Le roi Henri III est d'humeur sinistre. Il faut reconnaître qu'il a des raisons de l'être ! En cette triste année de 1585, treize ans après le bain de sang de la Saint-Barthélemy, il ne fait pas bon être roi dans une France plus que jamais écartelée par les conflits religieux. A Paris, la ligue, dévote et à la botte du redoutable duc de Guise, contrôle toutes les institutions et voue une haine féroce au monarque qu'elle juge trop peu zélé dans la lutte contre l'ennemi intérieur, les exécrés huguenots. Au nord, le frère cadet du roi, François d'Anjou, tente de se tailler un royaume en soutenant les flamands révoltés contre leurs maîtres espagnols , au risque de déclencher une guerre entre la France et l'empire espagnol. Au sud, Henri de Navarre, le « Renard béarnais », garde soigneusement profil bas et fait des risettes à tout le monde, mais d'inquiétantes rumeurs circulent sur les ambitions du trop ingénieux et trop discret souverain gascon. Comble de malheur pour le pauvre Henri III, Chicot, son fidèle et adroit bouffon qui l'avait si bien servi durant les événements emberlificotés de «
La dame de Monsoreau », est mort dans d'étranges circonstances quelques mois plus tôt…
Mais, la chose est bien connue, la tombe n'est chose définitive que pour les niais manquant d'imagination. Et quand on s'appelle Chicot et que l'on a de l'esprit à revendre, on ne reste pas longtemps six pieds sous terre ! Décédé ou pas, le bouffon est donc prêt à prendre à nouveau tous les risques pour protéger son souverain, entre autres espionner la Ligue, mais surtout se rendre en Gascogne pour fouiner dans les affaires d'Henri de Navarre, monarque pour qui Chicot nourrit un certain faible, doublé d'une énorme quantité de suspicion. Mais Chicot n'est pas seul à être revenu miraculeusement du séjour des morts et, dans les rues noires de monde de Paris, deux silhouettes fantomatiques se meuvent : celle de Diane de Méridor, anciennement
la dame de Monsoreau, et celle de Rémy le Haudouin, tous les deux décidés à tirer vengeance de François d'Anjou pour le meurtre de leur amant et ami, l'infortuné Bussy.
Troisième tome de la trilogie des Guerres de Religion d'
Alexandre Dumas, «
Les Quarante-cinq » est également le moins réussi. Non que la période historique décrite ne soit pas fascinante, ni le style du romancier toujours aussi addictif, mais parce que, à vouloir trop en faire, tout décrire, tout montrer, Dumas a trop dispersé ses personnages et son intrigue, créant un sorte de roman-monstre riche en idées ingénieuses et en morceaux de bravoure, mais également en longueurs et en culs-de-sac narratifs agaçants. Les nouveaux personnages sont nombreux mais pour la plupart si peu dignes d'intérêt que je ne me suis même pas donnée la peine de les mentionner dans mon résumé, la palme revenant aux frères Joyeuse, les nouveaux favoris du roi Henri III, tous deux à claquer, quoique dans des registres assez différents. On peut saluer d'ailleurs à nouveau l'incapacité triomphante de Dumas à titrer ses romans :
les Quarante-cinq ? Franchement, quels Quarante-cinq ?
Tout est-il donc à jeter ? Meuh, non, voyons ! Comme toujours chez Dumas, on peut toujours extirper du pire fatras quelques pépites qui permettent de sauver l'ensemble. Si les nouveaux protagonistes sont insipides à souhait, les anciens sont toujours aussi sympathiques. J'ai joyeusement couiné de joie en retrouvant mon ami Chicot et sa longue ambassade en Navarre est assurément le meilleur passage du roman – d'un autre côté, étant donné qu'Henri de Navarre était mon personnage préféré de «
La Reine Margot » et Chicot celui de «
La dame de Monsoreau », on ne s'étonnera pas que leur rencontre équivaut pour moi à un combo de coolitude ! Quelques très belles scènes d'action pendant la Guerre des Flandres et une conclusion dramatique et oppressante à souhait viennent heureusement épicer le tout. L'ensemble donne un roman un peu bâtard au rythme souvent inégal, mais non dénué d'intérêt si l'on s'intéresse à la période évoquée et que l'on souhaite retrouver encore pour quelques centaines de pages les personnages des tomes précédents. Pas un must-read, mais globalement satisfaisant.