AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782718608846
172 pages
Galilée (14/03/2013)
3.75/5   8 notes
Résumé :
Dans l’eau du ventre ils se dépliaient, ils touchaient, ils exploraient, appuyant le pied sur un point d’élan ils gravitaient, ils tournaient et se retournaient, dans l’ombre, ils dansaient presque.
Tout à coup ils dansent vraiment - tout à coup ils surgissent dans la lumière, dans le froid, dans l’air, et là ils tombent. Ils s’effondrent dans la décoordination, dans la non motricité, dans la défaillance musculaire. Ils ne sont plus des foetus, ils sont deven... >Voir plus
Que lire après L'Origine de la danseVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique

A l'instar de ses écrits constituant le Dernier royaume, l'Origine de la danse n'est pas un roman mais une réflexion personnelle, érudite et très intime sur l'origine de la vie, sur ce qui existe en amont de la danse. Il n'est nullement question de danse au sens où nous l'entendons habituellement (excepté lors de l'évocation de la grande Carlotta Grisi) mais du « corps d'avant le langage » (p.76).
A travers le mythe de Médée qui occupe une partie conséquente de ce livre, Pascal Quignard évoque ce que le lien maternel peut avoir de ravageant. Un « carnage » écrit-il. Il a réexploré la Médée d'Euripide dans un très beau spectacle intitulé « Médéa » (2010) et dont le livret constitue un des chapitres de L'Origine de la danse, spectacle le réunissant sur scène avec Carlotta Ikeda, figure de la danse butô et Pascal Mahé, musicien (joueur de koto, bruitages divers). Carlotta Ikeda est également fascinée par Médée, mais par celle de Pasolini. Voici ce qu'il peut dire des mères, bonnes ou mauvaises, et de leur capacité à mettre au monde des enfants destinés à mourir : « Il n'y a pas grand-chose qui différencie la reine Médée de la vierge Marie, elles lancent toutes les deux, sur le monde, des enfants morts » (p. 22).
La naissance, comparable à la mort, dit-il (p. 92), est associée à la perte, à la décomplétude, à la détresse originaire qu'est l'inspiration pulmonaire, à la chute du corps. La naissance est aussi une danse. La musique est antérieure et représente quant à elle le premier monde utérin. Puis la parole linguistique est le monde social que l'on découvre à la fin de l'enfance (p.108).
L'enfance justement qui, on le sait chez Pascal Quignard, fut une époque de souffrance se manifestant chez lui par un repli, un mutisme, une anorexie mais également de grande sensibilisation à l'Art, d'abord la musique puis l'écriture, plus symbolique. Il n'était pas dans la séduction, écrit-il dans un chapitre intitulé La danse lente des autistes. « Il faut comprendre quel est le secret de la non séduction. C'était la trace d'une étrange faveur que le destin m'avait accordée. Ne pas chercher à séduire, c'est s'être fait à l'idée que l'amour manque dans ce monde. (…) La non séduction anéantit toute possibilité d'anéantissement » (p. 45-46).
Chaque mot de L'Origine de la danse est choisi avec soin, l'étymologie y est parfois détaillée - chaque phrase est travaillée de manière extrêmement précise.
J'ai été très touchée par ce livre qui ne peut laisser indifférent. Chacun en retient ce qu'il veut ou ce qu'il peut. Et j'ai cette phrase en tête que j'associe à l'oeuvre de Pascal Quignard, phrase écrite par Edmundo Gomez Mango : Freud « reconnaissait dans la Dichtung (création littéraire, poétique) un accès privilégié à la vérité psychique » (1).

________________________________



« La scène est toujours le noir. C'est le lieu sauvage (le lieu civilisé ou urbain est toujours éclairé). C'est aussi un nuage dans lequel on s'assoit. C'est un chaperon de cuir sur la tête d'un vautour. C'est évidemment un crépuscule quand on entre à l'intérieur de la salle de théâtre. Puis c'est la nuit quand le spectacle vient » (p. 151).


________________________________


(1) Edmundo Gomez Mango, J.-B. Pontalis, Freud avec les écrivains, Ed. Gallimard, p. 21




Lien : http://liresortiraparisetail..
Commenter  J’apprécie          20
Un des livres de Pascal Quignard que j'ai lu avec le plus de bonheur, mêlé à une attention si prenante que devais fractionner ma lecture, pour reprendre souffle, laisser le texte faire son chemin. Avec comme souvent ce choc qu'est la naissance, avec la profondeur de la vie et la mort qui la nourrit, avec cette langue qui est harmonie, qui se lirait en coulant si elle n'était pas aussi nourrie de ce qu'il faut de vague, de termes rares, de mots fabriqués, d'étymologies pour être vivante, nourrissante, freiner le trajet des yeux sur la page, tenir l'esprit en éveil, exigeante et admirable.
Un texte qui est provoqué par l'expérience d'une collaboration avec le buto (danse qui me poigne et me passionne, que l'on voit rarement en son expression la plus sincère), qui se nourrit de passages sur Médée, sur la vie et la naissance donc, sur la représentation théâtrale, l'engloutissement en elle du spectateur dans le meilleur des cas, sur le sommeil aussi....
Un texte qui m'a semblé tout spécialement ouvertement personnel. Sensibilité, intelligence... bon ne sais trop que dire. Admiration..
Commenter  J’apprécie          50
Je rêve longtemps autour de ce livre.
Quignard est un très grand auteur... mais comment décrire l'oeuvre ?
ça commence par l'intime : la rencontre de l'auteur avec Carlotta Ikeda. ça commence par l'anecdotique. ça commence par la vie.
progressivement, la découverte de la danse, la scène, et surtout, toujours, le rapport au corps, et donc aux mots.
ça se termine par de la reflexion, par des pensées. ça se termine par de la vie.
le livre est parfois un peu complexe. Parfois, on peut avoir envie de sauter des pages, mais non : c'est un lire à lire lentement, lentement et longtemps, à méditer, à savourer.
Commenter  J’apprécie          30


critiques presse (2)
LeDevoir
30 décembre 2013
La réflexion de Quignard s’enrichit au gré des anecdotes, aux traits jaillis des livres anciens, aux menus faits autobiographiques qui jalonnent une très grande oeuvre.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Bibliobs
30 mai 2013
«L'Origine de la danse» pourrait très bien figurer dans cette fresque à la fois intime et encyclopédique.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
"Les enfants qui souffrent dans leur coin, qui se pelotonnent dans leur peur, qui se creusent dans leur faim, qui creusent leur faim au point de pouvoir nicher dans le vide de leur faim, qui chuchotent dans l'abri de leur paume, qui de plus en plus rêvassent au cœur du jour, qui se terrent de plus en plus définitivement au fond de leur silence, sont détruits par leurs propres mécanismes de défense.
[…]
Quand ils survivent, quand ils parviennent à s'éloigner d'un pas du vide perforant de leur faim, quand ils arrivent à prendre une distance à l'égard de la frayeur constante, le refus de s'avouer à eux-mêmes la souffrance où ils vivent aboutit à l'impossibilité de l'expliquer aux autres. C'est ce qu'on appelle mutisme.
S'ils ne quittent pas tout à fait le monde, s'ils ne se soustraient pas complètement à la langue du groupe qu'ils fuient, le rêve a ouvert en eux un monde interne de liberté qui les coupe rapidement du monde social commun et de ses injonctions autoritaires, collectives, juridiques, culturelles, compétitives, guerrières. C'est ce qu'on appelle l'anomie."
Commenter  J’apprécie          10
"Maman me voulait du mal d'une façon inexplicable. Plus elle me faisait mal, plus elle me punissait, plus ma "non-réactivité" à ses gifles, à ses claques, à ses fessées, à ses sarcasmes, à ses réclamations, à ses objurgations, l'irritait, plus ma rétraction, mon retrait, ma passivité, mon silence ébahi et presque contemplatif s'accroissaient. Et plus ils alimentaient sa tension et se coalisaient pour ressusciter sa violence.
C'est la première danse fascinée, totalement fascinée, homéostatique, entre l'enfant et la mère, que cette immobilité offerte à la force du plus fort, et le mouvement des gifles tournoyant au-dessus du visage."
Commenter  J’apprécie          10
Comme jadis elles avaient recruté le soleil pour se nourrir, les plantes utilisèrent enfin la nuit pour se donner à elles-mêmes leur joie dans la rosée qu'elles produisent en la transpirant aux heures où l'ombre est la plus profonde. Leur sexe alors est leur odeur.
Commenter  J’apprécie          20
Retenir sa voix c'est retenir au fond de son corps la déesse qui crée dès qu'elle parle. Car dès qu'elle parle la parle dévore le monde qu'elle vient de créer en le découpant dans le sacrifice c'est-à-dire en inventant la langue pure (samskrita, sanskrite) qui distribue l'Être en morceaux (qui déchire toutes les choses du monde pour les désigner une à une).
Commenter  J’apprécie          10
"Ils ne se reconnaissent que dans l'invisible : dans le point sonore de la voix. Plus encore que dans le point signifiant de la voix qui profère la langue parlée : dans le point sonore du chant insensé de la musique.
Et peut-être - par dessus tout - dans l'étrange point sonore de la voix perdue qui s'ensevelit dans l'écrit."
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Pascal Quignard (60) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Pascal Quignard
L'auteur Pascal Quignard a bâti une oeuvre érudite et sensible. Avec "Compléments à la théorie sexuelle et sur l'amour", il poursuit sa réflexion sur la sexualité et la relation amoureuse et nous parle d'art, de masochisme, ou encore de sirènes... Il est l'invité de Géraldine Mosna-Savoye et Nicolas Herbeaux.
Visuel de la vignette : Les Amants / René Magritte
#amour #litterature #language ______________ Écoutez d'autres personnalités qui font l'actualité de la culture dans Les Midis de Culture par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrrNrtLHABD8SVUCtlaznTaG&si=FstLwPCTj-EzNwcv ou sur le site https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
Suivez France Culture sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture Twitch : https://www.twitch.tv/franceculture
+ Lire la suite
autres livres classés : spectacleVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (32) Voir plus



Quiz Voir plus

Tous les matins du monde

En qu'elle année Pascal Quignard a-t-il écrit Tous les matins du monde?

1816
1917
1991
1899

10 questions
283 lecteurs ont répondu
Thème : Tous les matins du monde de Pascal QuignardCréer un quiz sur ce livre

{* *}