AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782845050488
Ressouvenances (20/12/2007)
3.92/5   6 notes
Résumé :
Récit fantasmagorique et ironique ne comportant ni histoire suivie, ni personnage, mais seulement des abstractions caricaturales, des ombres ou des voix.
Que lire après Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteauxVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
"Il y avoit une fois un roi de Bohême qui avoit sept châteaux."
(Trimm)

Comme un invité enthousiaste au fabuleux festin chez Trimalcion, j'ai envie de sauter sur la table et de crier : "cette langue, cette langue !".
Il ne s'agit pas, bien sûr, de quelque langue de cerf au garum, ou encore de langues de rossignol servies dans l'aspic ou autre gélastique gélatine, mais celle de Charles Nodier dans "Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux".
Mais ne devrais-je pas plutôt parler d'élocuTION, de formulaTION, de la mise en page, de l'esprit général de cet ouvrage, ou, dans le cas extrême, de son CONTENU ?

Quand j'ai découvert l'existence de ce... hm, conte (?) chez l'ami babéliote connu pour sa consommaTION excessive d'un certain sombre breuvage oriental, je savais d'avance que je ne serai pas déçue. Et ceci malgré son avertissement indiquant qu'il vaut mieux rester sur ses gardes en approchant le quatrième château ! Après tout, je possède déjà une forte expérience de châteaux de Bohême, et ce n'est pas un académicien Gaulois entortillé dans une cravate romantique qui m'apprendra quelque chose de neuf sur le sujet !
Ceci dit, n'importe quel lecteur averti de Kafka sait déjà que certains châteaux restent inatteignables, et ceux de Nodier multiplient encore les tortueux détours qui y mènent par le nombre symbolique de sept. Sachant que la table des matières (que l'on ne trouve pas à la fin du livre) annonce 58 chapitres, que le livre en contient 60 en tout, et que leurs titres se finissent tous en "-tion" (très important !), la percepTION ordinaire & naturelle du lecteur sera forcément mise à rude épreuve.
Donc, attenTION !

Avant même d'ouvrir le livre, le titre me disait déjà quelque chose... mais oui ! On le croise dans "Tristram Shandy" de Sterne, où le bon Trimm veut raconter l'histoire du roi de Bohême, mais il se passe toujours quelque chose qui l'empêche de poursuivre. La quesTION légitime se pose : Nodier/Théodore et ses deux alter egos, le fidèle Breloque et le pédant Pic de Fanferluchio, vont-ils aller plus loin dans leur quête de ces châteaux ? Vont-ils rencontrer ne serait-ce que l'ombre du roi de Bohême ?
Patience ! Pour commencer (enfin, façon de parler), ils vont rencontrer Gervais et Eulalie, dont le vrai prénom est Caecilia. Triste histoire ! On aura aussi le roi de Tombouctou et sa pantoufle*, Polichinelle et ses secrets, Biscotin et Biscotine, d'interminables énuméraTIONS savantes et réjouissantes, mais pour ce qui est de ce roi de Bohême...
Vous savez, il n'est déjà pas aisé de suivre la fluide digression sternienne, alors j'ai mis quelques pages avant de percer l'intenTION de ce texte cérébrutal et ses mystificaTIONS.
EnsuitE
_______Ce Ne Fut
______________QUE de LA
______________________JUBILATION.

Pour emprunter une phrase au livre, Nodier transforme les vessies en lanternes, en mettant les bougies dedans. Il ne vous reste plus qu'à jeter au loin vos lunettes protectrices, et de vous laisser éblouir. Après tout, "c'est du soleil des digressions que vient la lumière", comme disait déjà Sterne.
Ce pastiche-hommage, qui se moque de son propre auteur, de son lecteur, et de la littérature en général, s'en inspire fortement, mais Nodier contourne habilement le sujet par l'observaTION que Sterne lui-même a puisé chez Swift, et ajoute à l'appui l'une de ses énumérations sine fine des imitateurs littéraires. N'oublions pas Erasme, Rabelais ou Cervantès, au passage !
Leur dada commun consiste en la propension à contourner leurs principaux sujets par des chemins imprévus et peu fréquentés. Je pensais naïvement que l'apothéose de ce procédé a été atteinte chez les surréalistes ou dans le "Manifeste Dada", mais l'hippodrome de Nodier était déjà en belle effervescence en 1830.
Rien que cette mise en page de l'édition originale, qui transforme l'ouvrage en livre-objet ! Certes, on a déjà vu cela chez Sterne (encore lui ! Ô imitatores, servum pecus !), mais Nodier va encore plus loin, en mélangeant au texte des illustrations et des jeux typographiques recherchés, comme l'ont fait plus tard Apollinaire et tant d'autres. de ce fait, si vous envisagez de vous rendre un jour à Koenigsgratz, ou mieux, à la FIN tracée en initiales ombrées de vingt-deux, je vous conseille le facsimilé moderne de ladite édition, le voyage sera plus simple !

L'ami Thé_Noir a déjà évoqué les attraits du quatrième château ; j'y ajouterais seulement ceci : "regardez bien autour de vous en franchissant le pont-levis du troisième !" (l'aimable lecteur est prié d'imaginer ici un rire diabolique venant d'un archaïque phonographe). 5/5

* Erratum : il s'agit, bien évidemment, d'une babouche.
Commenter  J’apprécie          7412
Il est toujours merveilleux de plonger dans un livre que l'on désire lire depuis longtemps mais qu'en même temps, l'on redoute. Ainsi en va-t-il de ce roi de Bohème, un classique de la littérature parodique qui, de surcroît, a gardé sa graphie ancienne, et pour cause, la typographie originale en est tellement surprenante. La crainte s'est instantanément métamorphosée en jubilation et éblouissement. Cet écrivain qui a touché à tout (du fantastique à la bibliophilie) a aussi touché ma corde sensible.
Parodie des parodies que ces 60 titres qui tous se terminent par "tion" pour 60 chapitres - seulement 58 dans la table des matières qui pour le coup ne se trouve pas à la fin !
Que connaîtrons-nous de la Bohème, de son roi, de ses sept châteaux ? Atteindrons-nous ne fût-ce qu'en pensée le premier de ces châteaux ? Rien de moins sûr, quoique... Nous rencontrerons bien un roi au hasard de lignes mais bien loin de la Bohème - à Tombouctou, puisque la précision dans ce roman est de mise - mais sans château. Avons-nous au moins le plaisir de lire une histoire ? Une histoire ?, rien de moins sûr, des digressions, des récits qui s'entremêlent, des listes, des apostrophes au lecteur oui... par contre du plaisir, ça oui, du plaisir nous en aurons, à goûter cette satire, à tâcher de rapiécer ces morceaux d'intrigues qui s'entremêlent comme les pièces d'un immense puzzle troué et sans bords.
Dali a dit ceci : Je n'aime que lire et écouter des choses que je ne comprends pas parce que quand je ne comprends pas quelque chose, alors pour moi c'est comme une tapisserie sublime remplie de suggestions absolument inépuisables." Me voilà d'accord avec le maître de la paranoïa critique. Quand il n'y a rien à comprendre, tout est à découvrir... et, pour le coup, avec le sourire.
Avec Nodier et son roi de Bohême, laissons reposer notre intelligence déductive, laissons-nous glisser sur les mots, sur le plaisir de l'écrivain à écrire qui vaut bien celui du lecteur... l'histoire du roi de Bohème reste à écrire à votre goût, selon votre inspiration et dans la bonne humeur !
Exactement le livre qu'il nous faut dans ces temps moroses où l'absurde hélas en chair et en os, en bombes et en diktats frappe à nos portes.
À emporter sur une île déserte ou du moins lors de votre prochain voyage en Bohème !
PS: n'hésitez pas à visiter le 4e château, il en vaut la peine.
:-) :-) :-)
Commenter  J’apprécie          4013

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
[...] si Sterne avoit été réservé par la providence du génie à cette époque raisonnable , sérieuse et puissante, où toutes les vérités utiles peuvent se montrer sans masque, il auroit jeté bien loin de lui la béquille de Trim et les grelots de Tristram ! Il y avoit cependant au fond de son ingénieuse satire un intérêt, une famille, une action, un roman. Dans l'ébauche insignifiante du copiste, je ne vois que la fastidieuse paresse d'un phrasier de profession, qui couvre le papier de mots tirés au hasard à l'inépuisable loterie des dictionnaires, et lancés avec fracas au travers d'un livre comme les dés du trictrac.
Cette monomanie sans exemple ne peut même s'expliquer que par un
accident physique, tel que l'action trop verticale des rayons du soleil auxquels l'auteur a exposé imprudemment dans ses voyages lointains la boîte osseuse dont les physiologistes font le mystérieux "scrinium" de nos facultés rationnelles, et qui ont tellement desséché, à travers la frêle enveloppe de son sinciput trois fois trépané, ce long chiffon nerveux roulé en tampon qu'on appelle vulgairement le cerveau, que celui de notre auteur est réduit, de l'avis de tous les anatomistes, à des proportions incomparablement inférieures en dimension, consistance et capacité, à celles de l'organe occulte qui tient lieu du "sensorium commune" au plus petit des animalcules microscopiques, vulgairement connus dans la science sous le nom d'infusoires.
Commenter  J’apprécie          362
Or, si je donne une minute par jour à la sensation,
Une minute par jour à la perception,
Une minute par jour à l'appréhension,
Une minute par jour à la compréhension,
Une minute par jour à la réflexion,
Une minute par jour à la discussion.
Une minute par jour à l'intuition,
Une minute par jour à la méditation,
Une minute par jour à l'invention,
Une minute par jour à la disposition,
Une minute par jour à la distribution,
Une minute par jour à l'exécution,
Et quatorze cent vingt-huit minutes à la distraction et au sommeil (c'est réellement la moindre mesure de délassement et de repos qu'on puisse dispenser à une vie occupée de labeurs si vastes et si sérieux); –

Cela fait quatorze cent quarante minutes dont je me départirois quotidiennement en faveur de l'Histoire du roi de Bohème et de ses sept
châteaux.

Mais la composition du premier volume m'ayant coûté trente ans, trois semaines et quelques heures, nous ne compterons que trente ans pour éviter le calcul des fractions, - je ne pourrois guère fournir ma dernière livraison avant le mois de mars de l'an ving-neuf cent neuf.
Commenter  J’apprécie          213
Et voilà pourquoi les sociétés marchent lentement. Chaque siècle a ses besoins.

Le besoin le plus pressant de notre époque pour un homme raisonnable qui apprécie le monde et la vie à leur valeur, c'est de savoir la fin de l'histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux.

Moi, je n'ai besoin que d'un cheval : soit nécessité, soit caprice, je n'irai pas en Bohême sans cheval. Une entreprise comme celle-ci vaut bien les frais d'un cheval, et cependant j'ai vu passer vingt souscriptions sans qu'il fût question d'un cheval pour aller en Bohême !

Un cheval ! un cheval !
Commenter  J’apprécie          164
Oserois-je vous demander quel livre n'est pas pastiche, quelle idée peut s'enorgueillir aujourd'hui d'éclore première et typique!
Commenter  J’apprécie          190
─ Foin de la pédanterie et des pédants, continua Breloque. Ce maudit barbacole que voici m'a tellement matagrabolisé le cerveau de ses nomenclatures scientifiques que j'ai presque oublié de parler chrétien.
Commenter  J’apprécie          95

Video de Charles Nodier (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Charles Nodier
D'abord érigé à des fins militaires, le bâtiment de la Bibliothèque de l'Arsenal a basculé dès la seconde moitié du XVIIIe siècle dans le champ de la sociabilité savante et mondaine, sous l'égide du marquis de Paulmy qui y constitua une remarquable collection encylopédique à partir de 1756. À sa suite, d'autres hommes et femmes s'illustrèrent à l'Arsenal comme passeurs pédagogiques et culturels, à l'instar de Madame de Genlis, Charles Nodier ou José Maria de Heredia.
Anne-Bérangère Rothenburger, conservatrice à la Bibliothèque de l'Arsenal, vous invite sur les pas de ces illustres, à travers une promenade dans les représentations iconographiques variées (gravures, statues, peintures, photographies…) conservées dans les collections de la BnF.
+ Lire la suite
autres livres classés : digressionVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (14) Voir plus



Quiz Voir plus

Le XIX° siècle comme vous ne l'avez jamais lu !

Théophile Gautier a écrit "Le roman de ..." ?

la mémé
la momie
la mamie
la mommy

10 questions
418 lecteurs ont répondu
Thèmes : 19ème siècleCréer un quiz sur ce livre

{* *}