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EAN : 9782330179946
192 pages
Actes Sud (03/05/2023)
3.85/5   20 notes
Résumé :
Je posai ma cigarette sur le parapet du pont et m’approchai de l’arbre. Je cueillis un fruit et je le portai à ma bouche, méfiant, comme c’est souvent le cas quand on mange un fruit poussant spontanément dans la nature. Je ne peux pas dire que sa saveur un peu âcre me plut. Il fallut que j’en mange un autre, puis encore un autre avant de comprendre : le goût du fruit du myrobolan était celui qu’ont les choses libres et sauvages, un goût austère mais doux, réconforta... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
À l'entrée du village où vit Marco Martella pousse un myrobolan qu'il n'avait jamais trop remarqué avant qu'un cantonnier avisé ne lui en signale la beauté... ("Le goût du sauvage", p. 15 à 29). Quand voisins et interlocuteurs entendant son accent italien lui demandent pourquoi il a "échoué au fin fond" de la Brie Marco Martella répond simplement - "Le village était silencieux et le silence était tout ce dont j'avais besoin pour écrire et faire mon jardin". À cette question qui lui est posée, d'autres viennent en écho ou à coté de réflexions plus mélancoliques au gré des dix réjouissants petits chapitres de son dernier livre. Style narratif et dialogues vont bien à ses déambulations très habitées où Martella nouvel humaniste cultive un certain art de la conversation au cours de ses rencontres. Celui de la méditation aussi, dans les jardins qui "s'éloignent" et "s'effacent" à l'ombre d'âmes errantes illustres ou modestes qui peuplent les villages ("Frères fantômes", p. 31 à 42 ; "Le pavillon hanté" p. 115 à 131), les vergers désertés, les parcs et bosquets oubliés de l'immensité céréalière ("Traces", p. 101 à 112).

- "Où irais-je si je pouvais aller ? - Que serais je si je pouvais être ?" (Textes pour rien, Beckett) déclame un brin pompeux l'auteur d'un hypothétique essai sur Robert Walser que Martella nous présente comme son ancien professeur de littérature (lui-même "échoué dans la Brie"), avec lequel il marche devisant en direction de la maison de l'écrivain à Ussy. - "Savez vous pourquoi il a échoué ici ?" Interroge Martella à son tour...(douce ironie). Murmures de livres à travers la campagne briarde par-dessus le bruit du monde. - "Je sais que dans le monde qui vient de naître, ce monde technologique, virtuel et tellement bavard qui n'est pas celui dont on rêvait, la littérature ne sert plus à rien. Si l'homme qu'elle présupposait et auquel elle s'adressait n'est plus, elle n'a plus de raison d'être", dit encore l'ex-professeur en retraite ("Dernières pommes", p. 45 à 64).

Dans le sillage de cette inquiétante perspective une autre, à l'égard du règne végétal auquel Martella prête extrême attention et qu'il partage avec son ami Pascal facteur-jardinier : "La vue des chênes et des charmes morts sur pied l'avait accablé. Sans parler de l'écorce craquelée de certains frênes, certainement pas bon signe. Il était entré dans mon jardin parce qu'il avait besoin, je crois, de partager avec quelqu'un le poids qui pesait sur son coeur et parce qu'il avait nulle part où aller. - "Aujourd'hui non plus, pas de pluie..." dit il" (p. 181). d
De son propre jardin Martella dit peu. Sauf qu'il entretient une prairie fleurie. Est-ce suffisant pour dire que l'esprit de son livre pourrait s'en ressentir ? le geste du jardinier rattrape-t-il le geste de l'écrivain à moins que ça ne soit l'inverse ? Avec Martella tout est possible ! 

Littérature et jardins ensemble et partout ici qui font s'épanouir d'invisibles affinités méditatives et poétiques. En compagnie de quelques figures réelles ou fictives, solitudes vivifiantes de son environnement villageois, ou plus lointaines. Dans le jardin de Suzanne dont le dénuement hivernal signe de sa splendeut secrète l'écriture de sa vie ("Les fruits étranges de la consolation", p. 67 à 79) ; ou chez Ludovic dans le calme d'une soirée d'été près d'un massif de carottes sauvages de son "jardin de rien du tout" un verre à la main (p. 143), le "penseur de province" avouant qu'il a plus appris en voyant "la grande sagesse à l'oeuvre chez les vieux arbres mourants" du parc de Montaigne en Perigord que durant sa vie entière passée à étudier Les Essais ("Un jardin imparfait", p. 135 à 147). Silence et solitude encore et toujours, dans le jardin défait de Violet Trefusy où l'auteur à l'illusion de vivre, sous "les signes de la décadence", la jeunesse éternelle d'un temps sans âge venu de "l'ombre d'un tilleul ou du pied d'un socle vide" (p. 88). le temps de la consolation cher à Proust ("À Saint-Loup", p. 83 à 98). 

Lors d'un retour dans la ville Éternelle, d'où il vient, raconté à l'autre bout du livre c'est un autre "exilé", Ibrahim, éloigné de sa Cappadoce natale qui lui fait penser alors qu'ils déambulent dans le parc des Aqueducs en évoquant la poésie de Pasolini : "Vue depuis là-bas, ma taciturne campagne du Nord devient attrayante et au bout de quelques jours j'ai envie d'y retourner. Car c'est dans ce pays qui n'est pas le mien que je peux retrouver ma vraie Rome, celle dont je rêve, la Rome parfaite qui console de tout car elle n'existe pas vraiment" ("Seuls avec leur ombre", p. 152). Tout est dit. Martella va-il continuer à planter ? Oui, et à rêver, et à écrire sous les cieux briards en oubliant les amandiers, un jeune myrobolan sauvage s'étant frayé un passage près du portail de son jardin.



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Un livre charmant et poétique.
Chaque chapitre est une rencontre avec des voisins, un gardien de musée, un passionné de Beckett,... que les jardins rapprochent.
Il est questions de ballades champêtres, de fruits, d'arbres, de fleurs et de campagne.
La plume est élégante et posée.
Une promenade hors du temps et qui fait du bien.
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J'avais offert ce livre à un jardinier qui aime les livres, il me l'a prêté à son tour : j'avais bien choisi.
« le goût du fruit du myrobolan était celui qu'ont les choses libres et sauvages, un goût austère mais doux, réconfortant même et étrangement familier. »
180 pages sensibles partagées en 10 chapitres délicats offrent des mots « simples » comme on dit de certaines plantes, « les simples », depuis un titre qui évoque un prunier prometteur d'une magnificence réservée aux poètes, aux patients, à ceux qui connaissent aussi « les fruits de la consolation. »
« Où, dans quels bienheureux jardins constamment arrosés,
Sur quels arbres, aux calices de quelles fleurs tendrement défleuries,
Mûrissent-ils, les fruits étranges de la consolation ? »
Rainer Maria Rilke
Rien de tapageur, mais une attention à la nature Briarde :
«Un monde qu'on ne fait que traverser en étranger et dans lequel cependant la splendeur, à l'état de restes ou de fragments clairsemés, surgit de temps à autre».
Souvent proches des livres ses personnages sont vus avec amabilité : un professeur qui aurait connu ¬Samuel Beckett, un autre Pasolini, une vieille dame qui a toujours rêvé d'être écrivaine, des doux originaux mystérieux et discrets, le cantonnier ou le facteur…
« Les volets étaient fermés mais la glycine grimpant sur les murs et les rosiers, par delà les barreaux du portail, commençaient à fleurir. « On dirait que Suzanne est toujours là » dit mon voisin. »
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Mélancoliques déambulations au coeur de la Brie, où l'auteur écrit et cultive son jardin, mais aussi où il se promène avec un regard qui donne envie de le suivre. Pruniers sauvages aux fruits âpres, vergers abandonnés, villages où la vie semble à la fois dormir et résister; c'est méditatif, plaisant, très élégant dans le style. Il y a beaucoup de poésie dans ces courtes nouvelles, mais une poésie discrète, un peu comme une violette dans un sous-bois.
Cela donne envie de chausser des bottes un jour de pluie et de couper à travers champs, de s'enfoncer dans la campagne pour voir ce qu'on y trouvera, débarrassé de la voiture où tout va trop vite. Cela donne aussi envie de découvrir le reste des oeuvres de cette si jolie plume.
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C'est avec douceur et poésie que Marco Martella replonge dans ces instants suspendus, ou la nature est en éveil, où elle nous entoure et nous délivre ses trésors pour peu que l'on y prête attention. Une contemplation rafraîchissante comme la brise, où l'on croise ces livres fantômes qui n'auront jamais vu le jour, ces chez d'oeuvres qui resteront à jamais dans les limbes, qui ne finiront pas sur une étagère, mais au fond des esprits qui les auront créés, sans point final. On y croise également Marcel Proust, Vita Sackville West tout comme le postier du village amoureux des jardins et bien d'autres inconnus.

Un voyage entre la France et l'Italie, mais où la beauté de la nature résonne avant tout, les histoires qu'elle nous raconte, l'éveil de la curiosité intellectuelle et les aventures philosophiques qu'elle contient, celles cachées dans les objets du passé, et bien sûr les fruits du myrobolan...

Un livre d'une grande beauté, une pause contemplative bienvenue.
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critiques presse (1)
LeMonde
19 juin 2023
D’une écriture splendide, attentive aux détails de l’humain comme de la botanique, mais sans aucune cuistrerie, Les Fruits du myrobolan offre ainsi à découvrir un espace dont il importe peu, en définitive, de savoir s’il s’accorde à la vérité des lieux : c’est d’abord un ­espace de rêve et de mots, et l’écrivain se montre d’autant plus fidèle à son « petit monde » qu’il en réinvente la représentation à travers la littérature.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Je n'avais marché que deux ou trois minutes sous les frondaisons des chênes et des charmes, et je me retrouvai transporté dans un monde rempli d'ombre où tout me semblait proche, à la fois familier et inconnu. Autour de moi, les grands arbres ; au-dessus, une canopée encore peu épaisse en ce début de printemps, où les feuilles commençaient à peine à sortir sur les branches. Quant au sentier, il n’était plus qu’un simple tracé auquel une fine couche de feuilles mortes, celles de l’automne précédent, pas encore tout à fait décomposées, donnait une couleur indéchiffrable entre argent et rouille. Le sous-bois, de part et d’autre du tracé, était recouvert d’un tapis d’anémones. Je savais que leur présence témoignait de l’ancienneté de la forêt, car les anémones ne poussent que dans les sols où les feuilles et le bois morts forment peu à peu, en se décomposant, une terre humifère et profonde. Etais-je dans une relique de la grande forêt qui sans doute couvrait la région autrefois ? Probablement pas, me dis-je, mais j’aimais bien l’idée. Quelques-uns des chênes étaient visiblement très âgés, il y avait des frênes aux troncs majestueux, des arbres morts couchés et entièrement recouverts de mousse qui donnaient au lieu un faux air de forêt primaire, mais j’étais incapable de déterminer, même approximativement, l’âge de ce bois. Une traînée de poudre presque dorée, dont je crus sentir l’odeur âcre et qui n’était probablement que le pollen des noisetiers traversait l’air transparent de branche en branche.
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Où, dans quels bienheureux jardins constamment arrosés,
Sur quels arbres, aux calices de quelles fleurs tendrement défleuries,
Mûrissent-ils, les fruits étranges de la consolation ?

Rainer Maria Rilke
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Nous avons continué à marcher jusqu'au moment où nous sommes arrivés au pré au bout du jardin, plus noir que vert à cause des corneilles, qui picoraient dans l'herbe. Elles continuaient à arriver, se posant sans bruit sur la pelouse. Ah, les corneilles, la vue la plus mélancolique que cette campagne offre en hiver! pensais-je tristement, mais ma tristesse venait aussi de l'idée des innombrables vies dont l'histoire n'est lue par personne et de tous les livres qui n'ont jamais été écrits- les livres fantômes, qui peut-être comptent plus que les livres publiés, ceux qui vivent au grand jour, y compris les chefs-d'œuvre de la littérature.
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C'est comme ça la vie, me dit Violet, une imposture à laquelle on fait tous semblant de croire et qui n'offre que de rares instants de sincérité. Pourquoi la littérature serait -elle différente?
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Videos de Marco Martella (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marco Martella
« […] Jour après jour, Saba - de son vrai nom Umberto Poli (1883-1957) - compose le “livre d'heures“ d'un poète en situation de frontière, il scrute cette âme et ce coeurs singuliers qui, par leur tendresse autant que leur perversité, par la profondeur de leur angoisse, estiment pouvoir parler une langue exemplaire. […] […] Au secret du coeur, dans une nuit pétrie d'angoisse mais consolée par la valeur que le poète attribue à son tourment, cette poésie est une étreinte : à fleur de peau, de voix, une fois encore sentir la présence de l'autre, porteur d'une joie qu'on n'espérait plus. […] Jamais Saba n'avait été aussi proche de son modèle de toujours, Leopardi (1798-1837) ; jamais poèmes n'avaient avoué semblable dette à l'égard de l'Infini. le Triestin rejoint l'auteur des Canti dans une sorte d'intime immensité. […] […] Comme le souligne Elsa Morante (1912-1985), Saba est plutôt l'un des rares poètes qui, au prix d'une tension infinie, ait élevé la complexité du destin moderne à hauteur d'un chant limpide. Mais limpidité n'est pas édulcoration, et permet au lecteur de percevoir deux immensités : le dédale poétique, l'infinie compassion. » (Bernard Simeone, L'étreinte.)
« […] La première édition du Canzoniere, qui regroupe tous ses poèmes, est fort mal accueillie par la critique en 1921. […] Le Canzoniere est un des premiers livres que publie Einaudi après la guerre […] L'important prix Vareggio de poésie, obtenu en 1946, la haute reconnaissance du prix Etna-Taormina ou du prix de l'Accademia dei Lincei, ne peuvent toutefois tirer le poète d'une profonde solitude, à la fois voulue et subie : il songe au suicide, s'adonne à la drogue. En 1953, il commence la rédaction d'Ernesto, son unique roman, qui ne paraîtra, inachevé, qu'en 1975. […] »
0:00 - Titre 0:06 - Trieste 1:29 - le faubourg 5:27 - Lieu cher 5:57 - Une nuit 6:32 - Variations sur la rose 7:15 - Épigraphe 7:30 - Générique
Contenu suggéré : Giacomo Leopardi : https://youtu.be/osdD2h8C0uw Marco Martella : https://youtu.be/R9PPjIgdF2c Iginio Ugo Tarchetti : https://youtu.be/hnV93QZ6O1s Guido Ceronetti : https://youtu.be/mW1avxXaSKI Alberto Moravia : https://youtu.be/MgIVofYEad4 Pier Paolo Pasolini : https://youtu.be/-sWZYlXVZ-U Cesare Pavese : https://youtu.be/uapKHptadiw Dino Buzzati : https://youtu.be/ApugRpPDpeQ Sibilla Aleramo : https://youtu.be/Y24Vb0zEg7I Julius Evola : https://youtu.be/coQoIwvu7Pw Giovanni Papini : https://youtu.be/tvirKnRd7zU Alessandro Baricco : https://youtu.be/¤££¤74Giuseppe Ungaretti64¤££¤80 Giuseppe Ungaretti : https://youtu.be/_k1bTPRkZrk LES FILS DE LA LOUVE : https://youtu.be/ar3uUF-iuK0 INTRODUCTION À LA POÉSIE : https://www.youtube.com/playlist?list=PLQQhGn9_3w8rtiqkMjM0D1L-33¤££¤76LES FILS DE LA LOUVE77¤££¤ AUTEURS DU MONDE (P-T) : https://www.youtube.com/playlist?list=PLQQhGn9_3w8pPO4gzs6¤££¤39LES FILS DE LA LOUVE75¤££¤8 PÈLERINS DANS LA NUIT SOMBRE : https://youtu.be/yfv8JJcgOVM
Référence bibliographique : Umberto Saba, du Canzoniere, choix traduit par Philippe et Bernard Simeone, Paris, Orphée/La Différence, 1992.
Image d'illustration : https://itinerari.comune.trieste.it/en/the-trieste-of-umberto-saba/
Bande sonore originale : Maarten Schellekens - Hesitation Hesitation by Maarten Schellekens is licensed under a Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 4.0 International License.
Site : https://freemusicarchive.org/music/maarten-schellekens/soft-piano-and-guitar/hesitation/
#UmbertoSaba #Canzoniere #PoésieItalienne
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