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EAN : 9791097594749
286 pages
Serge Safran éditeur (19/08/2022)
3.69/5   8 notes
Résumé :
Après la guerre contre l'Irak, Ozra et son mari Issah vivent à Téhéran dans une chambre sans confort. Ils partagent leur intimité avec Mariam, leur petite fille née handicapée suite à la chute de sa mère enceinte fuyant sous les bombes. Au fil de quatre monologues, où alterne celui de l'homme et de la femme, le couple revit la tragédie qui a eu raison de leur union conjugale. Au récit de leur présent se mêlent les souvenirs de leur jeunesse et de leurs expériences, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Ozra et son mari Issah vivent à Téhéran dans une petite chambre dans d'anciens logements universitaires avec leur fille Mariam, handicapée quand sa mère fuyait enceinte les bombes. Tour à tour, on suit le mari et l'épouse pour raconter leurs souvenirs et leur quotidien. Ils affirment leur amour en leur for intérieur mais les paroles sont autres...
Un roman très fort sur l'éloignement d'un couple que l'handicap de leur fille a en partie usé. Ce livre aborde aussi les relations entre hommes et femmes, en partie sexuels et pourtant il ressort beaucoup d'amour et de pudeur de ces longs monologues qui se répondent. Un peu difficile de se retrouver dans ces scènes se croisant entre passé et présent mais c'est une histoire dramatique qui raconte magnifiquement la société iranienne des années 90.
Je remercie Babelio et Serge Safran éditeur pour cette lecture (j'aime beaucoup la couverture toute noire avec un oeil en forme de bouche !)
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Crépusculaire, d'une lucidité indépassable, l'Irak d'ombre et de lumière, « Le Sourire de Mariam » est un livre qui ne vous quitte pas. Poignant, sombre et merveilleux tant l'écriture impulse la littérature même.
Gazhi Rabihavi est iranien. Son parcours de vie, d'exilé et de persécuté, interdit de publications en Iran, renforce le pouvoir de ce livre. Après « Les garçons de l'amour » à lire et à relire, chef-d'oeuvre courageux et nécessaire tant l'homosexualité est bannie en Iran.
« Le Sourire de Mariam » bleu-nuit, est un lever de voile noir sur une famille, celle d'Ozra et de son mari Issah et de leur petite fille Mariam, handicapée. Cette fillette vit recluse entre sa mère dévorée de ténacité et de souffrances et un père combattant de l'adversité.
Une chambre pour toit, l'exil à fleur de peau, la pauvreté criante et l'enfant coquille à peine visible dans le contre-jour.
Métaphore de l'incipit qui ouvre la voie de ce livre criant d'authenticité, de justesse et de compassion pour les êtres meurtris dans leur chair.
« Quand je suis entré dans la pièce j'ai aperçu Mariam hagarde, la bouche ouverte, le regard tourné vers la porte, roulant dans tous les sens. »
« Nous n'avons pas réussi à savoir quel genre de nourriture mangeait Djini. Les tortues mangent de la laitue et des légumes. Mais Djini n'est pas une tortue. »
Ce roman choral donne la parole à Ozra et Issah. Téhéran de poussières et de souffrances. La chambre est l'Iran bousculé et méconnaissable. Sans confort ni latitude, l'antre encerclé entre d'autres semblables, agitations et les voisins (es) ont tous (tes) une histoire, un amas de cailloux devant leur porte.
On ressent l'idiosyncrasie riche de justesse. Mariam, lovée dans ses impuissances, Ozra chutant, enceinte de l'enfant dans une fuite éperdue sous les bombes. Petit être blessé avant même de naître. Est-ce la couleur de l'Iran ? Ce noir qui frappe ses enfants ?
Les voix s'élèvent triomphantes de la nostalgie d'un amour mis à rude épreuve. Les endurances armures, les combats d'un exil, l'enfant Mariam et son sourire colombe à peine inscrite sur les lignes d'un pays en pleine transmutation. Les inégalités, la Révolution, toutes les affres ruissellent gorgées de boue et d'amertume.
Porter le voile, toujours, la liberté abolie. Femme de silence. Mariam et son sourire parole qui surpasse les interdits. Se méfier de l'autre, voisin de palier et d'intimité où la moindre goutte d'eau est visible de la rue.
Le récit, triste et vrai, à peine romancé, huis-clos virulent et âpre, Ozra serre son moineau sur le coeur. Coquille vide et désarticulée.
Issah cherche la sensualité, la tendresse, pressent l'éloignement. Ses larmes sont des poèmes décrochés des étoiles. le langage des corps qui se retournent à contre-sens.
La polyphonie est l'Iran. le berceau voguant sur les flots. Mariam, le lien, figée dans son immobilité.
« Je suis persuadée que toutes ces années d'errance n'ont été et ne sont encore supportables qu'avec toi.Jamais comme ce soir je n'ai eu autant besoin de tes caresses et de tes doigts courant fébrilement sur mon corps. Mais toi, tu restes là flasque et inerte.
La vérité est une flèche en plein coeur. Les diktats sont des fenêtres sombres à peine rieuses par grand soleil. Les femmes gravitent dans cette résidence, l'espoir chevillé aux corps. Toutes de questions et de possibilités. Les habitus sanglotent dans une pudeur qui interroge les félicités invisibles. Ozra est un symbole, celui de la femme en Iran. Parabole criante, sensible, qui tremble, se met à espérer les quêtes imprononçables. Mariam et son sourire qui dévoile l'espoir de sa contribution à l'effort et à la vie. Si. Enfant désemparée , le regard craintif et le sourire théologal.
Ce livre indicible, sociétal, crucial est un chef-d'oeuvre. Ghazi Rabihavi dévoile l'Iran , les générations blessées et abolies. L'idéal qui se confronte au quotidien. Il y a la douceur de sa voix dans ces lignes inoubliables. Les destins tragiques et les révoltes sourdes. Finement politique, sociologique, résistant, ce récit fondamental, ivre d'amour, est dans la lignée des intemporels. Un livre qui dépassera toutes les littératures assemblées.
C'est un honneur de lecture et une fierté éditoriale. Traduit à la perfection du persan (Iran) par Christophe Balaÿ, publié par les majeures éditions Serge Safran éditeur.
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Ozra et Issah forment un couple comme il pourrait en exister des millions, or, leur vie n'est pas tout à fait le quotidien de tout un chacun. Avec une chambre pour foyer, ils doivent élever leur petite fille gravement handicapée, dont les médecins avaient conseillé l'euthanasie. Issah n'avait pas été contre, Ozra s'y était refusée. Luttant chaque jour pour trouver un semblant d'équilibre et de sérénité dans le chaos ambiant, ils doivent composer avec des voisins dont les commérages semblent former leur seconde peau.

Après la fin de la guerre contre l'Irak, à l'aide de la nouvelle génération, beaucoup pensaient que l'on se tournerait vers davantage de libertés sociales. Un espoir et des aspirations nouvelles naissaient dans les esprits. Mais l'inverse s'est produit. C'est une morale et des règles religieuses contraignantes à l'extrême qui ont éclos. Ces nouvelles privations deviennent fatalement des chaînes, qui font des hommes des prisonniers. Beaucoup ont renoncé à s'en défaire. Toute tentative d'y échapper, de s'y soustraire, conduirait non pas à plus de liberté mais à la prison, à la torture et à la mort.

Ozra avait un rêve, celui de la libération de l'humanité. Issah quant à lui, rêvait de devenir riche. Rien de tout cela n'allait se réaliser.

Le couple se dispute et finit la journée couchés l'un à côté de l'autre, dans le même et unique lit, mais dos à dos. Aucun ne cède pour adresser la parole à l'autre. Chacun initie un discours à son partenaire par la pensée. Tour à tour, ils dénoncent, sermonnent, s'excusent, expient, pardonnent, supplient... Une kyrielle de sentiments s'abat sur eux et un déferlement de souvenirs apparaît. de digressions en digressions, ils se racontent l'un l'autre sans le savoir, narrant leurs plus précieux souvenirs, depuis leur prime jeunesse, évoquant sans mesure leurs premiers souvenirs charnels et érotiques, les premiers émois avant leur rencontre. Ozra et Issah sont deux êtres aux chairs meurtries qui tentent tant bien que mal de fuir le marasme qui les étreint.

Ghazi Rabihavi nous offre un huis clos d'une lucidité et d'un réalisme troublants. A la fois sombre et merveilleux, on s'enfonce dans les affres d'un Iran déchiré, dans l'écho des générations blessées et oubliées, dans le coeur de deux partenaires de vie usés par les traumatismes et les épreuves qui n'ont pas su les épargner.
Un livre d'une finesse et d'une force incroyables...
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La quatrième de couverture m'avait enthousiasmée, la lecture m'a relativement déçue. Les moments les plus réussis concernent les relations d'Ozrah avec les autres habitants de l'immeuble ainsi que les évocations du passé : la vie au temps du Shah (qui n'est pas pour autant idéalisée), l'hypocrisie et la bêtise des gardiens de la Révolution et des soldats, les rêves et les carrières brisées. Cependant, j'ai trouvé les personnages principaux insupportables : Issah est un rustaud obsédé par sa frustration sexuelle, et son monologue intérieur est l'occasion d'un défilé de clichés orientalistes sur le sujet. le personnage d'Ozrah est plus nuancé et intéressant, mais trop clairement écrit par un homme. J'aurais aimé entendre la voix de Mariam, qui est réduite à un accessoire transporté de son lit à sa chaise percée. Vers la fin du roman, un personnage secondaire, Djamileh, est évoqué en quelques lignes lumineuses. C'est elle dont j'aurais voulu connaître l'histoire.
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A l'instar de nombreux compatriotes, Ozra et son mari Issah ont subi la guerre contre l'Irak et survivent aujourd'hui dans une pièce sans confort à Téhéran. Les difficultés ont mis à mal leur amour et leur union conjugale ne tient plus qu'à la présence de leur fille Mariam, handicapée suite à la chute de sa mère lors d'une pluie d'obus. La promiscuité d'autres réfugiés anime un quotidien fait de reproches, de souvenirs qui surgissent à l'emporte-pièces mais également d'opportunités qui permettent de confronter différents modes de pensées, dont certaines vont à l'encontre de l'Islam rigoureux appliqué en Iran. le résultat interpelle forcément.
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Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
Comme disaient mes copains : « Les filles expertes dans les choses de l’amour sont des traînées et ne feront pas de bonnes épouses. » Mais moi, en cet instant, je ne voulais que me coller contre elle, partager ma vie avec elle pour toujours. Je refusais que la plus infime partie de mon corps se détachât du sien et tout ce que je désirais c’était que ses doigts ne cessent jamais leur exploration intime et leur va-et-vient de haut en bas. Soudain mes reins furent ébranlés d’une
vive secousse qui se propagea jusqu’en bas de ma colonne comme une décharge électrique qui se diffusait de façon irrépressible au bas de mon ventre. Je fis tout ce que je pouvais pour contracter mes muscles, pour me retenir et repousser autant que possible le moment de jouir.
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Certaines femmes ont l’habitude de dire : « Essaie de ne pas dire à ton mari “je t’aime’’. » Parce qu’après lui avoir dit ça, tu dois t’attendre à le perdre. Si je ne te l’ai jamais dit, c’est justement que j’avais peur. Peur de te perdre. Mais c’est peut-être le contraire. Peut-être en disant « Je t’aime », non seulement je ne te perdrai pas, mais je te rapprocherai de moi. Toi non plus, à part quelques fois les premières
années, tu ne m’as jamais dit « Je t’aime ». Peut-être que les hommes ont la même superstition que les femmes. Ce qui rend ce monde vraiment détestable. Que faire ? Maintenant j’ai envie de briser ce mur. Il suffirait que je sente un mouvement de ta part, un désir d’union. Oui, d’union. Par exemple, tu te retournerais pour me caresser les cheveux ou même tu poserais ta cheville sur mes jambes croisées. Cela suffirait à réveiller en moi un désir éteint. Alors, je me retournerais vers toi pour t’enlacer les reins de mes bras en te disant « Je t’aime mon Issah ! »
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Ah ! si je pouvais dormir d’un sommeil épais qui m’emporte jusqu’au lever du soleil. Si tu n’étais pas étendu derrière moi, le dos tourné, peut-êtr réussirais-je à dormir. Non ! Il ne faut pas que je pense à toi. À toutes ces
sottises que tu as proférées hier, à ton comportement idiot. Au lieu de rester à la maison avec Mariam et moi, tu es sorti précipitamment, cet après-midi magnifique,pour ne revenir qu’il y a quelques minutes dans cette chambre sombre où je m’étais
allongée. Tu n’as même pas allumé la lampe. Tu as ôté tes chaussures et tes chaussettes dans le noir. Ces chaussures qui ont besoin d’un bon coup de cirage. Puis tu as enlevé ton blouson et tu l’as pendu au cintre avant de venir te coucher à côté
de moi en me tournant le dos. Tu dégageais une mauvaise odeur qui m’était inconnue. Mais il ne faut pas que j’y pense.
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Les femmes aiment particulièrement les hommes de cinquante ans comme lui, quand ils sont riches. Il vaut mieux que tu n’entendes pas les bêtises que je suis en train de me dire. Il y a certaines choses que je ne peux partager avec toi.
Non ! Ce sont des choses que je ne peux pas te dire. Tu n’as pas confiance en moi. Tu n’arrives pas à comprendre que l’attirance que j’éprouve pour certaines femmes ne signifie en rien que je te sois infidèle. En fait, cette attirance pour les femmes commence par toi. Par l’attirance que j’ai envers toi, les pensées qui me conduisent jusqu’à toi, qui me poussent à t’aimer. Mais tu ne me comprends pas. Comme maintenant, passé minuit, dans ce lit où nous dormons chacun de notre côté en nous tournant le dos.
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Elle pouvait toujours me
regarder et me sourire mais elle avait fini par me laisser tomber. Elle bavardait
avec ces dames, s’affairait à prendre des articles sur les étagères. Elle a poussé de
côté mes foulards. Je n’avais plus rien à faire dans cette boutique. Ni les femmes
n’avaient l’intention de sortir ni la vendeuse celle de me regarder. Pas le moins du
monde. Ni même un demi-regard. Je me sentais humilié. Ce n’était la faute de
personne, si ce n’est de la mienne. Je m’étais abaissé devant une femme. Je n’avais
plus qu’à prendre la fuite.
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