En l'an 2000, toute juste remise du succès de « Stupeurs & Tremblements », Amélie s'essaye au livre d'art.
Un recueil de trois contes qui revisitent les classiques, réunis dans un petit livre ressemblant à un catalogue de galerie d'art. Rien de plus normal, puisque les éditions de la Pierre d'Alun flirtent avec le milieu de l'art. Les illustrations, gentiment sombres et naïves sont signées Kiki Crévecoeur, un patronyme que ne désavouerait pas l'autrice aux chapeaux.
Toutes les publications de Mademoiselle Nothomb n'étant que des nouvelles augmentées, elle pousse l'atrophie à son comble, façon bonzaï. Une plume ciselée, sculptée, façonnée et se privant de l'art du dialogue qui lui est pourtant si cher.
Nothomb n'en est cependant pas à son coup d'essai : plusieurs de ses nouvelles ont été publiées dans divers journaux, en accompagnement d'une réédition d'un de ses livres ou au sein d'un collectif.
Néanmoins, cette fois il est question de contes. Donc destinés aux enfants. Et puisque nous sommes au pays d'
Hergé, j'ajouterai : de sept à soixante dix sept ans.
Elle revisite la légende du Hollandais volant, sauf que celui-ci, parfaitement polyglotte et même allant au-delà, dépassant toutes les frontières de la linguistique, ne prend pas la mer, mais le train. La ligne Paris-Bruxelles, bien entendu. Détail amusant : malgré la petite dizaine de personnages croisés dans ce compartiment, aucun nom n'est cité.
Les deux autres contes jouent avec l'humour noir, en particulier ce portrait d'un serial killer qui, tel un gastronome, va découvrir un sens à sa vie en remplaçant la médiocre quantité qui ne rassasie jamais personne, y compris ceux qui entendent se substituer à la Grande Faucheuse (surtout eux) contre une élévation de ses désirs et ambitions au point le plus haut.
Déjà la recherche de la beauté ; l'un, si ce n'est pas LE thème principal de toute l'oeuvre Nothombienne.
Enfin, Cendrillon passé à la moulinette d'Amélie. Un pur régal. Un bijou. Ce prince entouré de tant de beauté qu'il n'a d'idéal que la plus répugnante laideur.
Chez Nothomb, la laideur, du moins la vraie hideur, celle qui fait se retourner les passants dans la rue, croyant avoir la berlue, celle qui oblige à détourner le regard au risque de vomir, celle qui imprime sa monstruosité durablement, celle qui n'a pas d'égale, celle qui ne déçoit jamais. Cette laideur, telle une oeuvre d'art (lire
Eric Emmanuel Schmitt), est toujours très proche de la beauté absolue, celle qui fait se retourner les passants dans la rue, croyant rêver, celle qui oblige à baisser les yeux, éblouis par tant d'éclat comme face à une explosion nucléaire, celle qui imprime sa perfection pour l'éternité, celle qui n'a pas d'égale, celle qui rend fou – car, bien entendu, cette magnificence n'est pas, ne sera jamais pour vous.
Du reste, la beauté est toute relative et purement altruiste : puisqu'on ne peut se voir sauf à utiliser un miroir, ce si faux ami, nous ne voulons être beau que pour les autres. le don de soi absolu, sans contrepartie.
Ce Prince à la recherche de la plus laide des Princesse, comme celui de Perrault, la chaussure oubliée dans sa main, penaud et désenchanté. N'ayez crainte, comme dans tout bon conte, cela finira bien et le couple si joliment assorti produira des myriades de petits rejetons parfaitement repoussants.