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EAN : 9782379511134
192 pages
L'Antilope (03/03/2023)
4.17/5   3 notes
Résumé :
À travers un récit très personnel, Henri Raczymow réveille, dans une langue élégante et précise, toujours avec un brin d'autodérision, un monde littéraire et personnel qu'il voudrait tellement ne pas voir oublié. L'écrivain, qui exerce sa plume depuis près de cinquante ans, prend conscience du temps révolu. Il nous entraîne dans cette balade au style alerte, où chaque anecdote fait revivre un peu de la littérature oubliée. On y croise aussi bien Richard Wright que R... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« Nos yeux reçoivent la lumière d'étoiles mortes. » André Schwarz-Bart

Journée sombre sur Douarnenez .Les goélands, excités, ne s'arrêtent pas de bouger. le vent gifle de la pluie sur les quais. Je termine ce livre,…. à l'abri.

Vous souvenez-vous de Claude Santelli, du théâtre de la jeunesse, du jeudi après-midi chez un copain qui avait la TV ? Des interviews de Pierre Dumayet et Pierre Desgraupes ?
Toute une ambiance qui n'existe plus.

Hanté par la « mémoire trouée » des photos et des survivants des « camps », Henri Raczymow a aussi ses lucioles « proches ou moins proches – qui ont aujourd'hui disparu et dont seul le nom subsiste en nous : elles sont devenues « un ver luisant, une luciole, une toute petite lumière qui s'éteindra avec vous. A moins que vous n'inscriviez ce nom sur la page d'un livre que vous écrirez »
D'abord celui d'Étienne, son père, militant communiste, combattant de la FTP-MOI qui avait échappé aux rafles de 1942.
Belleville et ses ruelles, Tout un monde dont il ne reste rien, pas même les rues où habitèrent aussi les parents de Georges Perec, avant d'être assassinés à Auschwitz.
La « judéité » et ses débats animés par les conflits idéologiques de Russie ou d'ailleurs. L'imaginaire juif ou le juif imaginaire !
Mai 1968 et l'après : Henri Weber (né à Leninabad, Tadjikistan, URSS) qu'il compare à Swann, il le voit plus séduisant que ses compagnons de la JCR et autres Cohn-Bendit, Krivine et Geismar. L'histoire dérisoire de Thomas Stern, militant, qui voulait éduquer un groupe de travailleurs immigrés.
Il se souvient des déjeuners chez Georges Lambrichs, au début des années 70.
Il évoque Francis Ponge, Roland Barthes, François Weyergans, Jean-Noël Vuarnet, Mathieu Lindon, Pierre-Jean Remy, etc.
Nécessité de témoigner sur un monde littéraire, sur un « bruit de fond ».
Une évocation de M. *** son professeur de philosophie est l'occasion de belles pages sur le fantasme si présent dans les illusions de jeunesse.
Il se rappelle les cinémas du samedi soir, le passage de l'ouvreuse dans les rangées, avant que le film ne commence.
Et tant d'autres lucioles de sa vie et de la nôtre.
Le ton, entre nostalgie, regrets et autodérision devient grave, voire sombre lorsque le livre se clôt sur « Quelques tombes de mon petit cimetière » .
Cette promenade littéraire se veut souvent légère, mais peut devenir sérieuse, voire sombre.
Claude Santelli est mort le 14 décembre 2001, trois mois après un accident survenu sous le chapiteau du cirque Alexis Grüss. En dirigeant « La Flûte enchantée » de Mozart, il avait été soulevé par une éléphante et gravement blessé en retombant
En novembre 1954, Pierre Dumayet et Pierre Desgraupes interviewent Monsieur Fricotot, contemporain d'Arthur Rimbaud. Sa femme vient les rejoindre. L'homme ne connaissait pas Rimbaud, ne lui a jamais parlé, ni lu ses livres. Il le voyait passer en cabriolet à cheval. L'interview se déroule dans le champ boueux de l'interviewé, que les journalistes rejoignent bottes de caoutchouc aux pieds.

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L'ultime déambulation littéraire. « L'arrière-saison des lucioles », les heures en quintessence. Un ballet de la vie flamboyant, le grand vainqueur du temps.
Un livre-mémoire fondamental.
La littérature ouvre subrepticement l'armoire du monde.
« Nos yeux reçoivent la lumière d'étoiles mortes ».
André Schwarz-Bart « Le Dernier des Justes ».
Henri Raczymow marche dans les ruelles dont il connaît le moindre recoin. Empreintes de ses jours, de ses approches sur le monde. La rémanence des appartenances à la religion, juive en l'occurrence. Ses convictions politiques et bien au-delà les majestueuses saveurs des écrits d'hommes et de femmes de lettres, les poètes, les exilés et les condamnés. On ressent les interpellations qui forment sur son visage, les sourires les plus habités, les regrets les plus enfouis, et les prières allouées au vaste regard de l'horizon qui palpite encore, rien que pour nous. Tout nous dévoiler en douceur et en retenue. Laissez s'échapper les confidences chuchotantes, pour mieux les déguster.
La lumière du plein jour octroie les résurgences. Henri Raczymow est comble de mots. Plus de quarante ouvrages écrits, les genres alliés, il est un socle, une référence.
Les entrelacs sont des pans mémoriels aussi. Entre les rappels pavloviens, les anecdotes aériennes ou graves, cruciales et personnelles souvent, le sceau des littératures marquantes pour André Raczymow. Les images pavloviennes, une généalogie d'orfèvre, comme du linge frais claquant au vent. Carillon en haute montagne, le sablier s'écoule aussi. Tout retenir. La mappemonde des tracés, la nostalgie est regain. « Oui, j'étais communiste, oui, j'étais juif ».
Ce pourrait être un livre en noir et blanc , mais les lucioles veillent. le passé montre du doigt ce qu'il advient d'un homme debout qui s'épanche. Les effluves sont des enchantements intellectuels.
« Le monde était langage. Il fallait quelques clés pour le lire ».
« ...La rature qui viendra barrer tout ce que nous aurons écrit pour précisément de pas oublier, pour dresser des phrases contre l'oubli, comme autant de digues contre les assauts de la mer, en pure perte. Car la rature elle-même sera effacée, la rature autre nom de la mort :
Que vous servira d'avoir tant écrit dans ce livre, d'en avoir rempli toutes les pages de beaux caractères, puisque enfin une seule rature doit tout effacer ? Encore une rature laisserait-elle quelques traces du moins d'elle-même ; au lieu que ce dernier moment, qui effacera d'un seul trait toute votre vie, s'ira perdre lui-même, avec tout le reste...Oh que c'est beau, oh que c'est triste. La rature de la rature. Qui dit mieux ? Ça fend le coeur, mais quand c'est si bien dit, dans le même temps ça le ravit, le coeur ».
Ce texte est un journal dont le marque-page imprime l'arrière-saison. L'arrêt sur image. L'existence déployée, comme une étole. Les palpitations de l'identité, luciole ô luciole !
« Mettons en commun camarades, nos plans, nos travaux, nos soucis ».
« Pour survivre sur une fine couche de glace, il faut patiner vite ».
Et ce magnifique poème en pages finales de Mordechai Gebirtig, «  un poète yiddish assassiné par les nazis dans le ghetto de Varsovie en 1942 :
Enfants, réjouissez-vous, amusez-vous
Car du printemps à l'hiver
Il y a le saut d'un chat ».
Ce kaléidoscope est une rencontre précieuse avec Henri Raczymow. Les chemins de traverse sont des arcs-en-ciel, des aurores-boréales, ce qui persiste et assigne à la vraie beauté du verbe. Ici, tout est connivence et renaissance.
Publié par les majeures Éditions de l'Antilope.
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critiques presse (1)
NonFiction
07 mars 2023
Un récit autobiographique de l’écrivain Henri Raczymow, grand admirateur de Proust.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
« en Vieillissant vous perdez vos cheveux, vos neurones, votre ouïe, mais vous perdez aussi bien les inhibitions qui ont longtemps entravé vos désirs, les illusions qui ont exalté vos jeunes années. Et vous perdez des gens, pas nécessairement des amis proches, des gens que simplement vous avez côtoyés jadis ou naguère, et dont l’absence définitive, même si elle ne vous remplit pas d’une immense nostalgie, vous dit que le monde qui vous entoure n’est plus exactement le même, n’a plus la même saveur, si jamais avant il en eût une. Et c’est cela qui vous attriste. Non telle disparition, tel effacement, mais que ce ne soit plus la même chose. Que vous vous surviviez. Surtout, vieillissant, il y a de moins en moins de gens avec qui vous êtes susceptible de partager des souvenirs. Au bout du temps, si toutefois vous durez assez longtemps, vous voilà le seul à être dépositaire de la mémoire de cet homme, de cette femme. Et ce « dépôt »-là ne vous sert plus à rien. Vous aurez beau évoquer ce nom, il ne rappellera rien à personne. Il va gésir au fond de vous comme une urne inutile et absurde, un parasite, un ver luisant, une luciole, une toute petite lumière qui s’éteindra avec vous. A moins que vous n’inscriviez ce nom sur la page d’un livre que vous écrirez, en supposant qu’à son tour ce livre vous survive un peu. Voilà pourquoi mon amour pour Proust, qui a dit tout cela. Et voilà aussi pourquoi j’aime fréquenter des gens plus âgés que moi : les noms que j’évoque devant eux leur rappellent quelque chose. Leur mémoire m’englobe, me protège du délaissement, me prend dans ses bras. Leur mémoire m’est maternelle et me rassure. Bientôt viendra cependant un jour que je redoute où ce sera l’inverse : c’est moi, en raison de mon grand âge et de ma survivance, qui aurai ce rôle de gardien de cimetière. Après quoi place à d’autres. J’aurai rempli mon office. »
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Videos de Henri Raczymow (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Henri Raczymow
Robert Bober "T'as pas changé" - un film de Robert Bober avec Teddy Bilis et Maurice Chevit et la participation notamment de Armand Borlant , Jean-Claude Grumberg, Serge Lask, Guy le Querrec, Henri Raczymow, Annette Wieviorka production INA dans la série "Le Changement à plus d'un titre" 1982
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