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4,18

sur 1495 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'auteur est si clairvoyante à propos de la société française et aveugle au sujet de sa propre situation. Comment est-ce possible, c'est cela qui fait se poser des questions. Par exemple au sujet de la couturière de Lucile qui a un ami allemand, on est en 1941 et Lucile la met en garde sur ce qui lui arrivera dans 2 ou 3 ans - je présume qu'elle sera tondue... - et l'auteur n'imagine même pas qu'elle-même sera arrêtée d'un moment à l'autre, en dépit des avertissements. Même chose pour son mari.


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Irène Némirovsky a écrit Suite française à la fin de sa courte vie – elle est morte à 39 ans à Auschwitz. le manuscrit n'a été retrouvé et publié qu'en 2004. Ensuite, toute l'oeuvre de cette autrice a été petit à petit redécouverte. J'ai présenté dernièrement le passionnant recueil, Les vierges et autres nouvelles, en partie autobiographique.
Cette édition d'origine de Suite française est précieuse par l'excellente introduction de Myriam Anissimov et du dossier de notes de l'autrice ainsi que des correspondances 1936-1945 permettant de mieux comprendre l'oeuvre.
Irène Némirovsky se trouve aujourd'hui sous les feux de la rampe : plusieurs biographies, des dizaines de traductions, des millions de livres vendus, trois films et de nombreuses pièces de théâtre tirés de ses romans. Une nouvelle version remaniée – selon une dactylographie enregistrée à l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine (IMEC) – de cette Suite française vient même de paraître en novembre 2020, avec la première partie, Tempête en juin, corrigée par l'autrice et son mari.
Devenu un véritable classique du XXème siècle, ce roman a fait l'objet de bien des polémiques – du fait notamment de l'absence directe d'analyse et de révolte par rapport à la situation. Cela me fait penser à un autre classique du XXème siècle, 1984 de George Orwell qui, sur un tout autre sujet, a suscité et suscite encore de multiples interrogations, interprétations, critiques ou récupérations.

En exergue, voici ce que dit sa fille Denise Epstein – ce serait par elle que le premier manuscrit a pu refaire surface :
« Sur les traces de ma mère et de mon père, pour ma soeur Elisabeth Gille, pour mes enfants et petits-enfants, cette Mémoire à transmettre, et pour tous ceux qui ont connu et connaissent encore aujourd'hui le drame de l'intolérance. »

Une première partie, Tempête en juin, où elle décrit la débâcle de juin 1940, sorte de tableaux de la panique à l'annonce de l'arrivée des allemands et de l'exode, ceci dans différents milieux.

La deuxième partie, romanesque, intitulée Dolce, a pour sujet la confrontation de la population française avec l'occupant. le récit se termine en juin 1941 – elle n'aura pas le temps de rédiger les trois autres parties prévues, Captivité, Batailles et Paix, étant arrêtée en 1942 par la police française et déportée en raison de ses origines juives –. Les personnages sont bien décrits et très vraisemblables. L'autrice dépeint ce qu'elle voit, très fidèlement, notant les lâchetés, l'hypocrisie et l'égoïsme tel qu'elle les observe. Grands bourgeois dégoûtés par la populace et tentant de sauver leurs bibelots, amant pressé de quitter Paris en famille et pour cela larguant vite fait sa maîtresse, curé convoyant des orphelins, officier allemand cultivé hébergé dans une maison bourgeoise, tentant de séduire la belle fille sous les yeux de sa belle-mère. le tout constituant une fresque réaliste passionnante de l'époque.

Dans ce contexte, les rapports des allemands et des français ne sont pas décrits comme particulièrement terribles. le sort terrifiant des déportés juifs n'était pas connu à cette époque, sinon Irène Némirovsky aurait-elle pu écrire ce livre de la même façon ? En a-t-elle trop vu depuis la révolution russe qu'elle a vécue directement, ainsi que la fuite définitive de son pays ? Introspection pour continuer à vivre face à une enfance malheureuse, des parents riches et égoïstes ? Elle ne juge pas, elle ne se révolte pas si ce n'est dans le mordant de l'écriture !

Ce qu'elle écrit c'est simplement l'effet des évènements sur chaque personnage, le formidable écho des frictions des destins individuels avec les destins communautaires, les réactions de l'homme face à la tragédie et non les faits en eux-mêmes. L'attention d'Irène Némirovsky ne porte pas sur L Histoire, mais plutôt sur les comportements humains. Honoré de Balzac ne procédait-t-il pas de cette façon ?

Les notes et la correspondance en fin de volume sont très intéressantes. Son mari dans l'illusion de la faire libérer argumente sur leur conversion au catholicisme, sur l'antibolchevisme notoire de leur famille (ils ont fui la Russie après la révolution d'octobre). Sans succès..., il sera lui aussi déporté à son tour le 6 novembre 1942 et ne reviendra pas. Les gendarmes ont continué à rechercher ses deux fillettes. Elles passeront plusieurs mois cachées dans la région de Bordeaux. Leur grand-mère avait passé la guerre à Nice dans le plus grand confort. Drôle de milieu et pas étonnant de retrouver ironie et pessimisme chez Irène Némirovsky. C'est un témoignage exceptionnel, par une conteuse de talent, une Suite française que je vous invite à découvrir, de préférence dans l'édition 2004.
*****
En illustration de cette chronique vous découvrirez sur le blog Clesbibliofeel "Stranger in paradise" de la violoniste et chanteuse Ada Pasternak, extrait de son superbe album "Sweet dreams". D'origine russe, elle aussi a du s'exiler et son talent est remarquable !


Lien : https://clesbibliofeel.blog
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J'ai beaucoup aimé "suite Française"...il était dans ma PAL depuis longtemps et je me suis décidée grâce au challenge solidaire 2021, et c'est sans regret que j'ai lu un 1er ouvrage d'Irène Némirovsky (à en croire les commentaires, l'un des meilleurs de cette auteure).
Le premier opus de cette suite, "Tempête en juin" , nous emmène sur les routes de l'exode en juin 40...le terme de débâcle est souvent employé, c'est ce que l'on ressent à la lecture. Irène Némirovsky dépeint sans concession le désordre qui règne un peu partout, les travers des fuyards, les bourgeois prêts à tout pour sauvegarder leurs petits privilèges, bien loin de la fréquente idéalisation du courage Français... Mais elle ne se présente pas comme une moraliste : non, elle brosse une galerie de portraits authentiques , savoureux ou parfois sordides .
Le second opus nous emmène quelques mois plus tard dans un village occupé par les allemands. Et c'est le drame et le dilemme de l'occupation qu'elle dépeint: entre l'horreur de se retrouver sous le joug de l'ennemi et le soulagement de voir le conflit éteint, la sympathie naissante pour des hommes comme les autres, et l'amour aussi, voué à l'échec.
Irène Némirovsky s'attache beaucoup à la psychologie des personnages et c'est cela qui fait tout l'intérêt de "une suite Française".
J'ai aussi été très émue par le contexte de l'écriture de ce roman qu'Irène Némirovsky a elle même désigné comme posthume, car elle avait la certitude d'être morte -déportée - avant sa parution .J'avoue rarement prendre le temps de lire la préface d'un ouvrage, mais vraiment celle ci est à lire, car elle éclaire le roman ,lui donne une tonalité particulière.
Assurément je lirai d'autres ouvrages d'Irène Nemirovsky

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Qu'elle ait pu écrire un tel chef d'oeuvre, en fuite, traquée, quelques semaines avant de mourir, me laisse sans voix. Une vraie leçon d'écriture.

L'histoire du manuscrit parait aussi passionant et j'aimerais faire plus de recherches et de lectrues autour de Némirowsky.
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Même si je suis en général lassée par tous ces livres sur la Seconde Guerre mondiale et l'Occupation, ce roman est tout de même à part, et je n'ai absolument pas regretté de m'être lancée !

A part, tout d'abord, par son contexte d'écriture et son histoire. Ce roman relatant la débâcle de 1940 et trois mois dans un village français en 1941 a été écrit… entre 1941 et 1942, avec une incroyable lucidité : on croirait qu'il s'agit d'un roman historique et que l'auteur connaît l'issue de la guerre !
L'auteur, justement, n'est pas n'importe qui : Irène Némirovsky, romancière célèbre à l'époque, Russe ayant fui les bolcheviks, juive enfin, arrêtée en juillet 1942, déportée et assassinée à Auschwitz un mois plus tard. Suite française, qui devait se composer de cinq parties sur l'ensemble de la guerre, n'en comportait alors que deux, et c'est une de ses deux filles, Denise Epstein, qui a recopié le manuscrit et l'a fait publier plus de 60 ans plus tard.

A part, ensuite, par le style inimitable de l'autrice. Un style parfait quand on sait qu'elle n'était pas française, un style délicieusement ironique (qui m'a rappelé Pierre Lemaître…), cynique et lucide sur ses contemporains, et sur l'ensemble de ses contemporains. Dans la 1e partie, Tempête en juin, on alterne ainsi entre différents protagonistes représentatifs de plusieurs couches de la société. Quant à la 2e partie, Dolce, si la trame principale est une histoire d'amour, elle décrit surtout avec vérité le quotidien de la cohabitation entre Français et soldats allemands.

A part, enfin, par la vérité qui est contenue dans ce livre. On retrouve l'être humain dans sa réalité, dans ses qualités et ses défauts, ses lâchetés du quotidien, son indifférence. Les personnages sont incroyablement réalistes et travaillés, on a l'impression de vivre avec eux, de les connaître vraiment ; on s'attend presque à les croiser un jour dans la rue !
On lit surtout la « vraie » Seconde Guerre mondiale, celle des gens qui essayaient simplement de survivre, qui ont ignoré le plus possible la situation pour conserver au maximum une vie normale, qui n'aimaient ni ne détestaient les Allemands. On est loin des récits qui cherchent absolument à nous montrer des résistants et des héros, ou au contraire des collaborateurs et des traîtres…

Et dire que ce roman génial n'est « que » la transcription d'un manuscrit inachevé ! A quoi aurait-il ressemblé s'il avait pu être retravaillé et terminé par Irène Némirovsky ?
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Je venais de commencer ce roman lorsque le confinement a été imposé, ce fut donc ma première lecture en cette période particulière qui a eu pour conséquence positive de me permettre de passer d'innombrables heures en compagnie de livres divers et variés.
Roman qui n'a été publié qu'en 2004 par l'une des filles d'Irène Nemirovsky. le manuscrit avait été caché dans une petite valise laissée à ses filles lors de son arrestation en 1942.
Suite française est la somme de deux romans : "tempête en juin" et "Dolce" qui devaient être suivis de 3 autres parties qu'Irène Némirovsky ne pourra jamais écrire puisqu'elle ne reviendra pas d'Auschwitz.
Roman que l'on pourrait qualifier de chronique, il est écrit "à chaud" alors qu'elle vit l'exode puis l'occupation allemande. Irène Némirovsky nous donne un tableau saisissant des français, de la lâcheté, de l'égoïsme profond de certains sur les routes de l'exode où beaucoup ne cherchent qu'à sauver leur peau, quitte à passer sur le corps des autres, comment ne pas faire un parallèle en lisant ces passages avec ce qui se passe en ce début de confinement, ces supermarchés dévalisés pour accumuler farine ou papier toilette sans se soucier de ce qui restera pour les autres ......
Une analyse très fine et très juste des sentiments qui animaient les français pendant l'occupation.
Une très grande humanité dans ses personnages français ou allemands, il n'y a pas les bons d'un côté et les méchants de l'autre mais des hommes des deux côtés.
Une oeuvre puissante, touchante, un chef d'oeuvre.
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Suite Française rassemble en réalité deux ouvrages.

Le premier, intitulé Tempête en Juin, est davantage une galerie de portraits qu'un roman. Dans des chapitres qui s'intercalent on peut suivre plusieurs personnages contraints, en juin 1940, à prendre la route de l'exode : la famille Pericand, des bourgeois catholiques aux moeurs réglées comme du papier à musique et encombrés d'un aïeul impotent ; l'écrivain Gabriel Corte accompagné par sa maîtresse Florence ; Maurice et Jeanne Michaud, tous deux employés de banque depuis longtemps sans nouvelles de leur fils Jean-Marie ; Jean-Marie lui-même qui, blessé, a été recueilli par de jeunes fermières ; Charles Langelet enfin, un célibataire égoïste et vain, amoureux d'antiquités.
La réalité de la guerre est la même pour tous, mais chacun l'appréhende différemment en fonction de leurs intérêts personnels, souvent matériels.
Tempête en Juin s'achève cinq mois plus tard en novembre. L'hiver marque la fin de l'exode, certains des personnages ont trouvé la mort, personne n'est rentré indemne de ce douloureux épisode, et la guerre quant à elle n'est pas terminée.

Le second volume, intitulé Dolce, se présente davantage sous la forme d'un roman «classique ». Irène Nemirovsky s'intéresse de plus près à certains personnages secondaires évoqués dans Tempête en Juin, notamment les jeunes fermières et le retour de Benoît, le mari de l'une d'elle. Mais le personnage central de Dolce est Lucile Angellier, jeune femme fine et sensible qui depuis le départ au front de son époux Gaston qu'elle n'aime pas, partage l'ennuyeux quotidien de son acariâtre belle-mère. L'occupation leur impose d'accueillir sous leur toit un officier allemand, Bruno, dont les moeurs délicates font peu à peu la conquête de l'esprit, puis du coeur de Lucile qui reste tiraillée entre son sens du devoir et l'éveil d'une sensualité jusque-là ignorée.

L'exode, puis l'occupation : deux pans de l'histoire des Français, dépeints avec une riche palette d'émotions et de sensations, liées aussi aux bruits, aux odeurs : minutieuses descriptions d'un jeune chat qui s'apprête à partir en chasse, d'un jardin abandonné envahi par les fleurs champêtres, des objets d'un intérieur bourgeois, uniques par leur histoire, que l'on veut soustraire aux mains de l'ennemi, ...

L'édition Folio comporte en outre, en annexes, les notes manuscrites d'Irene Nemirovsky sur son projet d'écriture de Suite Française, et la correspondance (1936-1945) adressée notamment par Irène à son éditeur de l'époque (Albin Michel), puis par ses proches, notamment son époux Michel Epstein, engagé dans de vaines démarches pour faire libérer Irène.

Suite Française est un témoignage vrai, vibrant, qui ne sombre pas dans le pathos malgré le vécu de l'auteure, ne prend pas parti mais donne à voir et à revivre. La lecture est très facile, agréable, avec de petites touches d'humour qui allègent la terrible réalité. Je recommande ce roman, qui donne je pense une vision juste des événements. Un roman qui nous amène aussi à réfléchir sur les intérêts contradictoires qui peuvent, dans une situation qui nous est imposée, infléchir nos pensées et nos réactions.
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Inutile, je crois, de revenir une fois encore sur l'histoire très particulière de ce texte, miraculeusement échappé à la destruction tandis que son auteure disparaissait à Auschwitz en 1942. En ce qui me concerne, c'est sur Babelio que je me suis intéressé pour la première fois à Irène Némirovsky (et je suis d'ailleurs impressionné de voir à quel point la fréquentation de ce site a guidé et réorienté mes lectures en à peine deux ans, avec un saut qualitatif qui me laisse rêveur).
Si l'histoire éditoriale de ce roman sort de l'ordinaire, son propos n'est pas davantage en reste : Suite française est le récit de l'exode des civils lors de la débâcle française de 1940, suivi de la première année d'occupation du territoire par l'armée allemande. Selon le projet de l'auteure, l'entreprise devait comporter au moins quatre volets, les deux derniers n'ayant jamais été écrits. En l'état actuel, et à tout jamais, l'oeuvre se constitue donc de deux brefs romans (Tempête en juin et Dolce), qui se partagent quelques personnages tout en demeurant indépendants l'un de l'autre. Il est important de préciser que ces romans sont suffisamment autonomes pour que le lecteur ne retire pas de sa lecture la frustration de l'inachevé. Ils sont aussi suffisamment complémentaires pour que l'on conserve le regret de ne jamais connaître la suite.
Voulant connaître un peu Irène Némirovsky avant ma lecture, j'ai appris qu'on l'avait accusée de ce paradoxe : être à la fois juive et antisémite. Cette idée me laisse assez perplexe, je dois bien le dire. Certes, dans les premiers temps de l'Occupation, elle a continué à envoyer ses textes à des revues notoirement antisémites, dont Gringoire. En lisant la correspondance reproduite dans les annexes du roman, il me semble pourtant qu'il n'y avait là surtout qu'une question alimentaire : Némirovsky se démenait pour faire jouer des liens personnels afin de pouvoir nourrir sa famille. Sur le contenu antisémite de ses écrits, je ne me prononcerai pas, tout simplement parce qu'il n'en est pas question dans Suite Française.
Les deux tomes sont de ton et de propos très différents. J'ai également apprécié les deux, quoique pour des raisons différentes : joyeusement corrosif, le premier raconte la fuite éperdue d'une poignée de personnages hors de Paris en juin 1940. Némirovsky déploie ici un rare talent pour dépeindre la petitesse, l'égoïsme et l'étroitesse d'esprit de la bonne bourgeoisie parisienne. Les seuls personnages qu'épargne son ironie grinçante sont des gens de peu : des paysans et surtout un couple de petits employés parisiens au désarroi très touchant. Pour le reste, on savoure la verve de Némirovsky dans sa détestation des grands bourgeois. C'est un véritable régal de méchanceté vacharde, dont Pierre Lemaître aurait pu s'inspirer.
Le second volume, lui, fait le récit des débuts de l'Occupation dans un bourg de campagne. Némirovsky délaisse cette fois la noirceur drolatique pour un tableau psychologique bien plus nuancé : aux yeux des paysans et des notables, ces soldats allemands qui s'installent dans leur village sont certes des ennemis que l'on n'aimera jamais. Mais il apparaît aussi que ce sont des hommes, ni pires ni meilleurs que beaucoup d'autres. Et des liens se nouent malgré tout entre occupants et occupés, liens à la fois circonspects et coupables. L'histoire est moins chorale, s'attachant surtout à un couple de personnages : la belle Lucile et le lieutenant qu'elle est contrainte d'héberger. Relation complexe, faite d'attirance contrariée, entre deux êtres qui croient se comprendre mais pensent pourtant différemment. Difficile de ne pas faire le parallèle avec Vercors et son Silence de la mer (que je dois relire pour approfondir ou pas la comparaison).
Naturellement, il faut être conscient du biais historique que présente ce deuxième volume : en fait de soldats allemands, il n'est question ici que de la Wehrmacht, et on ne trouvera pas l'ombre d'un SS ni d'un gestapiste à l'horizon. Des autorités de Vichy, il est à peine fait mention, et sur la déportation pas un mot. Voilà en somme une occupation qui se montre sehr korrekt... Il est vrai que l'action se situe à la charnière de 1940-1941, c'est-à-dire avant la guerre contre l'URSS, au moment où l'Allemagne est encore persuadée de sa victoire imminente et définitive, et où les exactions nazies sur le territoire français restent limitées. Sans être historiquement faux, le tableau doit donc être replacé dans ce contexte précis. le sujet du livre, cependant, n'est pas là : c'est à la complexité des rapports humains que s'intéresse l'auteure, et au développement d'un réseau de lézardes subtiles dans l'édifice des idées reçues.
Un mois avant d'être arrêtée par la gendarmerie française, sans doute consciente que l'Occupation risque de ne pas rester très korrekt en ce qui concerne sa famille, Irène Némirovsky résume elle-même l'esprit de son entreprise, dans son journal à la date du 2 juin 1942 : « Ne jamais oublier que la guerre passera et que toute la partie historique pâlira. Tâcher de faire le plus de choses, de débats... qui peuvent intéresser les gens en 1952 ou 2052. »
C'est réussi.
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Il y a beaucoup de justesse dans ce texte, beaucoup d'humanité. Les personnages sont si réalistes qu'ils pourraient avoir existé. Et en quelque sorte c'est le cas. Ils sont tous ceux qui ont vécu l'exode de 1940, ceux qui ont vécu l'occupation, ceux qui ont dû vivre avec l'occupant, gérer l'absence des proches.
Il y a un côté frustrant au caractère inachevé du roman. Et surtout un caractère tragique avec la destinée de son auteure. Cela rend encore plus marquant cette lecture, en sachant que le texte a été écrit "à chaud".
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L'histoire de Suite française est celle d'un miracle littéraire, et d'un miracle tout court.

Irène Némirovsky, immigrée russe parvenue sur le sol français avec sa famille à la fin de la première guerre mondiale, surdouée devenue une immense auteure de l'entre-deux guerres, admirée de tous, est déportée et tuée à Auschwitz en 1942.

Le manuscrit inachevé de Suite française, sauvé par miracle de la destruction par ses deux filles, Denise et Élisabeth, dort, inconnu, pendant 70 ans...

Jusqu'à ce que, grâce au travail de décryptage de Denise et la volonté des Editions Denoël, il soit publié en 2004 et rencontre un phénoménal succès en France et à travers le monde, redonnant par la même toute la place que l'on doit à l'oeuvre d'Irène Némirowsky.

Incroyable histoire...

Suite française, épais ouvrage de plus de 500 pages en édition poche, correspond en fait à deux romans indépendants l'un de l'autre, Tempête en juin et Dolce, qui devaient constituer les deux premiers pans d'une fresque en cinq romans, dénommé Suite française.

Ces deux premiers récits sont parvenus jusqu'à nous finis, achevés, et ce sont deux oeuvres extrêmement importantes.

Importantes, avant tout, car elles sont un témoignage historique, une peinture formidable de la France durant la première partie de la guerre.

Tempête en juin (le roman le plus long) décrit la débâcle, le peuple français qui fuit devant l'avancée des allemands.

(Lire la suite de ma critique sur le site le Tourne Page)
Lien : https://www.letournepage.com..
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