Je remercie vivement Babelio Masse critique et les « éditions de la différence » pour m'avoir permis de découvrir ce livre et son auteur. Ce livre est très curieux, inclassable puisqu'il ne s'agit pas d'un roman mais de chroniques. Chaque chapitre est une réflexion sur un thème particulier et il va évoquer successivement ce qu'il pense de la Russie, de l'ex URSS, de ses dirigeants ceux de l'époque communiste, la transition avec
Gorbatchev, Eltsine, et bien sûr de Poutine et Medvedev, de la vie de tous les jours, l'actuelle et celle d'avant.
Il évoque aussi la liberté d'expression, en comparant les différentes époques, les conditions dans lesquelles il est obligé de travailler en tant que journaliste.
Il nous parle de son amour pour la littérature, en énumérant les auteurs qu'il aime et pourquoi il les aime, la musique, les arts en général, et nous décrit le « peuple russe » qu'il aime comme on aime sa mère avec de la tendresse et de la colère, car il n'insurge contre ceux qui ne bougent pas….
Ce que j'en pense :
C'est un livre difficile à définir. Je m'attendais à un roman, et ce sont des chroniques. L'auteur qui est journaliste écrivain nous parle de son amour de sa terre qu'il considère pratiquement comme sacrée.
Le livre se compose de deux parties. La première partie s'appelle «
je viens de Russie (comme le titre du livre) et s'étend de 1999 à 2008.
Il y évoque son amour pour son pays et nous décrit ce pays sous toutes ses formes : sa culture, sa façon de vivre, ses politiciens, ses conditions de vie les comparant avec l'Occident ….
On voit très vite son rejet du libéralisme. Il pense qu'avant sous l'ère soviétique les gens étaient plus solidaires, partageaient plus, se nourrissaient de peu, il n'y avait pas de tentations possibles, les Russes, ignorant qu'il pouvait exister autre chose, ne pouvaient pas se sentir frustrés…
Il fait une belle description de la beauté en citant
Dostoïevski. On note une nostalgie des grands écrivains du XIXe, à l'époque des Tsars. Il est fascinant quand il nous parle de culture et d'arts.
Quand il parle des dirigeants, il n'est pas tendre… il ne porte pas beaucoup
Gorbatchev dans son coeur et nous parle de son surnom : « Gorbatch » qui pour lui sonne dur et évoque un caractère rigide alors qu'en fait dans l'esprit des gens cela se rapproche de « Gorgoucha » qui est un poisson de la famille des salmonidés et qui fait référence à sa fameuse tache.
On a le même scénario avec Poutine mot qui signifie en russe « lumbago » et se rapproche de « paoutina » qui veut dire toile d'araignée. On voit tout de suite comment il considère ces deux présidents, et le chapitre consacré à son entrevue avec Poutine qui reçoit des écrivains dans son bureau est surprenant car il analyse le comportement du personnage : charmeur et inquiétant, obsessionnel car il note absolument tout et biffe les réponses
On note également un excellent chapitre dans lequel il compare
Cervantès et le Ché qu'il considère comme le « jumeau métaphysique » de
Cervantés et il compare de façon truculente leurs deux destins.
Il aborde aussi un autre thème : la superstition et de la suspicion chez les Russes, et insiste sur le fait que les gens cherchent ce qui se cache derrière les phrases des écrivains, cherchant entre les lignes. On sent ce que ces gens peuvent endurer car ils sont sans arrêt sous surveillance et ne doivent se contrôler en permanence, se censurer car on ne sait jamais vraiment qui est son voisin.
Il consacre un chapitre à l'ambivalence de l'âme russe en faisant un parallèle entre la fin du tsarisme et l'époque actuelle qui est époustouflant, comme si c'était une nation qui n'arrive pas à naître et accouche dans la souffrance d'un foetus mort.
On sent son attachement profond au monde paysan qui est le monde vrai alors que le villes sont superficielles, sans profondeur.
Dans la deuxième partie, il parle de lui, de sas conditions de travail, de son grand-père, héros de la guerre, de la difficulté pour trouver un emploi, des tracasseries administratives, des conditions dans lesquelles il exerce son travail de journaliste car son journal est considéré comme subversif, ce qu'il pense de l'école dans son pays..
C'est un livre difficile à lire (il m'a fallu presque 30 jours car je rends ma critique au dernier moment. On ne sait pas bien s'il regrette l'URSS car les Russes étaient lobotomisés donc c'était bien agréable d'obéir, d'être docile car on était nourri ; il donne l'impression d'être dans l'utopie à la recherche d'un monde meilleur. Personne ne trouve grâce à ses yeux, le chapitre qu'il consacre à Sakharov est stupéfiant qui, pour lui, est un dissident donc un traître à sa patrie alors qu'il se comporte lui-même comme un dissident mais qui ne quitte pas son pays et fait de la résistance sur place.
J'ai besoin de lire un bon roman pour me remettre. La note que je lui attribue est en lien avec le travail sérieux qu'il a effectué et des interrogations qu'il a soulevées en moi.
Note : 6,5/10