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EAN : 9782266037020
238 pages
Pocket (01/05/1991)
4.86/5   7 notes
Résumé :
Héritier de la tradition antique, qu'il fait briller de ses derniers feux, dépositaire ultime du legs platonicien, qu'il reprend sous une forme originale et qu'il transmettra à la théologie chrétienne, Plotin (205-270 ap. J.-C.) est un philosophe à redécouvrir. Au centre de sa réflexion, le problème du beau, dont l'analyse permet de déboucher sur les grands axes de sa problématique.
Cette édition comprend :
deux traités des Ennéades : "Du Beau" et "D... >Voir plus
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
D’abord il y a des objets, les corps par exemple, chez lesquels la beauté, au lieu d’être inhérente à l’essence même du sujet, n’existe que par participation ; d’autres au contraire sont beaux par eux-mêmes : telle est, par exemple, la vertu. En effet, les mêmes corps nous paraissent tantôt beaux, tantôt dépourvus de beauté, en sorte qu’être corps est une chose fort différente d’être beau. Quel est donc le principe dont la présence dans un corps y produit la beauté ? voilà la première question à résoudre. Qu’est-ce qui dans les corps émeut le spectateur, attire, attache et charme son regard ? Une fois ce principe trouvé, nous nous en servirons comme d’un point d’appui pour résoudre les autres questions.

Est-ce, comme tous le répètent, la proportion des parties relativement les unes aux autres et relativement à l’ensemble, jointe à la grâce des couleurs[3], qui constitue la beauté quand elle s’adresse à la vue ? Dans ce cas, la beauté des corps en général consistant dans la symétrie et la juste proportion de leurs parties, elle ne saurait se trouver dans rien de simple, elle ne peut nécessairement apparaître que dans le composé. L’ensemble seul sera beau ; les parties n’auront par elles-mêmes aucune beauté : elles ne seront belles que par leur rapport avec l’ensemble. Cependant, si l’ensemble est beau, il paraît nécessaire que les parties aussi soient belles ; le beau ne saurait en effet résulter de l’assemblage de choses laides. Il faut donc que la beauté soit répandue sur toutes les parties. Dans le même système, les couleurs qui sont belles, comme la lumière du soleil, mais qui sont simples, et qui n’empruntent pas leur beauté à la proportion, seront exclues du domaine de la beauté. Comment l’or sera-t-il beau ? Comment l’éclair brillant dans la nuit, comment les astres seront-ils beaux à contempler ? Il faudra prétendre de même que, dans les sons, ce qui est simple n’a point de beauté. Cependant dans une belle harmonie, chaque son, même isolé, a sa beauté propre. Tout en gardant les mêmes proportions, un même visage paraît tantôt beau, tantôt laid. Comment ne pas convenir alors que la proportion n’est pas la beauté même, mais qu’elle emprunte elle-même sa beauté à un principe supérieur ? Passons maintenant aux occupations, aux discours. Prétend-on que leur beauté dépende aussi de la proportion ? Alors en quoi fait-on consister la proportion quand il s’agit d’occupations, de lois, d’études, de sciences ? Comment les spéculations de la science peuvent-elles avoir entre elles des rapports de proportion ? Dira-t-on que ces rapports consistent dans l’accord que ces spéculations ont entre elles ? Mais les choses mauvaises elles-mêmes peuvent avoir entre elles un certain accord, une certaine harmonie : ainsi prétendre par exemple que la sagesse est simplicité d’esprit et que la justice est une sottise généreuse, ce sont là deux assertions qui s’accordent parfaitement, qui sont tout à fait en harmonie et en rapport l’une avec l’autre. Ensuite, toute vertu est une beauté de l’âme beaucoup plus vraie que celles que nous avons précédemment examinées : comment peut-il y avoir proportion dans la vertu puisqu’on n’y trouve ni grandeur, ni nombre ? L’âme étant divisée en plusieurs facultés, qui déterminera dans quel rapport doit s’effectuer, pour produire la beauté, la combinaison de ces facultés ou des spéculations auxquelles l’âme se livre ? Enfin comment y aura-t-il beauté dans l’intelligence pure [si la beauté n’est que la proportion] ?
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III. L’âme connaît le beau par une faculté toute spéciale, à laquelle il appartient d’apprécier tout ce qui concerne le beau, lors même que les autres facultés concourent à ce jugement. Souvent aussi l’âme prononce en comparant les objets à l’idée du beau qu’elle a en elle-même, et en prenant cette idée pour règle de ses décisions. Mais comment ce qui est corporel peut-il avoir quelque liaison avec ce qui est supérieur aux corps ? Comment, par exemple, l’architecte peut-il juger beau un édifice placé devant ses yeux en le comparant avec l’idée qu’il en a en lui ? N’est-ce pas parce que l’objet extérieur, abstraction faite des pierres, n’est autre chose que la forme intérieure, divisée sans doute dans l’étendue de la matière, mais toujours une, quoique se manifestant dans le multiple ? Quand les sens aperçoivent dans un objet la forme qui enchaîne, unit et maîtrise une substance sans forme et par conséquent d’une nature contraire à la sienne, qu’ils voient une figure qui se distingue des autres figures par son élégance, alors l’âme, réunissant ces éléments multiples, les rapproche, les compare à la forme indivisible qu’elle porte en elle-même, et prononce leur accord, leur affinité et leur sympathie avec ce type intérieur. C’est ainsi que l’homme de bien, apercevant dans un jeune homme le caractère de la vertu, en est agréablement frappé, parce qu’il le trouve en harmonie avec le vrai type de la vertu qu’il a en lui. C’est ainsi que la beauté de la couleur, quoique simple par sa forme, soumet à son empire les ténèbres de la matière[5], par la présence de la lumière, qui est une chose incorporelle, une raison, une forme. Voilà encore pourquoi le feu est supérieur en beauté à tous les autres corps ; c’est qu’il joue à l’égard des autres éléments le rôle de forme ; il occupe les régions les plus élevées[6] ; il est le plus subtil des corps, parce qu’il est celui qui se rapproche le plus des êtres incorporels ; c’est encore le seul qui, sans se laisser pénétrer par les autres corps, les pénètre tous ; il leur communique la chaleur sans se refroidir ; il possède la couleur par son essence même, et c’est lui qui la communique aux autres ; il brille, il resplendit parce qu’il est une forme. Le corps où il ne domine pas, n’offrant qu’une teinte décolorée, n’est plus beau, parce qu’il ne participe pas à toute la forme de la couleur. C’est ainsi enfin que les harmonies cachées des sons produisent les harmonies sensibles, et donnent encore à l’âme l’idée de la beauté, mais en la lui montrant dans un autre ordre de choses. Les harmonies sensibles peuvent être évaluées en nombres ; non pas il est vrai dans toute espèce de nombres, mais dans ceux seulement qui peuvent servir à produire la forme et à la faire dominer.
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Tant qu’un objet sans forme, mais capable par sa nature de recevoir une forme intelligible ou sensible (εἶδος, μορφή), reste sans forme et sans raison[4], il est laid. Ce qui demeure complètement étranger à toute raison divine est le laid absolu. On doit regarder comme laid tout objet qui n’est pas entièrement sous l’empire d’une forme et d’une raison, la matière ne pouvant pas recevoir parfaitement la forme [que l’âme lui donne]. En venant se joindre à la matière, la forme coordonne les diverses parties qui doivent composer l’unité, les combine, et par leur harmonie produit quelque chose qui est un. Puisqu’elle est une, il faut bien que ce qu’elle façonne soit un aussi, autant que le peut être un objet composé. Quand un tel objet est arrivé à l’unité, la beauté réside en lui, et elle se communique aux parties aussi bien qu’à l’ensemble. Quand elle rencontre un tout dont les parties sont parfaitement semblables, elle s’y répand uniformément. Ainsi, elle se montre tantôt dans un édifice entier, tantôt dans une pierre seule, dans les produits de l’art comme dans les œuvres de la nature. C’est ainsi que les corps deviennent beaux par leur participation à une raison (κοινωνίᾳ λόγου) qui leur vient de Dieu.
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Le Beau se trouve surtout dans la vue ; il est aussi dans l'ouïe, dans la combinaison des paroles et la musique de tout genre ; car les mélodies et les rythmes sont beaux ; il y a aussi, en montant de la sensation vers un domaine supérieur, des occupations, des actions et des manières d'être qui sont belles ; il y a la beauté des sciences et des vertus. Y a-t-il une beauté antérieure à celle-là ?

[PLOTIN, Ennéades, VI "DU BEAU", traduction d'Emile Bréhier, collection "Bilingue", Les Belles Lettres, 1997]
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II. Revenons sur nos pas, et examinons en quoi consiste la beauté dans les corps. La beauté est quelque chose qui est sensible au premier aspect, que l’âme reconnaît comme intime et sympathique à sa propre essence, qu’elle accueille et s’assimile. Mais, qu’elle rencontre un objet difforme, elle recule, le répudie et le repousse comme étranger et antipathique à sa propre nature. C’est que, l’âme étant telle qu’elle est, c’est-à-dire d’une essence supérieure à tous les autres êtres, quand elle aperçoit un objet qui a de l’affinité avec sa nature ou qui seulement en porte quelque trace, elle se réjouit, elle est transportée, elle rapproche cet objet de sa propre nature, elle pense à elle-même et à son essence intime. Quelle similitude y a-t-il donc entre le beau sensible et le beau intelligible ? car on ne saurait méconnaître cette similitude. Comment les objets sensibles peuvent-ils être beaux en même temps que les objets intelligibles ? C’est parce que les objets sensibles participent à une forme (μετοχῇ εἴδους).
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Vidéo de  Plotin
Qu?enseignaient ces professeurs du IIIe au VIe siècle ? Ce qui est à l?origine de notre civilisation. Hypatie avait eu le courage de la vérité jusqu?au martyre. Dans ses recherches sur la science, sa philosophie, ses cours et ses commentaires de Plotin, elle gardait sa liberté de parole. A Rome, Plotin enseignait une psychologie, et en plus de l?idée platonicienne d?homme ajoutait celle d?individu, le faisant progresser par l?éducation libre vers le Bien. Jamblique lui retourne à Pythagore : dans la sagesse, une vie libre allant vers la vérité. Proclus, commentant Platon, suit l?éducation d?Alcibiade, dans la dialectique socratique, et lui apprend la science nécessaire avant d?envisager l?action politique.
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