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EAN : 9782864327806
88 pages
Verdier (08/01/2015)
4.35/5   10 notes
Résumé :
Une femme marche seule, de frontière à frontière, de Boulogne-sur-Mer à la Belgique, du nord de la France au Jura, des Ardennes à la Suisse ; puis plein ouest, vers une fin de terre, au-delà de Saint-Jacques-de-Compostelle. Elle s'enfonce dans le paysage et s'y confond, se fait brume et pluie, terre, humus, boue. Les nuits dans les forêts dictent ses jours. La marche peuple sa solitude de la compagnie des bêtes, de conversations entendues dans les cafés ou d'échange... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Chargée de son sac volumineux, la narratrice, est en chemin, marchant vers et le long des frontières. Femme rejetée, elle s'est repliée aux marges, au Nord et à l'Est du pays, et finalement en Espagne, pour se perdre dans le chemin, la forêt et la boue, pour exténuer le chagrin et la solitude.

Les images et les mots se succèdent, paroles et scènes saisies à la volée, qui ébauchent un portrait sombre de l'humanité ; villages désertés, traces de la guerre et monuments aux morts dans l'ombre de la lecture de Claude Simon, misère sociale et précarité là où il n'y a plus de travail, croix gammées sous un pont, relief des églises et des écluses qui viennent ponctuer le paysage plat, instantanés de pornographie, et les gestes touchants des donneurs d'eau.

«Dans le café PMU, la télé, réglée sur une chaîne de courses hippiques, tonitrue. Un fard épais alourdit les paupières de la patronne. À nouveau, des femmes-poules, grasses, poings sur les hanches, te regardent passer.»

En contrepoint la narratrice épouse le paysage pour se fondre en lui, devenant un animal migrateur qui se terre la nuit dans un creux, au coeur d'une nature dégoulinante de pluie mais vivante, dans les scintillements nocturnes de la forêt, en compagnie des lièvres virevoltant au crépuscule et des insectes qui crissent, dans la terre grasse et les pierres du chemin.

«Nuit parmi les plumes et la paille, journées dans les averses, le vent, le ciel bas. Pays vert, aux champs rebondis, qui donne l'impression d'être dans la matière nuageuse, sans horizon. Tu avances dans le vert et la brume.
Tu veux photographier le sol comme une stèle, tu veux que cette terre sur laquelle ton regard tombe soit vue comme un paysage qui serait vertical, une peau à laquelle on ferait face, aux mille pores, scories, traces, scarifications. Tu veux qu'on perde l'échelle du paysage.»

La plume de Colette Mazabrard évoque un large pinceau étalant la matière, gonflé par le tumulte du vent et de la colère, alourdi par la glaise et la volonté d'épuisement du chagrin.

Un premier roman paradoxalement superbe, où la boue des chemins est transmuée en poésie (éditions Verdier, 2015).

Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/03/27/note-de-lecture-monologues-de-la-boue-colette-mazabrard/
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De Boulogne-sur-Mer à la Belgique, du nord de la France au Jura puis des Ardennes à la Suisse, la narratrice marche. Les pas dans les forêts ou dans les bois, les nuits sous sa tente "Toi tu pars, toi tu pars dormir dans les bois; tu ne sais pas où tu dormiras. Tu seras laissée aux lisières des chemins. Lisières aux moustiques. Aux insectes qui crissent. A l'empire des nocturnes à l'empire des insectes . Laissée à l'humidité qui s'installe et te rend frileuse, fragile. Laissée à la tente qu'il faut, calmement, de façon méthodique, installer", des villages traversés et des personnes rencontrées. Autant de vignettes, de portraits, d'observations qu'elle nous livre.

Elle recherche la nature, les animaux et quand elle s'éloigne sur des routes, elle ne tarde jamais à rejoindre là où elle se sent le mieux. Une cartographie portée par ses pas qui la ramènent toujours au plus proche de la nature comme pour s'y fondre. le bruit des animaux qui deviennent visibles et sa présence acceptée. Il y a la solitude, le chagrin qu'elle porte. Et la fatigue pour tenter de les oublier. Des villages presque déserts, les monuments aux morts ou les plaques qui jalonnent son parcours et leurs chapelets de noms. Des regards méprisants ou des âmes pleines de gentillesses pour lui remplir sa gourde d'eau, rencontres fortuites et hasardeuses. Ceux qui se confient, parlent du travail qui manque. Les bribes de conversations entendues dans des cafés quand elle s'arrête savourer un café. Des paroles qui font mal aux blagues douteuses. Et il y a ces autres lieux qui rappellent un auteur, un écrivain. A plusieurs reprises, la narratrice évoque à juste titre Thoreau.

Marcher pour s'oublier, pour avoir une page blanche devant soi. Il faut lire ce texte lentement pour s'imprégner de cette écriture qui mêle poésie et réflexions. La simplicité accompagne ce texte d'une beauté naturelle. Colette Mazabrard nous transmet une forme d'humilité et on ne peut que la remercier...
Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Trois été successifs, la narratrice marche. D'abord du Nord à l'Est de la France, puis jusqu'à la Suisse et le dernier été sur le chemin de Compostelle et au delà. La marcheuse a besoin de se réapproprier un territoire, des sensations, des éléments, la forêt, la pluie, à l'écoute d'une vie végétale et animale bruissante. le dernier paragraphe évoque aussi discrètement un chagrin inépuisable qui ne s'éteint pas.

J'ai été happée par ce récit qui a un côté hypnotique avec ses phrases comme jetées sur le papier, des fragments de journée, le froid, la solitude, les rencontres parfois rares, quelquefois déplaisantes mais qui sont suivies par le meilleur selon "une petite théorie de l'éternelle réversibilité". On s'étonne de la voir seule "Vous êtes courageuse !"

Les nuits se passent souvent dans les granges, ou en forêt sous la toile de tente, en prise directe avec la terre, la narratrice se fond dans le paysage, prend beaucoup de photos, évoque les écrivains qui ont vécu dans les régions traversées "Ecluse de Palluel : une pensée pour Montaigne".

Lien : http://legoutdeslivres.canal..
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critiques presse (1)
Telerama
25 février 2015
Pour son premier texte, Colette Mazabrard manifeste bien du talent. Même si on a l'impression d'avoir lu, déjà, bien des expériences de ce genre et des aventures spirituelles de ce type. On attend avec curiosité la prochaine exploration de la marcheuse au pied pas si léger et aux semelles de terre...
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
"Elle imaginait une expérience de la liberté. De ton côté, tu ne parles pas de liberté. Tu vis une sorte de négociation permanente, une négociation entre ta fatigue, l'envie de regarder, la nécessité d'avancer pour trouver un endroit plus confortable pour marcher ou pour passer la nuit. Une négociation permanente entre le paysage ouvert devant toi, ce qu'il te propose comme coin pour lire ou te laver, comme endroit d'où regarder ou rêver, et ce que la carte, l'heure ou les nuages promettent".
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Heure entre chien et loup, l'heure où on pèse sa vie, l'évalue. Heure donnée aux chemins, aux cailloux, au heurt des souliers. Qu'est ce qui justifie sa vie, qu'est-ce qui lui donne une forme plus sensée qu'une autre, qu'est-ce qui fait qu'on ne la gaspille pas? Qu'as-tu donné?
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Tu marches. Ton regard tire sur l'horizon, la route. Le goudron est dur sous les semelles. Sur le paysage, ton esprit constamment déploie une carte qu'il cherche à faire coïncider avec les replis, les forêts. Des enfants ronds rose clair te disent bonjour. La prose dérisoire des devises des bataillons britanniques gravées sur les tombes.
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La souffrance des innocents, que rien ne justifie. Choisir la justesse, choisir, même en pleine conscience de l'échec, conscience qu'on ne sauvera rien, choisir de ne pas collaborer à la violence, de ne pas céder à l'explosion égoïste.
Travailler, oui, mais travailler à affirmer la beauté, la lumière, en dépit de, malgré.
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