Comme le révélateur de merveilles, Delacroix, Leys est doué d'une âme sensible de poète. Nul signe qui le rattache à l'officiel, le classe dans les barrières du convenu; au contraire, il s'éloigne du fait réputé avec fracas dans les annales de la nation. De tendres sujets l'attirent. Il se recueille au fond d'un coin de cour déserte où passeront quelques rares silhouettes que l'artiste entourera immédiatement d'idéal. Il visitera d'un oeil passionné les vieux ateliers de maîtres défunts dont il évoquera la figure légendaire.
N'y a-t-il pas à toute époque de la vie de l'humanité des artistes libérés des influences contemporaines, qui estiment l'art comme un trésor sans âge, dominant les fluctuations d'un progrès problématique, et restent invulnérables à l'envoûtement d'une évolution esthétique incertaine ? Victor Rousseau est de ceux-là. Paisibles et affranchies, les suprêmes plasticités de ses statuettes reflètent pourtant une si vive beauté qu'elles appellent instamment l'attention, immédiatement muée en une sympathique interrogation. Cette curiosité provient surtout de l'émotion esthétique qui nous sollicite devant ces gestes passionnés, ces étirements moraux ingénieusement extériorisés ou attitudes de mélancolie mimant parfois de la douleur.
J e ne divise pas ce sonnet parce que son propos est assez clair.
Hélas ! par la force de nombreux soupirs
qui naissent des pensers qui sont en le coeur,
les yeux sont vaincus et n'ont pas la force
de regarder personne qui les contemple.
Et ils sont ainsi faits qu'ils semblent deux désirs
de pleurer et de montrer douleur;
et maintes fois tant ils pleurent, qu'Amour
les ceint de la couronne des martyrs.
Ces pensers et les soupirs que je jette
deviennent en le coeur si angoisseux,
qu'Amour y pâlit, tant il en a douleur ;
Parce qu'ils ont en eux, les douloureux,
ce doux nom écrit de ma Dame,
et sur sa mort maintes paroles.
Avec les figures souvent prodigieusement belles de Victor Rousseau, on peuplerait un univers sans parité avec le nôtre, plus intense en ses manifestations. Les sensations y seraient plus nettes, la vie — celle de l'oeuvre d'art — coulerait puissante et saine dans ses artères, la pureté même aurait la sève nourricière plus vivace et son verbe serait d'or. Que l'on se souvienne à présent d'Amour Yirginal, de Cantique d'Amour, Emus, et que l'on admire les Ingénues que le maître nous permet de juger aujourd'hui !