration Spéciale Apaisement de la Haine, l'Église de la Juste Humilité et son Conseil National des Culpabilisateurs, ou encore le Centre des Nonnes Inconstantes.

Au-delà de l'humour dévastateur de George Saunders, ce qui fait mouche est que ce futur en décomposition, qui tourne en dérision le rêve américain, n'est pas si éloigné de la médiocrité de la société occidentale actuelle, avec ses bonnes intentions, ses valeurs morales et ses institutions placebos qui masquent mal le manque de vision pour échapper au pire.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Au flanc de la montagne, à mi-pente, se dresse le Centre des Nonnes Inconstantes, réservé aux sœurs et autres religieuses au comportement suspect. Un jour, certaines d'entre elles sont descendues vêtues de leurs costumes austères pour visiter nos Installations et nager prudemment. Leurs chants étaient loin d'être enthousiasmants. Sûrement à cause de tous leurs doutes.
(Monsieur Culpabilité)
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J'ai le sentiment que Dieu n'est pas juste et préfère châtier les faibles, les idiots, les gros, les paresseux. Je crois qu'il se complaît dans la compagnie de ses créatures parfaites et qu'il les chérit comme un père gâteux alors qu'elle ne s'intéresse guère au commun des mortels. Il nous donne le besoin d'être aimé et, en même temps, des particularités qui font de nous des êtres haïssables. Il donne l'envie d'aimer et nous refuse la possibilité de la satisfaire. Alors même qu'il a mis ses enfants imparfaits et remplis de désirs dans un univers d'exigences impérieuses, il prélève la différence entre ce que nous avons et ce que nous désirons sur notre cœur, notre amour-propre, notre santé mentale.
(Le PDG de 200 kilos)
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Spiderhead | Chris Hemsworth | Bande-annonce officielle VF | Netflix France
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