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EAN : 9782841116928
80 pages
Editions Nil (03/10/2013)
3.71/5   7 notes
Résumé :
Il y a quinze ans que Gérard J. attendait ce courrier. Quinze ans, et enfin la sixième version du manuscrit auquel il aura consacré tous ses efforts lui vaut un billet manuscrit de Philippe Sollers. Après les lettres types d'une politesse glacée, après les rapports de lecture aussi malhonnêtes qu'impitoyables, le plus illustre éditeur de Paris a donc consenti à répondre lui-même à cet éternel candidat à la « Blanche ». Il était temps : la négligence d'un seul homme ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Tyrannicide est pour son auteur Gérard Joyau le livre d'une vie. Pensez donc, une éducation sentimentale de 934 pages dans une prose d'un « classicisme baroque » qui raconte « les déboires d'un provincial aux prises avec une mère mutique et autoritaire (qui le maltraite depuis son enfance), et amouraché d'une charcutière nymphomane (sa maîtresse) », ce n'est pas rien. Sauf que la sixième mouture du manuscrit vient d'être à nouveau refusée par les éditions Gallimard. Un refus accompagné pour la première fois d'un petit mot de Philippe Sollers himself. Pour Gérard c'en est trop, la coupe est pleine et la réponse va être cinglante. Dans une longue lettre à l'attention du « mandarin égocentrique des lettres françaises », il va défendre son texte avec un aplomb à toute épreuve. Avec véhémence, conviction, et sans peur du ridicule…

Gérard Joyau est persuadé d'être un écrivain, un vrai, « contraint de mendier auprès de l'éducation nationale un poste, non pas déshonorant, mais très au-dessous de [sa] juste valeur » à cause de la « malveillance des éditions Gallimard » qui refusent de reconnaître son talent. C'est également un lecteur passionné du magazine Détective, de Mauriac, De Montherlant et de bien d'autres, qui n'hésite pas à retirer à coups de ciseaux les pages superflues ou ratées des livres qu'il dévore : « Ma pléiade Céline ne compte que trente-huit pages, celle de Gide un peu moins de deux cents ». Surtout, c'est un vieux garçon à l'oedipe mal géré, s'accrochant désespérément à un seul et unique rêve : être publié dans « La blanche ».

C'est une évidence, elle est pathétique sa lettre. Plus il avance dans l'analyse minutieuse de son « oeuvre » et plus il s'enfonce. C'est bien connu, les écrivaillons persuadés d'être des génies sont légions. Et ils sont prêts, coûte que coûte, à défendre leur prose, même si on leur démontre par A + B qu'elle ne vaut pas tripette. Tout cela aurait pu être plombant et grossier mais au final l'exercice proposé par Giulio Minghini se révèle éminemment littéraire. Pas de moquerie vacharde, tout est présenté avec beaucoup de finesse et d'humour, même si le pauvre Gérard n'en ressort pas grandi, loin s'en faut. Et puis certaines piques attaquent bille en tête, et avec justesse, le monde de l'édition : « Gallimard, cette maison d'édition qui, par ses jeux diplomatiques grossiers et mafieux arrive un an sur deux à obtenir avec l'un de ses auteurs le prix Goncourt. Comme c'est bizarre, n'est-ce pas ? », tandis que d'autres sont d'une lucidité touchante : « Juste une curiosité, au passage ; combien avez-vous tué d'écrivains dans l'oeuf littéraire […] mis à mort par la hache de votre indifférence… Combien ? Savez-vous combien vous en avez broyés, effacés, rayés de leur propre vie ? »

Voila donc un petit texte brillant à l'écriture très travaillée. Et cette lettre n'épargnant au final ni l'expéditeur ni le destinataire m'a fait passer un moment de lecture délicieusement jubilatoire.
Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Avant toute chose, je tiens à remercier Babelio et les éditions du Nil.
« Tyrannicide » fait partie de la collection des « affranchis » qui demande à ses auteurs d'écrire la lettre qu'ils n'ont jamais écrite, comme indiqué en page de garde. Il s'agit donc d'un texte épistolaire. le livre en lui-même a une couverture très sobre, est plus étroit qu'un livre de poche ordinaire et, dans le cas ici présent, peu épais.
Giulio Minghini nous présente ici Gérard Joyau, un écrivain provincial au destin brisé par le manque de sérieux et d'ouverture d'esprit de Gallimard et de la collection « Infini », dirigée par Philippe Sollers, qu'il considère comme la seule apte à pouvoir publier son roman, « Tyrannicide », justement.
Le style en lui-même est plutôt classique, avec une aisance qui permet une lecture fluide et facile. Un peu plus d'une heure a suffi pour que je vienne à bout de l'ouvrage, et encore, en prenant mon temps. Cependant, nous sommes loin de toute neutralité. Les récriminations véhémentes, argumentées selon une rhétorique classique alternent avec un humour décalé et grinçant qui, finalement, rend le personnage de Gérard bien peu crédible dans ses revendications d'écrivain, même si hélas, dans le fond, il a parfois raison. Nous sommes dans l'exagération et le grandiloquent à chaque fois qu'il s'agit du manuscrit et cela s'entrechoque avec les questions sèches et les attaques, parfois pleines de rancoeur, sur le comportement de ce représentant du cercle littéraire parisien qu'est devenu symboliquement Sollers aux yeux de ce provincial aigri.
Le personnage de Gérard se dessine en contrepoint de ses arguments : entêté, imbu de lui-même, aveugle mais cependant cultivé et avant tout pathétique. Ce n'est pas moins de six versions du même roman toujours réécrit, modifié, retravaillé jusqu'à en devenir une expression de la rage intime de son auteur, que Joyau envoie à Gallimard dans l'espoir d'être enfin publié en l'espace de quinze ans. Il refuse de proposer son roman ailleurs et insiste, va jusqu'à ruser pour prouver le total manque de sérieux du comité de lecture : comment son oeuvre peut-elle être appréciée à sa juste valeur si elle n'est même pas lue ? Et Gérard, triomphant, d'assurer en avoir la preuve ! J'avoue que j'ai souri devant son petit stratagème. Il exige des explications à Sollers et veut le rapport de l'un des membres du comité de lecture, rapport qu'il s'empressera de réfuter point par point avec des arguments tout aussi bancals que ceux du rapport, en passant… Mais qui pose une question essentielle qui a fait et fera encore couler beaucoup d'encre en littérature : comment peut-on juger objectivement d'une oeuvre littéraire alors qu'elle est subjective par nature ? Quelle est la norme ? La toise sous laquelle il faut passer ? Pire : peut-on refuser un ouvrage sous prétexte qu'il n'entre pas dans les critères du moment ? Qu'est-ce qu'un bon texte, au final ?
Pour ce qui est du roman lui-même, sujet de cette longue lettre indignée, je l'ai déjà dit, il ne cesse d'évoluer. Cependant il reste quelques traits communs à travers toutes ses versions : son titre, immuable, le meurtre symbolique et l'invraisemblance totale de son scénario. Car oui, Gérard Joyau nous résume chacune de ses versions et autant le dire tout de suite, si effectivement le travail d'un écrivain est difficile quand il s'agit d'affûter son texte, autant présenter un ouvrage de « neuf cent trente-quatre pages » avec des situations aussi clichées qu'absolument ridicules et par extension, manquant totalement d'intérêt devient déjà plus problématique, à mon avis. Ainsi le personnage principal évolue du fils étouffé par sa mère pour devenir, à la sixième version, un nobel de la littérature qui perd quelque peu les pédales, avec entre chaque version, une évolution de ce personnage qui prend peu à peu en importance sociale et en noirceur, qui s'épaissit d'une folie qui semble gagner le scénario lui-même. Plus les versions se modifient, plus les incohérences deviennent visibles, plus aussi les détails inutiles s'accumulent… et font tiquer. le roman devient alors lui-même un personnage qu'on décrit, qu'on ausculte et qui est à la fois ridicule et comique dans ses exagérations. Il y a toujours quelque chose de « trop » dans chacune de ses versions, que ce soit la longueur, les descriptions inutiles, le scénario accumulant des situations invraisemblables, le personnage principal devenant lui-même improbable… le texte devient alors un objet ridicule, un matamore littéraire, tout comme Joyau devient un matamore de la plume… le cercle est vraiment bouclé quand le roman lui-même rejoint la vie de son auteur tout à la fin de la lettre.
Au final, j'ai beaucoup apprécié ma lecture. Cependant, il faut la prendre au second, voire troisième degré et être capable de recul pour dégager quelques problématiques sur lesquelles il est toujours intéressant de se pencher. Car à travers cette caricature d'écrivain et de roman reste posée la question de la valeur de l'oeuvre littéraire et de la qualité d'un écrivain, de la subjectivité de l'auteur, du lecteur, du critique et de l'éditeur, question qui n'a pas de réponse et qui ressurgit régulièrement dans les classes et les amphis.
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"Tyrannicide" est le titre du roman de Gérard Joyau, oeuvre refusée à six reprises par les éditions Gallimard. Excédé par ces multiples rebuffades, l'auteur décide d'écrire une lettre à Philippe Sollers, éditeur chez Gallimard. La lettre est d'une virulence incroyable, critiquant les méthodes expéditives de lecture de la prestigieuse maison d'édition. Car notre auteur se refuse à envoyer son manuscrit ailleurs. Son livre est brillant, génial et il mérite Gallimard. Philippe Sollers n'est lui non plus pas épargné par la verve acide de Gérard Joyau : "Vous, l'écrivain le moins doué de sa génération, la pathétique girouette mondaine, le champion même du ridicule. Vous le faux agitateur des lettres françaises, l'expérimentateur repenti, le subversif en pantoufles… Tâchez de me répondre sincèrement : n'éprouvez-vous pas une certaine gêne de voir vos livres classés entre Shakespeare et Sophocle ? ".

Giulio Minghini s'amuse avec les clichés à travers ce court texte très réjouissant. Il y a tout d'abord celui de l'écrivain du dimanche qui se pense incompris par la grande maison d'édition. Mais au fur et à mesure que le roman nous est décrit, nous comprenons pourquoi il a été refusé ! Personne n'aurait envie de lire une histoire aussi abracadabrante.

Minghini joue également avec le cliché de l'éditeur germano-pratin et l'image véhiculée par Philippe Sollers dans les médias. L'éditeur est présenté comme mondain, arrogant et méprisant pour notre pauvre Gérard Joyau. Ce dernier est en réalité totalement obsédé par P. Sollers qu'il vénérait littéralement. Son refus de l'éditer n'en est que plus cruel, plus humiliant pour notre écrivaillon. Et la lettre prend un ton de plus en plus menaçant et Gérard Joyau semble absolument dérangé ! La fin en est d'ailleurs la preuve, je vous laisse la découvrir, elle vaut le détour.

Cette lettre féroce est un règlement de compte entre deux archétypes : l'écrivain provincial et l'intellectuel parisien. Giulio Minghini signe là un texte surprenant, détonnant et désopilant. Un texte bref que Asphodèle, George et moi-même avons trouvé déroutant au départ mais que nous avons joyeusement analysé ensemble. Un objet littéraire qui ne laisse donc pas indifférent.
Lien : http://plaisirsacultiver.wor..
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Sans "Masse critique" je n'aurais certainement pas vu ce livre en libraire ni en bibliothèque. Très petit fascicule en dimension et en nombre de pages, 76, les éditons Nil et leur collection "les affranchis" permettent aux écrivains d'écrire LA LETTRE qui peut permettre de s'affranchir d'une vieille histoire.
Ici, c'est Gérard Joyau, professeur de lettres, qui depuis des décennies réécrit son manuscrit "Tyrannicide" et le soumet aux éditions Gallimard pour se faire éditer.
A la suite de la dernière réponse négative de Gallimard, Gérard Joyau écrit la fameuse LETTRE qui l'affranchira de ses déconvenues littéraires à Philippe Soller.
Ce petit livre, ironique et cruel, nous projette dans le monde de la littérature , des critiques littéraires, du comment et du pourquoi on écrit ; une jolie dissertation sur la création littéraire et ses chimères.
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C'est une lettre envoyée par un écrivain aux éditions Gallimard.

En effet, Gérard Joyau a écrit le livre de sa vie, il le manie et le remanie sans cesse, l'envoie aux éditions Gallimard, qui le refuse. Incessamment, il le réécrit, le renvoie et le manuscrit est toujours refusé.

Il se décide enfin à écrire une lettre à Monsieur Sollers pour exprimer son mécontentement.

Cette lettre est un petit bijou (un joyau ?). C'est ironique, c'est méchant mais ça nous explique comment un auteur (Gérard Joyau dans ce cas là) peut vivre une lettre de refus. C'est en même temps plein d'admiration et de déception contenue.
Il tente d'expliquer son roman, mais on a l'impression qu'il s'enfonce toujours un peu plus. A chaque nouvelle version, l'histoire s'amplifie et devient de plus en plus rocambolesque.

Au début, on est prudent, on reste sur nos gardes. C'est quoi cette lettre ? Et on finit par trouver ça totalement renversant et on sourit.

Les éditions Nil ont donc lancé une collection “Les Affranchis” et ont demandé à des auteurs de rédiger la lettre qu'ils n'ont jamais écrite.
Annie Ernaux écrira à sa soeur, Yves Simon à son père … Ce “Tyrannicide” donne envie de découvrir toutes ces autres lettres.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
"L'art est avant tout un jeu de soustraction, disait quelqu'un (mais qui? impossible de m'en souvenir). Aussi, j'ai furieusement écrémé, coupé, trié. Je n'ai gardé qu'environ un tiers du livre et soigneusement dissimulé (non, je n'ai pas eu le cœur, à l'instar de Gogol, de le détruire. J'ose encore une espérer en une gloire tardive ou du moins posthume). J'avais à l'époque quarante ans, ma vie était presque complètement figée dans son architecture d'habitudes et de relations, et toutefois il lui manquait quelque chose, oui, UNE chose."
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Quand tout a été dit sans qu'il soit possible de tourner la page, écrire à l'autre devient la seule issue. Mais passer à l'acte est risqué. Ainsi, après avoir rédigé sa Lettre au père, Kafka avait préféré la ranger dans un tiroir.
Ecrire une lettre, une seule, c'est offrir le point final, s'affranchir d'une vieille histoire.
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L’essentiel, c’était de terminer avec le dénouement tragique par excellence : la mort de l’adversaire, l’effacement définitif du Mal, la catharsis libératrice. Et pourquoi ne pas lire ce meurtre comme une sorte de lapidation sacrificielle perpétrée par la grande tribu des écrivains que vous avez refusés au cours de votre carrière ? Comme un très solennel acte de purification au nom de la communauté des auteurs inédits, en somme (au-delà d’une très juste vengeance personnelle) ?
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Force m'est de constater que votre réputation de mandarin égocentrique des lettres françaises n'est pas usurpée, Philippe Sollers. Et que votre versatilité légendaire n'est pas surpassée par l'arrogance dont vous faites preuve envers les plus "faible".
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Mesdames et Messieurs, je déclare la signature officiellement close. Nous pouvons commencer à voyager.
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Vidéo de Giulio Minghini
Le 08.02.18, Roland Gori évoquait ?Fake? de Giulio Minghini dans une série d'émissions consacrées à l'imposture par ?Les Chemins de la philosophie? (France Culture).
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