AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782360132690
58 pages
Riveneuve éditions (27/11/2014)
2.67/5   3 notes
Résumé :
Ce choix de lettres de Rilke, datées du début de la guerre, fait entendre le témoignage d'un poète en temps de détresse, tenté par le fatalisme mais surtout révolté par les mensonges guerriers. Elles prennent aujourd'hui un sens nouveau et elles disent la nécessaire indignation face à toutes les barbaries et rappellent la justesse d'une voix authentiquement européenne.
Que lire après Fragments sur la guerre 1914-1915Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Fragments ou miettes ? le projet présenté par Jean Tain semble parfaitement légitime : « le titre et le découpage des lettres que nous avons choisi de conserver effacent la référence à la Grande guerre, et élèvent le propos de Rilke à la généralité de toute guerre, ce qu'il tendait à faire lui-même ». Il s'agit ainsi de lire Rilke comme le précurseur tristement visionnaire du fascisme et du nazisme, allant ainsi à l'encontre de l'opinion couramment admise selon laquelle l'homme, par son silence politique, aurait voulu signifier au mieux sa neutralité, au pire son opposition à l'engagement politique contre les extrémismes. Mais Jean Tain devance toutes les critiques : « le désoeuvrement de Rilke n'était donc pas indifférent à la guerre, au contraire. Ce fut une manière de préserver son projet poétique, essentiel mais fragile, quand tant de poètes se sont abandonnés aux passions nationales ». le reste de la préface s'attarde à nous donner les raisons pour lesquelles Rainer Maria Rilke ne s'est pas davantage engagé politiquement. Homme de lettres, attention à toi si tu ne te fais pas l'égal de Dieu dans le jugement de tes contemporains –la défense de cette préface sonne curieusement accusatrice.

Jean Tain se permet quelques digressions extra-épistolaires et revient sur le poème de jeunesse de Rainer Maria Rilke intitulé "Le chant de l'amour et de la mort du Cornette" (publié en 1906) que l'on peut lire : ICI.
Ce poème en prose aux tonalités mélancoliques a remporté un grand succès lors de la Grande guerre et a été publié sous forme de brochure, emportée sur les fronts allemands pour accompagner les soldats lors des combats. Jean Tain cite ce poème comme un exemple d'utilisation anachronique de l'oeuvre de Rainer Maria Rilke qui a pu justifier l'assimilation de l'auteur à la propagande pro-militaire.


"Serait-ce l'aube ? Quel soleil est-ce donc ? Qu'il est grand ce soleil ! Et des oiseaux ? Leurs voix chantent de toutes parts. Tout est clarté,
mais ce n'est pas le jour. Tout est rumeur, mais ce n'est pas le chant des oiseaux. Ce sont les poutres qui luisent. Ce sont les fenêtres qui crient ; les fenêtres, rouges, qui crient vers l'ennemi, la-dehors où flambe le pays : « Au feu ! »


Viennent ensuite les fragments de lettres envoyées par Rainer Maria Rilke en 1914 et 1915. Miettes plutôt que fragments, nous avons donc dit, puisque chaque lettre sera réduite à la longueur d'une page, et que cinq lettres seulement ont été choisies pour constituer ce regroupement bien maigre. Quelques belles formules prennent leur élan, ici ou là (« Qui saurait dire ce qui nous arrive là et quels sont les survivants de ce temps qui plus tard seront encore des hommes ? ») mais ces quelques fulgurances ne méritent peut-être pas de constituer à elles seules un ouvrage. Jean Tain plaide en faveur de Rainer Maria Rilke mais ne donne malheureusement pas à son lecteur les données suffisantes pour que celui-ci puisse se forger son appréciation personnelle.

Lien : http://colimasson.blogspot.f..
Commenter  J’apprécie          210
En 1940, Walter Benjamin écrit : «Le don d'attiser dans le passé l'étincelle de l'espérance n'appartient qu'à l'historiographe intimement persuadé que, si l'ennemi triomphe, même les morts ne seront pas en sûreté.» Rainer Maria Rilke se doutait peu que son oeuvre serait un jour concernée par ce funeste augure du jeune philosophe, qu'il rencontra à Munich durant la Grande guerre.

En effet, Rilke écrit en 1899 un chant lyrique en prose sur l'héroïsme qui connaît un grand succès de librairie et la brochure est beaucoup emportée sur les fronts allemands. Mais après la mort de Rilke, alors que la guerre mécanisée ne justifie plus d'évoquer les anciennes valeurs guerrières ni guère de noblesse au combat, le poème continue de paraître sous le régime nazi.
La réception de l'oeuvre de Rilke se voit encore inquiétée par l'intérêt que le poète portait, tout en gardant une distance critique, à l'imaginaire de Alfred Schuler, devenu par la suite une référence pour l'élaboration du pseudo-paganisme nazi.

Malgré son exil volontaire en 1920 pour protester contre le nationalisme allemand, Rilke n'a pas manifesté ouvertement de position politique et son nom se voit abusivement utilisé par la propagande hitlérienne durant le second conflit mondial. Pour dénoncer cette usurpation, les fragments réédités qui nous occupent ici l'avaient été en 1944 par les éditions Émile Paul, traduits par Maurice Betz, pour rétablir dans sa pureté et sa vérité la figure du grand poète pragois.

Les fragments sont minces, dix pages et vous en venez à bout : "Nous avons une apparition" publié (octobre 1914) dans L'Écho du Temps (journal de guerre des artistes) et quatre lettres à des ami(e)s rédigées en 1914-15. Ces écrits disent la détresse de l'artiste – il choisira le désoeuvrement – et son indignation devant la barbarie et les mensonges guerriers; ils attestent que le poète fut un farouche opposant au conflit : «Pourquoi n'existe-t-il pas, cet homme unique, qui, ne pouvant endurer cela plus longtemps, refuserait de le supporter ? »

Le recueil est augmenté d'une présentation et de notes de Jean Tain qui s'avèrent très utiles pour comprendre et replacer les écrits dans l'époque. Ainsi l'allusion inattendue, pour définir une temporalité de la guerre, aux oeuvres du Gréco que le début du vingtième siècle redécouvre : «Lorsqu'on vous montra des tableaux du Gréco, vous comprîtes que c'était là l'expérience d'une vie que vous ne connaissiez pas», ou encore cette phrase énigmatique «...l'esprit le plus défini, dont jusqu'à présent on ne soupçonnait pas la présence, s'est manifesté en des chevaux», qui évoque les chevaux savants d'Elberfeld.

Maurice Betz, traducteur et ami de Rilke, connut le même avatar que celui-ci avec un écrit de captivité, "Dialogue des prisonniers", qui fut jugé acceptable par la propagande nazie, de même que le détachement du poète avaient permis sa récupération. On peut penser, comme l'esquisse Jean Tain, que ces fragments de guerre ont été une façon d'emprunter la voix de Rilke pour blâmer la guerre et «racheter quelque peu les risques de l'apolitisme qu'ils encoururent tous les deux.»

Plus prosaïquement, il faut malheureusement déplorer — c'est devenu fait courant chez les meilleurs éditeurs – les fautes d'orthographe qu'on oublierait peut-être s'il s'agissait de romans de gare, mais qui font tache lorsqu'il s'agit de textes qui ambitionnent le niveau littéraire. Page 34 : Betz n'a pas eut à se justifier... ; page 34 les risques qu'il encoururent tout les deux.

Remerciements à Babelio et Riveneuve éditions de m'avoir permis de découvrir ce livre.

Lien : http://christianwery.blogspo..
Commenter  J’apprécie          110
Merci à Babelio et aux éditions Rives Neuves Archimbault pour l'envoi de ce livre.
Il s'agit de 5 extraits de la correspondance de Rilke, écrit lors des 2 premières années du conflits. Ces extraits ont été publiés la première comme tels durant la guerre suivante, en 1944 et clandestinement. Il s'agissait de contrer la récupération du poète par les nazis, en démontrant la portée universaliste et surtout pacifiste de ce dernier. Les extraits sont accompagnés d'une rapide biographie de Rilke, de ses années de guerre ; elle est critique dans le sens où lui-même ne s'est jamais opposé frontalement à la propagande qu'il exècre. Les 2 côtés du personnage, poète talentueux mais non engagé politiquement.
On peut néanmoins regretter le côté très court, voire opuscule de l'ouvrage. Il aurait été peut-être intéressant de compléter avec d'autres extraits.
Commenter  J’apprécie          150

Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Que de travestis dans les villes, que de bas divertissements, quelle hypocrisie dans cette vie sans fond, à l’abandon, soutenue par une littérature profitarde et par un théâtre pitoyable, flattée par une presse répugnante, qui est certainement dans une large mesure responsable de la guerre, et plus coupable encore de contribuer à ce que la duplicité, le mensonge et la corruption fassent de l’événement une maladie, alors qu’il aurait dû être une folie pure.
Commenter  J’apprécie          60
S’il criait, ne serait-ce qu’une nuit, dans cette ville factice, toute voilée de drapeaux, sans se laisser apaiser, qui donc oserait le traiter de menteur ? Combien sont-ils qui ne répriment plus ce cri qu’à grand-peine ? Ou me trompè-je ? Si je me trompe et qu’il n’y ait beaucoup d’hommes capables de jeter ce cri, je cesse de comprendre les humains, je ne suis plus des leurs, je n’ai plus rien de commun avec eux…
Commenter  J’apprécie          40
Ce qui s’accroît sans doute, c’est la notion que l’on peut prendre de l’indicible peine de l’être humain, et peut-être est-ce là le but poursuivi : une si profonde déchéance doit préparer l’espace et l’élan pour de nouvelles montées…
Commenter  J’apprécie          71
Le désœuvrement de Rilke n’était donc pas indifférent à la guerre, au contraire. Ce fut une manière de préserver son projet poétique, essentiel mais fragile, quand tant de poètes se sont abandonnés aux passions nationales.

-Préface de Jean Tain-
Commenter  J’apprécie          40
Les comparaisons choisies par Rilke renvoient à une temporalité dans laquelle le passé n’est pas le connu opposable à l’inconnu du présent. Au contraire, le nouveau apparaît comme l’émergence ou la résurgence de ce qui était déjà là mais insoupçonné, comme certaines œuvres du passé.

-Notes-
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Rainer Maria Rilke (39) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Rainer Maria Rilke
"L"heure grave" Poème de Rainer Maria Rilke, chanté par Colette Magny
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus
Livres les plus populaires de la semaine Voir plus


Lecteurs (5) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11105 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}