Le cardinal se défend d'avoir cherché à remplacer Mazarin au poste envié de premier ministre, mais sous sa propre plume on se convainc du contraire à la lumière de ses ambitions et de son caractère. Cet homme que l'inclination "portait avec tant de rapidité et aux plaisirs et à la gloire" (
Mémoires, Seconde partie, p.828 - je cite d'après l'édition Pléiade) justifiait en réalité l'étonnement de ses contemporains : " Est-il possible que le cardinal de Rais ne soit pas content d'être, à son âge, cardinal et archevêque de Paris ?" (ibid.)
Je me permets de renvoyer à la remarquable critique de LydiaB sur cette page Babelio https://www.babelio.com/auteur/
Le-Cardinal-de-Retz/8585/critiques
pour un résumé de la carrière du mémorialiste. J'ajouterais que les
Mémoires, prétendument écrites pour une mystérieuse commanditaire (qui pourrait être la marquise
De Sévigné), décrivent par le menu les turpitudes de
la Fronde et les intrigues des factions qui divisent alors la France entre "mazarins", soutenus par la régente Anne d'Autriche, princes, emmenés par Condé et la Grande Mademoisel
le ; peuple manipulé par les parlementaires eux-mêmes très divisés, et Retz lui-même ; et enfin, Monsieur frère du Roi,
Gaston d'Orléans qui oscille et dont notre cardinal tente d'exploiter les hésitations.
Cela ne lui réussit pas. Ayant trahi
la Fronde, il contribue au retour du roi. Méprisé par Monsieur le Prince, lâché par les Parisiens, quitté par sa maîtresse madame de Chevreuse, il finit en prison, tout le monde contre lui (1652). Ses rodomontades dans les
Mémoires ne dupent pas le lecteur, appuyé sur un bel appareil de notes et un remarquable index des personnes et personnages, bien utile pour se repérer dans ce foisonnement d'historiettes. Cependant le style en est si éblouissant qu'elles se lisent avec délices et l'on traverse fasciné ces démêlés politiques ou amoureux tout au long d'une reconstitution historique sans pareille.
Jules Michelet, au tome XIV (dans l'édition Boutan-Marguin, 1961) de son
Histoire de France, écrit justement : "[...] ce chapeau, pour lequel il trahit la France, lui tombe sur la tête et l'écrase définitivement. On le fait cardinal, mais c'est pour le mettre à Vincennes. - Tous les ridicules de conduite et cette petitesse de nature n'empêchent pas que ses confessions (c'est plus que des
Mémoires) ne soient le livre capital et primordial de la nouvelle langue française. Ce piètre politique est un admirable écrivain."