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EAN : 9782711628469
192 pages
Vrin (04/12/2018)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Une conception cosmologique du tout qui ne prend pas en compte l'esprit, la conscience, la connaissance et la valeur est engagée dans une impasse : telle est l'affirmation centrale de ce court essai. Thomas Nagel revendique son athéisme ; il n'adhère pas à une théorie du dessein intelligent, et encore moins à une explication créationniste. Toutefois, certaines positions philosophiques qui se réclament du darwinisme peuvent, elles aussi, conduire à une forme d'aveugl... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Une bouteille à la mer
OU
un testament philosophique.

Il est des questions, controversées, qu'on ne souhaite pas aborder en tant qu'enseignant en début de carrière, surtout si l'on prend la défense d'un point de vue très minoritaire. Et il y a des philosophes qui prennent et reprennent certains sujets une vie durant, car les problèmes sont trop vastes, les questions trop profondes, pour espérer aboutir à autre chose qu'à des convictions intimes, dégageant ainsi un espace où trouver des solutions. le reste, et quel reste, sera pour des générations futures. S'ils ont le courage de reprendre le fil des interrogations et de voir où elles mènent.

Il me semble que Thomas Nagel, en fin de carrière, ait écrit ce livre pour lui confier ses doutes, ses questionnements, et ses pressentiments concernant une question qui le hante : la nature de l'homme, du vivant, de l'univers même. Nagel est bien conscient de la marche triomphale qui est celle des sciences de la nature depuis le XVIIème siècle. Et de leur extension vers l'étude des dimensions sociales, politiques, psychologiques de la vie humaine. Il se souvient également de ce que les pères fondateurs, de Bacon à Galilée, avaient exclu la subjectivité du domaine de leurs investigations. Ce qui avait permis ces progrès spectaculaires dans l'étude de ce qui ne vit pas, ou en tous cas de ce qui ne pense pas. Alors que maintenant, justement, c'est de ces mêmes sciences physiques que l'on attend une analyse, une description exhaustive de l'humain.

Or Nagel ne croit pas les sciences - telles que conçues actuellement - en mesure d'offrir une explication satisfaisante du vivant et de son apparition, encore moins de l'émergence de l'esprit de la matière, et certainement pas de cette capacité, la raison, que nous avons à discerner des vérités qui n'apparaissent pas à nos sens, telles celles de la logique, des mathématiques et de l'éthique. Certes, il existe des explications, mais elles lui paraissent hautement spéculatives, pleines de promesses non tenues, et vouées à l'échec. L'émergence de la vie au départ de composés prébiotiques lui semble relever d'une telle multitude de facteurs qu'une explication purement chimique lui paraît chimérique. Plus problématique encore, les rapports entre esprit et matière, en particulier la réduction du premier à la seconde. Franchement impossible, enfin, de croire que la sélection darwinienne aurait pu doter l'homme de raison.

C'est pourquoi Nagel propose un canevas où l'esprit ne serait pas réductible à la matière, mais aussi fondamental et omniprésent que celle-ci ou que l'espace même. Où l'évolution des espèces ne serait pas entièrement déterminée par les pressions darwiniennes. Mais suivrait aussi une téléologie ( non théiste). Où la raison permettrait d'appréhender une réalité sans doute platonique.

En tant que philosophe, Nagel, ne peut qu'exprimer sa dissatisfaction avec les explications largement considérées comme certaines, ou au moins prometteuses, à ces grandes questions. Il est conscient de substituer à des quasi-certitudes, qu'il juge hautement spéculatives, rien d'autre que des questionnements, mais des questionnements dont il espère qu'ils élargiront la panoplie conceptuelle des sciences. Professeur émérite de la New York University, pouvant se permettre de dire tout haut ce qu'il a sans doute longtemps pensé tout bas, il prend le risque de jeter cette bouteille à la mer. Espérant que quelques-uns voudront continuer ce qu'il a commencé.




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Que l'on ne prenne pas peur du sous-titre. Il ne s'agit pas de réfuter la moindre théorie scientifique positive. Il s'agit de montrer, philosophiquement parlant que l'explication matérialiste et réductiviste ne suffit pas : l'explication ne se contente en effet pas de poser des causes, mais montre que l'évènement qu'elle explique est probable en vertu de son incrustation dans la structure du cosmos. le modèle matérialiste n'explique pas pourquoi le contenu d'actes mentaux, par exemple, répondait d'une telle probabilité. L'identité entre le cerveau et l'esprit n'est pas nécessaire « a priori », et l'explication darwinienne ne dit pas pourquoi le contenu d'un état devrait être déterminé d'une certaine façon lorsqu'elle constate sa corrélation avec un état cérébral et la valeur sélective de ces états : cette explication peut bien proposer une cause, mais rien ne nous permet de dire pourquoi tel état mental devrait résulter, dans sa teneur propre, de l'état cérébral. Il manque sans doute là d'un accès aux données phénoménologiques pour le darwinisme. Sur le plan normatif, il apparaît que la valeur sélective n'explique pas la valeur intrinsèque. le réalisme axiologique est d'ailleurs superflu en darwinisme. On pourrait toujours se demander s'il existe vraiment des états mentaux, s'il ne faudrait justement pas adopter un réductionnisme qui, au lieu d'expliquer ces problèmes, viendrait même les dissoudre : mais Nagel défend ici l'émergentisme, puisque les thèses adverses souffriraient d'obscurité. Cependant, une explication émergente ne doit pas se contenter de dire que les événements mentaux surviennent sur l'état physique complexe de l'organisme, mais elle doit présenter une certaine systématique et montrer les raisons qui rendent prévisibles de tels évènements. Mais la recension d'un tel ouvrage serait bien pauvre si elle ne s'attardait pas à la thèse qui lui a donné son titre : l'esprit est un aspect fondamental de la nature. Non seulement parce qu'il faut expliquer cosmologiquement l'apparition de l'intelligence via un discours impliquant la bonne probabilité d'apparition de l'intelligence sur le plan naturel, mais aussi parce que l'intelligible est structurant. Nagel ne veut cependant pas poser d'être transcendant comme dans le théisme : il veut « complexifier l'immanence du monde ». L'ouvrage fonctionne de manière très comparative. C'est d'ailleurs la méthode philosophique pour Nagel. On ne s'attendra donc pas à des réponses pleinement positives.
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critiques presse (1)
LaViedesIdees
18 mars 2019
La science repose sur une conception matérialiste de la nature qu’elle est inapte à justifier. Même les neurosciences ne peuvent rendre compte de la vie de l’esprit en invoquant la seule matière. Thomas Nagel en appelle à un changement radical dans notre manière de concevoir la rationalité.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il est parfaitement possible que la vérité soit au-delà de notre capacité à l'appréhender, en vertu de nos limitations cognitives, et non simplement au-delà de ce que nous ne pouvons comprendre au stade actuel de notre développement intellectuel. Mais il me semble que nous ne pouvons pas savoir cela, et que cela vaut la peine de continuer à chercher une description de la façon dont nous et d'autres créatures faisons partie du monde.

(p.128)
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Telle est ma question. Le manque de plausibilité du programme réductif nécessaire à la défense du naturalisme me contraint à penser à des alternatives; des alternatives qui considèrent l'esprit, la signification et la valeur comme des concepts aussi importants que la matière ou l'espace-temps, dès qu'il s'agit d'expliquer ce qui existe.

(p.20)
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Je trouve difficilement compréhensible la confiance qu'a l'establishment scientifique dans la capacité d'un raisonnement de type chimique à expliquer le scénario ( de l'émergence de la vie et de la conscience), sauf s'il ne s'agit là que de la manifestation pure et simple d'un attachement axiomatique au matérialisme réductif.

(p.49)
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Je n'espère pas découvrir une fondation qui rendrait nos connaissances incontestables, mais j'espère bien trouver une compréhension de nous-ùêmes qui ne soit pas radicalement auto-destructrice, et qui n'exige pas que nous renions l'évidence.

(p.25)
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