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Surfant sur la vague du « #Metoo », ce roman explore avec finesse et profondeur l'omerta qui entoure les agressions sexuelles.

Si le viol et ses circonstances sont hélas tristement banals, une jeune femme et un prédateur, celui-ci agissant avec l'impunité que son statut social particulièrement privilégié (un Nobel de la Paix!) lui octroie, sa proie ne tire de sa situation familiale elle aussi exposée aux commentaires publics, qu'une entrave de plus.

C'est ce que met en lumière le roman : la souffrance de la victime, qui ne pourrait s'atténuer que par une reconnaissance, est au contraire niée, sacrifiée sur l'hôtel de la bienséance , et rien ne doit éclabousser l'entourage. Certes il s'agit de la protéger, et on constate lorsqu'elle sort partiellement de ce silence emmurant, les dégâts collatéraux et le cauchemar d'une blessure réouverte.

Le constat est clair : il est impossible ni de garder le secret, ni de le conserver. C'est toute sa vie affective qui pâtit de l'impasse au fond de laquelle elle est terrée.

L'auteure va plus loin et suggère que l'histoire même du viol était inscrite de tout temps, et cela en raison des contraintes que suscite la notoriété, qui fait des célébrités des cibles pour la meute hurlante qui n'a rien d'autre à faire que de se saisir de faits divers vaguement inconvenants, et surtout amplifiés par la bêtise et le pouvoir délétère des réseaux sociaux, puisqu'il est impossible d'en faire abstraction.

Une histoire malheureusement ordinaire, dans le contexte particulier d'une victime médiatique, celui ne simplifie pas les choses pour se reconstruire. le savoir-faire et la culture de l'écrivain transparaissent à travers ces pages, et peut-être aussi l'expérience de n'être pas anonyme parmi les anonymes
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Hasard du calendrier, ce livre réservé à la médiathèque depuis plusieurs semaines m'est arrivé en pleine tourmente médiatique au sujet du viol et de la parole des victimes, avec l'affaire « Matzneff ».

L'histoire est malheureusement trop courante, un abus de pouvoir d'une personne haut placée, ici un prix Nobel de la Paix, sur une jeune fille qui n'a pu se défendre et s'est fait violer, acte défini comme un crime.

Issue elle-même d'une famille bourgeoise et intellectuelle, où la politique s'invite souvent dans les conversations, elle s'est d'abord bâillonnée, sous état de choc, et n'a pu révéler l'indicible.

Se taire n'est plus la seule issue, à l'heure où toutes les victimes, quelles qu'elles soient, sont exhortées à parler, à révéler, à formuler avec les mots justes, de ceux qui appellent un chat un chat, et un viol un viol. (La loi détaille parfaitement toutes les définitions).

Mazarine Pingeot, qui le précise, n'a jamais subi cette infamie, a su analyser avec finesse toute la problématique de la victime, qui d'abord se sent injustement coupable, puis se confie à ses proches, pour finalement se taire, trop longtemps. Longtemps, c'est le temps nécessaire pour se rendre compte que la gangrène progresse insidieusement, dans le corps, dans la tête, et tue peu à peu.

D'un style assez agréable, et tout à fait accessible, ce roman décrit bien la vie d'une femme qui a connu un « avant » et un « après ».

Oser porter plainte quand il n'y a pas prescription, faire face au scandale s'il s'agit d'une personnalité haut placée, s'exposer à subir la désapprobation de certains, l'épreuve est loin d'être aisée.

Ne plus se taire, révéler, témoigner, dénoncer, se libérer d'un secret létal : telle est l'injonction actuelle.
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Plusieurs fois, j'ai été tenté par un des livres de Mazarine Pingeot. Seulement, en la voyant intervenir dans des émissions culturelles, j'avais une certaine appréhension face à cette enseignante en philosophie. Je craignais que son écriture et ses résonnements soient un peu trop élitistes pour le simple lecteur que je suis.

J'ai très vite été rassuré. Même si elle traite de sujets de société qui font énormément débat, « Se taire » est un simple roman. Aucune digression, aucune analyse complexe, juste une histoire. Elle nous raconte la vie de la narratrice après une agression dont elle a été victime. On la suit dans tous ses déboires amoureux, amicaux et familiaux. On se retrouve au coeur de son quotidien. Mais bien sûr cette aventure n'est ni futile ni innocente. Elle aborde les différentes facettes des conséquences d'un drame traumatisant. C'est donc le lecteur lui-même qui va lancer ses propres réflexions.

Les thèmes abordés mettent en lumière les tabous qui règnent encore dans notre société moderne. le poids de la notoriété, l'impunité des puissants, le statut de la victime sexuelle et plus globalement de la femme, le texte regroupe l'ensemble des préjugés qui ont perduré dans le temps et qui créent encore de l'injustice. le silence apparaît alors comme la seule solution à la vindicte populaire.

Je suis ravi d'avoir dépassé mes préjugés pour découvrir le style Mazarine Pingeot. L'écriture de l'écrivaine est de haut rang et en même temps très agréable à lire. le personnage de Mathilde est attachant et son destin chaotique est passionnant. Loin d'être larmoyant, il se présente comme une vision objective des mentalités d'aujourd'hui, avec leurs faiblesses et leurs incohérences.

Le travail vers un monde plus juste est encore long mais ce livre peut être considéré comme une pierre de l'édifice du changement. Romanesque et utile !
Lien : http://leslivresdek79.com/20..
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#Metoo mission ou démission?

En imaginant une fille de bonne famille se faire violer par un Prix Nobel de la paix, Mazarine Pingeot entend montre dans un roman éclairant qu'il est difficile de lutter contre «des décennies de servitude féminine et d'acceptation du silence.»

https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/dans-son-prochain-livre-mazarine-pingeot-evoquerait-elle-le-viol-de-sa-niece-par-un-celebre-homme-politique_431921

Commençons par évacuer cette polémique que la presse people s'est empressée de relayer. Il faudrait voir dans ce roman l'histoire de Pascale Mitterrand, la petite fille de l'ancien président. Elle serait l'auteur de la plainte à l'encontre de Nicolas Hulot et les faits relatés par Mazarine Pingeot seraient inspirés par ce qu'elle a vécu. Outre le fait que la romancière et son éditrice rejettent ces allégations, il faut une fois encore dénoncer un faux procès et laisser aux romanciers leur liberté, le droit de s'inspirer de témoignages et de faits divers pour construire une oeuvre de fiction plausible, réaliste.
Le personnage de Mathilde Léger, jeune fille de vingt ans, est au coeur du roman. Fille «du plus grand chanteur français, artiste engagé, et image de la France» et d'une intellectuelle féministe, petite-fille d'un écrivain membre de l'Académie française et également conscience morale du pays, elle a choisi d'être photographe. Parmi ses premiers mandats, elle se voit confier la réalisation d'une série de portraits du Prince de T., Prix Nobel de la paix qui vient de perdre sa fille. Dès les premières minutes du rendez-vous, elle sent que le regard du «grand homme» est bizarre, mais reste fixée sur le travail qu'elle a à faire. C'est alors que les choses dérapent : «Il prend mon visage dans sa main, le serre, […] il pose ses lèvres violemment contre les miennes, et me mord, et cherche ma langue, quand la deuxième main s'enfonce dans mon jean, puis ma culotte et enfin mon sexe, qu'il tient fermement […] il me pousse sur le lit, me traite de petite salope, baisse violemment mon pantalon et s'enfonce en moi, il y reste peu de temps. […] il me dit que je suis belle, qu'il aime ma beauté, qu'il m'a déjà vue dans des magazines, quand j'étais plus petite, qu'il m'avait repérée, que ça faisait longtemps qu'il en avait envie, il est content, il me remercie, mais maintenant il a du travail à terminer, si je pouvais le laisser. »
Malgré le choc et la sidération, Mathilde fait les photos qu'elle était venue réaliser et qui bientôt paraîtront en une du magazine qui l'a engagée et qui lui vaudront de vivres félicitations. Mais pour la jeune fille, ces clichés seront d'abord une marque d'infamie et le douloureux rappel d'une scène qu'elle veut oublier. Parce qu'elle a «été programmée pour ne pas faire scandale. le Prix Nobel l'a bien compris.»
Car ici, contrairement au roman de Karine Tuil qui aborde aussi la question du viol et de ses conséquences, il n'est pas question de porter plainte. le premier réflexe de la jeune fille, c'est de nier la chose, de laisser le silence recouvrir la chose: «Cette scène n'a pas eu lieu, j'en suis le seul témoin, les photos n'en montreront rien.»
Mazarine Pingeot montre fort bien combien il est difficile de vivre avec une telle épreuve. Car on ne se sent pas seulement souillée, on se sent aussi responsable…
«Depuis le Nobel, tout chez moi est coupable, le corps, le manque d'appétit, la fatigue, encore elle, demeurer auprès des miens, les quitter, l'approche de la nuit, le réveil. Les mots comme le silence. Tout s'équivaut, la valeur a failli. Son idée même. C'est dire. Et moi qui préférais l'image, ça me semblait plus vrai, plus fort. Je me raccroche aux mots que je ne dis pas. Je n'ai plus aucune confiance ni dans les formes ni dans les couleurs. Je n'ai plus confiance en ce que je vois.»
Au poids pesant d'une famille qui refuse le scandale vient s'ajouter «des décennies de servitude féminine et d'acceptation du silence.»
Seule Clémentine, la soeur de Mathilde, lui prête une oreille attentive, compréhensive, essayant de la soutenir, de lui changer les idées, de faire que le mal passe.
Sa rencontre avec Fouad marquera-t-elle la fin du traumatisme? Maintenant qu'elle a trouvé un homme avec lequel elle n'éprouve pas de crainte, avec lequel elle a envie de se construire un avenir, avec lequel elle se confie. Et qui l'encourage, bien des mois plus tard, à porter plainte.
Le fera-t-elle? Sera-t-elle prête à accepter le procès? À reprendre cette histoire douloureuse? C'est tout l'enjeu de la fin de ce roman, aussi surprenante que réussie.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Mathilde, dont la famille est particulièrement célèbre ( père chanteur, grand père écrivain) est photographe pour un prestigieux journal du haut de ses 20 ans.

Un jour elle doit réaliser le portrait du prix Nobel de la paix tout juste endeuillé du suicide de sa fille. Victime d'une agression violente par cet homme, c'est la vicitime qui va devenir bafouée et se sentir coupable de cette terrible épreuve.

Mazarine Pingeot , qui n'a pas toujours été défendu dans ses colonnes, nous offre un nouveau roman intéressant, qui surfe parfaitement sur la vague du « #Metoo »,
Son roman sonde le poids écrasant du secret tant les vicitimes doivent apprendre à se taire ne pas faire de vagues.

Un peu comme "Le Malheur du bas » d'Inès Bayard l'an passé, "Se taire" est le portrait au scalpel dans l'intimité d'une femme qui a subi un tél événement.
Mazarine Pingeot montre bien les souffrances au quotidien le cheminement moral qui découle de cet acte, et la souffrance de la victime, qui se trouve sacrifiée par le déni et les conventions.


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Une jeune femme se fait violer par un prix Nobel de la paix. On la voit lutter pour s'en relever, se laisser séduire par un autre homme et construire tant bien que mal une relation de couple. Sa soeur la soutient, mais pas ses parents qui, personnalités bien connues, la poussent à étouffer l'affaire. Je vous recommande chaudement ce roman de Mazarine Pingeot, qui se montre une de fois de plus magistrale lorsque qu'elle aborde les thèmes du secret et du poids du milieu familial.

Après avoir été marqué par la force émotionnelle de "Magda", j'ai gardé à Mazarinne Pingeot une place de choix sur ma pile, place que "Se taire" à confirmée.

Mathilde est une jeune photographe. Son père est un chanteur vedette, son grand-père est un poète renommé. Cette belle carte de visite familiale la fait remarquer par un magazine, qui l'envoie tirer le portrait d'un prince, récemment honoré d'un prix Nobel de la paix. Viol mondain, dirais-je: Mathilde ne se fait pas brutaliser dans un terrain vague mais elle se laisse maîtriser par l'autorité dégagée par le prince, seul dans son beau bureau.

Et puis elle prend la photo commandée par le magazine…

Comme la plupart des femmes qui subissent cette offense, Mathilde peine à la raconter. Et quand elle parvient à s'en ouvrir à sa famille, on lui conseille poliment d'étouffer l'affaire, pour ne pas se faire détruire par le scandale médiatique qui allait en résulter. le style vif de cette première partie fait particulièrement bien ressentir toute la colère et la haine de Mathilde.

Heureusement, pour supporter tout le poids du milieu familial imposé par ses parents, Mathilde peut s'appuyer sur la sagesse réconfortante de sa grand-mère et sur l'infatigable dynamisme de sa soeur (elle pratique le roller derby, renseignez-vous et vous comprendrez).

Ensuite, le rythme du texte s'apaise lorsque Mathilde rencontre Fouad avec qui, petit-à-petit et avec la méfiance qu'on imagine, elle entame une relation de couple. Fouad fait preuve de beaucoup de bienveillance. Mais tout de même... Je trouvais qu'il avait tendance à faire preuve d'une certaine autorité qui, malgré toute son affection, rappelait un peu l'autorité du prince. Je vous laisse découvrir la suite…

Reste enfin à Mathilde à exorciser son viol, à poser un acte qui la fera prendre le dessus, une fois pour toutes, sur ce qu'elle a subi. J'aime beaucoup la solution proposée par Mazarine Pingeot; je n'en dirai pas plus…

Enfin, si vous avez lu ce livre, je suis curieux de comprendre comment vous avez compris le tout dernier paragraphe. Je me suis demandé s'il signifiait le bout de récit qui le précède était un film que Mathilde s'était joué dans sa tête avant de frapper à la porte (répondez-moi en message privé pour ne pas en dire trop à ceux qui n'ont pas lu). Et j'ai bien apprécié que le récit se termine sur ce petit mystère: cela laisse un beau sillage d'ambiance en terminant la lecture.

Un excellent moment de lecture, même si la force du texte était moins intense que celle de « Magda ». Quoi qu'il en soit, je laisse Mazarine Pingeot sur ma pile, assurément !
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Je n'ai pas gardé de souvenir de lecture du premier livre de M.Pingeot ,encore trop proche de la rue d'Ulm très certainement, mais j'ai quasiment eu un coup de coeur pour celui ci qui traite de sujets du moment certes mais avec quelle maestria!
De nombreux thèmes sont abordés: peut-on et même doit-on se délivrer d'une enfance préservée mais corsetée? le nom, le milieu, la réputation d'une famille peuvent ils être jetés en pâture par un de ses membres qui n'est pourtant que la victime innocente d'un pervers lui aussi intouchable? Et cette victime de viol, si elle s'appelait Machin Chose serait crue et entendue, mais une fille de famille célèbre n'attirera t-elle pas les les hyènes tapies au fond des salles de rédaction?
Et puis le fameux "vivre ensemble" est-il un fait certain, Peut -on croiser des racines quand l'une a plus de force que l'autre?
Toutes ces questions sujettes à une réflexion profonde de l'auteur sont admirablement restituées , l'écriture est limpide bien que travaillée, cela donne un excellent moment de lecture . Peut-être au moment (proche) de sa sortie y aura-t-il quelques supputations malsaines, ou pas d'ailleurs, quant à l'identité de l'agresseur, et là les Edts Julliard se remettront au travail...
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Oppressant ! Fascinant !
« Se taire » est encore un roman superbement sombre, comme je les aime. Même si j'ai suffoqué, même que j'ai lu en apnée, j'ai vibré pour Mathilde, le personnage central de cette histoire.

Mazarine Pingeot avec la finesse de son écriture, a l'art de savoir entretenir le suspense, de mettre dès le départ sa lectrice ou son lecteur sous pression, pour mieux le happer comme je le fus, par l'histoire de la vie de Mathilde.
Parce que Mazarine, a encore donné une profondeur impressionnante à ses personnages, qu'elle creuse et qu'elle dissèque méthodiquement.
Ces mots s'imbriquent implacablement les uns dans les autres, pour former une superbe analyse psychologique aux situations tragiques auxquelles sera confrontée cette jeune fille de vingt ans.
Bien sûr le roman ne fait pas dans la dentelle, ni dans la poésie, mais il m'en fut bouleversant.


J'avais déjà lu de cette auteure à part entière, « le cimetière des poupées », que j'avais beaucoup aimé par le style et surtout son histoire sordide inspirée de faits réels.
Mazarine n'est plus la fille de… N'est plus la fille cachée de…
D'ailleurs ce n'est pas un hasard si l'auteure s'est faite la narratrice dans ce présent roman.
Mazarine est Mathilde, qui est la fille d'un très célèbre chanteur à succès engagé, un symbole pour la France. Et qui a eu aussi un grand-père à l'Académie française.
J'ai ressenti qu'à travers son héroïne, Mazarine avait aussi souffert déjà d'avoir été la fille cachée, l'enfant du scandale d'un grand personnage. Et qu'ensuite, Mazarine a eu l'impression d'avoir été « violée », c'est son propre mot, lorsque son existence fut dévoilée aux yeux du monde.


Ce sont des sentiments semblables, par des mots très forts qui sentent le vécu, que vit Mathilde. Elle qui voudrait souvent passer inaperçue, surtout qu'elle est jolie femme et dont cet héritage familial lui pèse. Cette notoriété des parents et des aïeux la met en souffrance.
Même son patron l'utilise, elle et son nom célèbre, comme un sésame. C'est son nom qui permettra à la jeune fille d'aller faire des photos d'un brillant prix Nobel, adulé et respecté de tous.


En entrant chez cet homme admiré du monde entier, la gentille Mathilde ignore que sa vie va basculer à jamais. Qu'elle va vivre un point de non-retour.
Tout se passe très vite, l'homme, devenu fauve, devenu ordure, la prend violemment, bestialement…


Il y a ce moment où Mathilde ne comprend pas ce qui lui arrive. Ou ne veut pas comprendre. Ou a peur de comprendre qu'un homme est en train d'abuser d'elle.
Il y a le moment d'après, après cet acte ignoble et sauvage, où Mathilde se surprend à prendre des photos de son agresseur comme si rien ne s'était passé. L'homme prenant même la pose devant l'objectif.
Et puis il y aura cet autre moment où la jeune fille abasourdie, pensera qu'elle a vécu un cauchemar, mais la douleur de son corps et le sperme qui coule entre ses jambes, la ramèneront brutalement à la réalité.
Il y aura cet autre moment où Mathilde s'apercevra alors qu'une partie d'elle-même ne lui appartient plus, celle qui vient d'être souillée, profanée. Qu'une partie d'elle s'est déstructurée et vient de s'éteindre.


Viendra le moment d'après, le plus effrayant, le plus cruel, celui du questionnement, celui où Mathilde s'interrogera si elle doit parler et dénoncer cette agression, cette ignominie, ce viol dont elle vient d'être la victime ou si elle doit se taire.
Se taire, se murer dans le silence jusqu'à l'étouffement.
Se taire, pour mieux enfouir les brûlures de son âme.
Se taire, pour oublier la salissure, pour oublier ce dégoût qu'elle a en elle.
Se taire, par soumission, par l'éducation bourgeoise qu'elle a reçue
Se taire, pour ne pas faire de vagues, pour éviter le scandale, parce que ses parents le lui ont demandé, parce qu'elle est une jeune fille trop sage et obéissante.
Se taire, pour ne pas jeter l'opprobre sur la famille, ni faire de peine à maman, papa et grand-mère.


Se taire, c'est minimiser outrageusement un viol pour protéger la notoriété d'un nom, pour protéger le clan.
Se taire, c'est aussi risquer de ne plus pouvoir un jour, se reconstruire.
Viendra ce moment où la vie de Mathilde sera plongée dans un drame humain et féroce. La jeune fille y fera un long naufrage.


Viendra aussi, beaucoup plus tard ce moment de la rencontre de Mathilde avec Fouad.
Sera-il un ange gardien ou sera-il un ange déchu ?
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Merci à Babelio et aux Editions Julliard de m'avoir procuré ces épreuves non corrigées du livre de Mazarine Pingeot : « Se taire ».

« Se taire », tout est dit.
Ce silence qui étouffe chaque victime, ce silence qui l'entoure.
L'auteure nous le décrit avec subtilité. Chaque émoi est disséqué et montre et démontre les difficultés subies par la femme bafouée, trop soumise.
Soumise à son éducation, soumise au quand dira-t-on, soumise à l'honneur d'un milieu.
Car tout se déroule dans un monde à part, celui des gens devenus « connus » par une aura artistique ou par la politique. Ceux qui y vivent dans l'ombre et portent un nom suscitent curiosité faussant les relations.
Rien de plus difficile que de vivre sur le devant de la scène : opinion publique, médias déshonorants la profession, journalisme dévoreur, tout est passé en revue et contribue à la déchéance psychologique de l'héroïne du livre.
L'amour va mal, il se reconstruit pour se déconstruire aussitôt. A qui la faute?
Au coupable qui bénéfice d'une autre aura : celle de la paix, celle d'une reconnaissance générale : on ne touche pas aux symboles.
Le prologue est riche et amène à la réflexion.
L'histoire se déroule comme une descente en enfer dans laquelle la victime se débat.
Les conséquences se feront sentir : relations familiales, enfant gravement atteint par la sottise et la petitesse humaine qui suit le mouvement bienséant.
Un livre qui explique bien les mécanismes et les ressorts de la difficulté de nommer les faits et de les dire.
Certes un certain milieu mais « se taire » en est de tous.
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Dans Se taire, la victime 20 ans, jeune photographe, est venue faire des photos du Nobel chez lui, pour un prestigieux journal, lorsque celui-ci la contraint à une relation sexuelle. Mathilde en parle à sa famille, mais son célèbre père fils d'un célèbre poète, la met en garde contre un dépôt de plainte. Ce monde de paillettes est peuplé de requins, de sauvages, d'envieux qui vont saisir cette chance pour mettre à terre et traîner dans la boue son illustre famille, un déferlement de haine risque de s'abattre sur eux par sa faute, aura-t-elle les épaules pour supporter cette violence, ces humiliations ? Alors Mathilde se tait. Elle se tait et se terre, change de métier, et se marie.Et puis un jour, elle confie son lourd secret à son époux qui crie, se fâche, et la pousse à porter plainte. Au commissariat, le policier lui conseille de faire juste une main courante, qui engage moins qu'une plainte qui pourrait avoir des conséquences terribles, en effet pourquoi porter plainte si longtemps après ? Elle doit encore réfléchir, le temps passe. Et puis un jour, l'affaire parait au grand jour.

A l'heure de #balancetonporc et #metoo, Mazarine Pingeot s'est inspirée, pour écrire ce roman, de l'actualité mais peut-être aussi, bien qu'elle s'en soit défendue, de sa cousine Pascale Mitterrand qui, en 2008, avait déposé plainte contre Nicolas Hulot pour un viol commis en 1997, chez lui, alors qu'elle était jeune photographe. Comme Mathilde, elle a changé de métier, comme Mathilde elle s'est tue longtemps, comme Mathilde, ce n'est pas elle qui a décidé de rendre publique son histoire. Il y a de nombreuses similitudes c'est vrai. Mais finalement les histoires de viols ne sont-elles pas toutes un peu les mêmes ? Des femmes contraintes d'avoir des relations sexuelles avec des hommes qui profitent de leur force physique, de leur influence, de leur notoriété... Un livre nécessaire pour comprendre pourquoi certaines choisissent de se taire sans que cela amoindrisse leur douleur. Celles qui crient au crime n'ont pas forcément plus souffert que les silencieuses.
Lien : http://www.levoyagedelola.com/
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