A ceux qui n'ont pas encore lu ce livre (tout comme moi il y a quelques jours) : vous avez une chance folle !
Voici les carnets de notes (non destinés à être publiés, mais avec un style déjà accompli) de
Raymond Maufrais.
Il est un jeune homme de 23 ans, obsédé par l'Aventure après une courte vie déjà bien remplie (un passé de résistant, des excursions délicates au Mato-Grosso brésilien). Il n'a désormais plus qu'un but : rejoindre Belem au Brésil en partant de la jungle guyanaise et en passant par les redoutables et inconnus monts Tumuc-Humac.
Tout le monde lui conseille de renoncer à cet itinéraire, mais
Raymond Maufrais reste inflexible ("l'échec est humain mais il ne m'est pas permis d'échouer").
Il part le 26 septembre 1949 de Cayenne, avec son chien Boby. Il entame vraiment son expédition le 6 octobre, avec des guides d'abord, franchissant avec de multiples difficultés, les différentes rivières qui le conduisent de rapides en rapides, jusqu'au Saut Verdun.
A partir de là, il poursuit à pieds son voyage. Seul avec Boby, dans l'Amazonie impénétrable.
Ses notes s'arrêtent le vendredi 13 janvier 1950. Un indien de passage par hasard, les découvrira au bord du fleuve Tamouri en mars de la même année.
On ne retrouvera jamais le jeune explorateur.
La présente édition livre ces notes sans fard.
On y voit l'incroyable passion de l'aventure qui tenaille cet homme d'une sincérité déconcertante. Il ne nous cache rien de ses exaltations ou de ses découragements, de sa lucidité aussi au fur et à mesure que l'impréparation de son projet lui apparait.
Au coeur de cet enfer vert, où chaque pas coûte,
Raymond Maufrais va faire preuve d'un courage ou d'une inconscience qui forcent le respect. Sans jamais se plaindre, même quand tout l'accable, il va vivre son rêve jusqu'au bout. Pour lui, "l'aventure, sans souffrance morale de temps à autre, ne serait plus la belle aventure". Et il va aller jusqu'au bout de lui-même, exténué, affamé, meurtri...mais ne souffrant véritablement qu'à la pensée de ses parents qui doivent s'inquiéter.
C'est passionnant en dépit de quelques descriptions parfois un peu longues (car nous aussi on attend impatiemment que la vraie aventure démarre) de la vie des orpailleurs. C'est aussi et surtout, bouleversant et certains passages vont vous arracher le coeur. (le 3 janvier notamment)
Cette aventure a une sorte de suite, tout aussi tragique. En effet,
Edgar Maufrais, le père de Raymond, va sillonner ces territoires perdus sur des milliers de km pendant 12 ans, montant, parfois au péril de sa vie, 18 expéditions, tentant désespérément et vainement de retrouver son fils.