AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782882508935
96 pages
Noir sur blanc (18/01/2024)
3.69/5   8 notes
Résumé :
Nietzsche a quitté sa patrie en 1886. Il vit désormais entre Nice, Sils Maria et Turin, à la recherche d’un climat qui épargnerait ses nerfs, ses yeux, sa tête, son estomac. C’est un exilé ; il abomine l’Allemagne, sa langue, sa religion, sa cuisine. Il s’est débarrassé de Dieu et voilà qu’il veut provoquer la naissance d’un monde nouveau, inspiré par une esthétique nouvelle. Mais qu’est-ce que l’esthétique, quand on n’a que dédain pour l’architecture et la peinture... >Voir plus
Que lire après Nietzsche au pianoVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Nietzsche et la musique

Friedrich Nietzsche a voué une passion pour la musique qu'il considérait comme l'art ultime. S'il est passé à la postérité pour ses écrits, Frédéric Pajak retrace ici son parcours de mélomane, ami puis ennemi de Richard Wagner, de compositeur et de critique.

François Cavanna avait trouvé une jolie formule, «Beethoven était tellement sourd que, toute sa vie, il a cru qu'il faisait de la peinture», que l'on peut la paraphraser pour résumer ce récit de Frédéric Pajak en disant que Nietzsche était tellement possédé par cet art que toute sa vie, il a cru qu'il faisait de la musique.
En retraçant la biographie du philosophe, Frédéric Pajak va s'attacher à nous faire découvrir le mélomane. Une passion née dans l'enfance. Il n'a pas dix ans quand il se met au piano et commence à composer en même temps qu'il s'essaie à la poésie et à l'écriture.
Durant toutes ses années de formation, il va poursuivre dans cette voie, cherchant des modèles tout en cherchant à percer grâce à ses compositions. jeune Nietzsche écrit et compose. À Bonn et Bâle, il étudie la théologie et la philologie, suit les cours de Burkhardt sur la civilisation grecque avant de devenir à son tour professeur. En 1868, à Leipzig, il rencontre Wagner et Cosima, la femme aux côtés du maître, qui va le fasciner. Durant les années qui suivent, il va passer de l'amitié à l'admiration. «C'est le plus grand génie et le plus grand homme de notre époque, véritablement incommensurable ! Toutes les deux, trois semaines, je passe quelques jours dans sa propriété du lac des Quatre Cantons et je considère ce rapprochement comme la plus grande conquête de mon existence, au même titre que celle que je dois à Schopenhauer».
Il publie Wagner à Bayreuth. Il est du reste l'un des artisans du Festival bavarois, connaît tout des oeuvres du compositeur de la tétralogie. Mais déjà des critiques se font jour. Elles vont devenir de plus en plus vives, jusqu'à devenir le cas Wagner et entraîner une rupture brutale entre les deux hommes qui se tenaient jusque-là en haute estime.
Frédéric Pajak montre bien le renoncement de la musique wagnérienne et la découverte de celle de Bizet, une vraie révélation pour celui qui, avant de sombrer dans la folie, aura toujours considéré que la musique était un art majeur.
Peut-être même faut-il voir dans l'absence de reconnaissance de ses oeuvres musicales, la dépression et les problèmes psychiques de l'auteur de Ainsi parlait Zarathoustra.
Avec sa plume élégante et avec l'aide d'une documentation fournie que l'auteur a déjà rassemblé pour Nietzsche et son père et L'immense solitude, on découvre combien durant cette fin de XIXe siècle l'esprit des Lumières et l'envie de confronter la science et les arts, de jeter des passerelles entre les disciplines était forte. Un petit livre fécond qui souligne aussi la musicalité de l'écriture du philosophe. Une autre preuve de l'enrichissement d'un art lorsqu'il se marie avec un autre.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.

Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          250
Après l'excellente somme que nous a donné à lire Guy Boley l'an passé avec À ma soeur et unique (Grasset) – qui traitait (en partie), vous l'aurez sans doute deviné, de la soeur de Nietzsche -, voici de quoi prolonger l'ivresse avec ce portrait concis, passionné aussi, du philosophe en musicien et de son rapport avec Wagner - qu'il adore, avant de l'abhorrer. C'est un éloge autant qu'un (petite) biographie, un essai amoureux autant qu'un splendide roman. On retrouve les dessins de l'auteur, dessins qui n'étouffent pas le propos, au contraire : ils lui donnent de l'espace. On entend la musique du texte, ce style volontiers mélancolique, parfois même lyrique, toujours juste, jamais fruste. C'est beau. C'est du Pajak.
Commenter  J’apprécie          50
Après avoir lu tout Nietzsche depuis ses dix-sept ans « assis sur un tabouret dans une chambre d'étudiant à Pékin », Frédéric Pajak a constaté que la musique jouait un rôle capital dans la quête esthétique du philosophe.
Le rythme musical imprègne toute son écriture, mais pas seulement.
Nietzsche était un pianiste fou d'improvisations brillantes, compositeur un peu moqué de petites pièces musicales, admirateur fanatique de Wagner, puis son contempteur le plus violent.
Ce très beau petit livre, mi-essai, mi-étude biographique est illustré par les dessins noirs à l'encre de chine de Pajak qui pour une fois s'est effacé derrière le philosophe, auquel il a consacré beaucoup de pages sensibles et empathiques depuis le « Nietzsche et son père » datant de 2001.
Commenter  J’apprécie          40


critiques presse (1)
LaTribuneDeGeneve
02 février 2024
Dans son «Nietzsche au piano», Frédéric Pajak arrive à nous faire regretter de savoir les improvisations du philosophe au clavier perdues à jamais. Dans ce court ouvrage ciselé augmenté de huit illustrations – pour une fois, on peut qualifier ses dessins de tels… – l’auteur du «Manifeste incertain» revient sur un penseur qu’il a déjà souvent abordé.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Depuis mes dix-sept ans, Friedrich Nietzsche D ne m'a pas quitté. J’ai d’abord été séduit par son nom illisible : un z mal placé, et un sche imprononçable. Je l’ai lu pour la première fois en découvrant son poème excessif, son évangile à l’envers, Ainsi parlait Zarathoustra, auquel je n’ai rien compris. Mais j'en ai savouré l’éloquence, la cadence, la démesure. Par la suite, j'ai lu Par-delà bien et mal. Le titre me plaisait; il parlait à celui que j'étais, au plus profond de moi, adolescent échoué sur le sable gris des adultes, offert sans réserve aux tourments de l’âme: je me sentais concerné. Et puis, j'ai fini par lire son œuvre complète, assis sur un tabouret dans une chambre d'étudiant à Pékin. Je me suis enivré de celui qui avait fini par signer ses lettres « Dionysos». Très vite, je compris que je n'avais pas affaire à un philosophe, mais à un artiste, un poète considérable. Son style m’emportait, me faisait tourner la tête, par ses intuitions, ses clameurs tournées en dithyrambes. J'y retrouvais aussi l'élégance et l’ironie des moralistes français, à commencer par Vauvenargues, La Rochefoucauld, Chamfort et Joubert, que je chérissais. Nietzsche écrivait en français, avec des mots allemands. Dans ses phrases, j’entendais distinctement une authentique musique, piano, cordes, Cuivres et percussions.
J'ai donc tout lu tout, puis je me suis égaré dans d’autres littératures. J’ai avalé la tiédeur des livres inutiles ou accessoires. Je n’ai pas réussi tout à fait à me désennuyer.
Un jour, par curiosité, J'ai écouté une petite pièce pour piano composée par Nietzsche. J'ai été ému par ces notes claudicantes, ces harmonies presque inachevées qui cherchent sans détour à vous arracher des larmes, Cette musique innocente, mélancolique à souhait, d’une inspiration ô combien juvénile, il l'avait rêvée dionysiaque, musique de danseur et de satyre surgie de la nuit du monde. Il n’en fut rien: ces frêles compositions n’annoncèrent pas le grand renouveau de la grande musique allemande. Mais le dilemme du philosophe musicien, écartelé entre sa délicatesse romantique et ses rêves d’Antiquité, me bouleverse toujours. J’ai aussi longuement médité sur son rapport parricide à Wagner; j'ai entendu son aversion pour cette musique trop «teutonne », obéissant avant tout aux injonctions du théâtre. Et j'ai ressenti sa blessure, faite d’amertume et de colère froide.
Enfin, j'ai admis que la rencontre de Nietzsche ne se limitait pas à la seule lecture: il s'agissait d’une expérience totale, en partie philosophique, mais surtout esthétique, c’est-à-dire poétique et musicale. Nul n’en sort indemne, pas même ceux qui ont porté l’auteur aux nues dans leurs folles années, avant de se montrer désabusés. Ils lui tiennent rancœur de les avoir étourdis. Ingrats, ils voudraient l’oublier, mais Nietzsche ne s’oublie pas: sa pensée tourbillonnante, paradoxale, polémique, à la fois désespérante et gaie, nous hante. À le lire et à le relire, on s’aperçoit que la musique imprègne son écriture: ses phrases sont toujours musicales, ses livres sont des symphonies. Nietzsche est musicien avant tout; la musique ne l’a jamais quitté. Sa vie se lit à livre ouvert dans les quelques partitions qu’il nous a laissées, et qu’il faut entendre pour ce qu’elles sont : des promesses.
À une demi-heure de Leipzig, au milieu d’une campagne verdoyante piquée de coquelicots, se dresse le petit village de Röcken, aujourd’hui menacé d’être détruit par le projet d’exploitation d’un gisement de lignite. La maison est imposante, avec son toit immense percé de trois larges fenêtres, comme des yeux mi-clos. C’est là que Friedrich Nietzsche est né le 15 octobre 1844, et c’est là qu'il passe ses premières années dans une heureuse insouciance. Viennent une sœur, Élisabeth, et un frère, Joseph. La mère, Franziska, couve littéralement le petit Friedrich; elle le surveille sans cesse, s’inquiétant de ses moindres faits et gestes, au point qu’il ne parvient pas à parler comme les enfants de son âge. Il faut l’intervention du médecin de famille pour qu’il accède à la parole.
Après des mois de maladie, Ludwig Nietzsche, le père adoré, meurt d’un ramollissement du cerveau.
Il a trente-cinq ans, et son fils aîné en a cinq. Ce fut un pasteur résolument luthérien, lui-même fils de pasteur, doublé d'un excellent pianiste, féru de grande musique. Le dimanche, dans son église, on chantait, on composait même quelque lied à l'occasion d'un anniversaire ou d’une veillée de Noël.
Le jour de ses obsèques, en début d’après-midi, on entendit une grande sonnerie de cloches jusque loin à la ronde. Ce «glas caverneux » ne quittera plus les oreilles de Friedrich, lequel frémira longtemps au souvenir de la sombre mélodie du choral chanté dans l’église: Jésus mon refuge.
Quelques mois plus tard, après une courte maladie, c’est au tour du petit frère de trouver la mort. Friedrich restera à tout jamais meurtri par ces deux disparitions.
Privé de son père, privé de son frère, il grandit dans une société composée entièrement de femmes: la mère, la sœur, la tante, la demi-sœur de Ludwig et la vieille domestique. Toutes ont vu en lui un futur pasteur, digne de son père et de ses grands-pères, puisque sa mère descend elle-même d’une lignée de pasteurs. Le destin est déconcertant, qui fera de ce petit garçon entouré d’une famille pieuse le grand ennemi du christianisme et de la religion réformée.
Très tôt, il se met au piano; il passe pour un élève doué, apprend à lire la musique et à déchiffrer des œuvres symphoniques qu’il joue dans leur transcription pour clavier.
Friedrich, par ses manières affectées, sa politesse excessive et son élocution d’ecclésiastique, devient la risée de ses camarades qui le surnomment «le petit pasteur ». Il délaisse l'emploi du dialecte pour ne plus parler que dans la langue classique.
Il ressent pour la musique une attirance profonde. Sa mère s’attache à ce qu’il suive une instruction musicale poussée. Elle prend elle-même des cours de piano afin de pouvoir jouer avec lui et le voir progresser. Il étudie les traités d’Albrechtsberger, et acquiert suffisamment de connaissances en matière de composition et d’harmonie pour se mettre à écrire d'innombrables fugues.
À l’âge de quatorze ans, il compose différentes pièces pour piano, notamment des fantaisies et des mazurkas. Il note: «Si Dieu nous a donné la musique, c'est d’abord pour qu’elle nous aide à nous élever plus haut. Elle possède tous les pouvoirs; elle peut nous exalter, nous divertir, nous rasséréner, ou briser le cœur le plus rude par la douceur mélancolique de ses accents. Mais sa destination principale est de diriger notre pensée vers ce qui est au-dessus de nous, d’élever notre âme et même de nous ébranler. [...] Si la musique ne sert qu’au divertissement ou à la vaniteuse ostentation, elle est coupable et nuisible. Ce double défaut est pourtant très fréquent; toute la musique moderne en est envahie. »
Dans la chorale du village, il a le sentiment d’être parfaitement intégré. Il chante à l’église, part pour des excursions avec ses camarades. Il se familiarise avec les œuvres de Schumann, Mendelssohn et Mozart, compose un petit chant de Noël sur ces paroles: « Ouvrez-vous toutes grandes, ô portes du monde, devant la gloire du Seigneur... »
En revanche, le dessin lui est un supplice. Il se montre absolument réticent à cet enseignement et ne parvient pas à accomplir le moindre exercice satisfaisant. On a conservé des croquis de sa main, notamment une bataille navale — pour le moins embrouillée. La peinture ne l'attire pas, malgré quelques velléités suscitées par la visite de différentes expositions; l'architecture non plus: son goût se porte très nettement vers la poésie, qu'il lit et écrit dès l’âge de neuf ans. Et vers la musique — l'oreille avant l'œil.
En souvenir de son père, il compose un arrangement pour quatre voix et des chorals, des messes, un oratorio de Noël, restés à l’état d’ébauches. Il parvient à achever un Miserere. La musique religieuse est pour lui le plus court chemin pour accéder au sacré. Écoutant La Passion selon saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach, il est ébloui: « Le christianisme, pour qui l’a totalement désappris, retentit ici véritablement comme un évangile. »
Il réclame sans cesse des feuilles de partition, surtout à l'approche de Noël — il ne peut imaginer cette fête sans nouvelles compositions. Il assiste à de nombreux concerts, à des récitals privés et à des séances de musique de chambre. II chante volontiers, mais c’est au piano qu’il s’exprime le mieux. Il aime improviser et ses auditeurs en sont durablement impressionnés. Ce goût pour l'inattendu, pour le jaillissement spontané des notes, des accords, des tempos ne l'abandonnera jamais.
Commenter  J’apprécie          91
Privé de son père, privé de son frère, il grandit dans une société composée entièrement de femmes : la mère, la sœur, la tante, la demi-sœur de Ludwig et la vieille domestique; Toutes open vu en lui un futur pasteur digne de son père et de ses grands-pères, puisque sa mère descend elle-même d'une poignée de pasteurs. Le destin est déconcertant, qui fera de ce petit garçon entouré d'une famille pieuse le grand ennemi du christianisme et de la religion réformée. (p. 12-13)
Commenter  J’apprécie          40
« Enfin, j’ai admis que la rencontre avec Nietzsche ne se limitait pas à la seule lecture : il s’agissait d’une expérience totale, en partie philosophique, mais surtout esthétique, c’est-à-dire poétique et musicale. Nul n’en sort indemne, pas même ceux qui ont porté l’auteur aux nues dans leurs folles années, avant de se montrer désabusés. Ils lui tiennent rancœur de les avoir étourdis. Ingrats, ils voudraient l’oublier, mais Nietzsche ne s’oublie pas : sa pensée tourbillonnante, paradoxale, polémique, à la fois désespérante et gaie, nous hante. »
Commenter  J’apprécie          20
Nietzsche dirait aujourd’hui de Wagner qu’il est un artiste de variétés. Vu sous cet angle, le différend entre les deux hommes était inéluctable. (p. 48)
Commenter  J’apprécie          60
Certes, et Nietzsche en sait quelque chose, la musique peut faire oublier la souffrance. Elle a des vertus physiologiques ; elle aide à digérer, calme les nerfs. Mais avant tout, elle doit être légère et inciter à la danse — car seul un dieu dansant serait digne de sa divinité. La musique romantique, y compris celle de Beethoven, réclame des spectateurs guéris, doués de bonheur. Nietzsche exige l'impossible de la musique, comme s'il voulait se débarrasser d'elle, ou s'y dérober.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Frédéric Pajak (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Frédéric Pajak
Lecteur, écrivain, dessinateur, Frédéric Pajak déploie son imaginaire depuis 2012 dans un livre sans fin, "Le Manifeste incertain " : au rythme d'un volume par an, cette entreprise littéraire s'achève cette année avec la parution de son 9e volume "Avec Pessoa". Si chaque volume est consacré à la biographie d'une figure que L Histoire a longtemps malmené, ils tissent entre eux une toile plus vaste, l'incertitude comme fil rouge.
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (25) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1714 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}