Ses beaux traits n'ont pas seuls captivé ma jeunesse.
(Car le lis est moins blanc que ma belle maîtresse,
Et son teint réunit, dans un merveilleux ton,
La fraîche rose au lait, la neige au vermillon.)
Ce ne sont pas ses yeux, mes étoiles brillantes,
Ni ses cheveux couvrant ses épaules charmantes,
Ni les tissus légers révélant ses contours.
(Des chimères jamais n'enflamment mes amours !)
Lorsque son pied s'agite en des danses bruyantes,
Je crois voir Ariadne au milieu des bacchantes ;
Quand sa lyre résonne et vibre sous sa main,
De l'égaler Corinne essayerait, mais en vain.
C'est la Muse entraînant dans ses vers ; avec elle
Erynna ne pourrait entrer en parallèle.
Ah ! j'aime ma Cynthie à l'égal d'une mère,
Et seulement par toi l'existence m'est chère ;
Cynthie est ma patrie ; elle est, dans mes amours,
Mes parents, et ma joie, et la paix de mes jours,
Et je dois tour à tour ou bonheur ou tristesse
Aux rigueurs de Cynthie ou bien à sa tendresse.
L'Amour aime les pleurs ; heureux, dans sa tristesse,
L'amant trompé, qui peut fuir un cœur dédaigneux,
Et pour un nouveau joug former de nouveaux nœuds !
Pour moi, dans mon amour toujours resté fidèle,
Je n'aimai que Cynthie et je n'aimerai qu'elle.
[RARE] PROPERCE – Une vie, une Œuvre : 47-14 av. J.-C. (France Culture, 2005)
Émission « Une vie, une Œuvre », sous-titrée ‘Une vie en élégie’, consacrée à Properce, poète admiré de Chénier, Pound ou Brodsky. Une émission diffusée le 15 mai 2005, sur France Culture, avec Pascal Charvet, Paul Veyne et Florence Dupont.