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sur 105 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Drôle d'objet que ce récit d'une jeune adolescente néerlandaise qui, ayant perdu son frère noyé dans le canal, décrit l'enfermement des parents dans leur douleur et le surgissement d'un mur d'incompréhension avec leurs enfants. La solidarité fraternelle qui les unit parfois dans ce drame est aussi souvent prise à rebours, dans des gestes d'une grande cruauté entre eux, ou d'une grande violence symbolique. Ainsi le grand frère s'amuse t'il à torturer et à tuer de petites bêtes, à effrayer la petite soeur ou à moquer cru ent la narratrice, complexée par des formes rondouillardes qu'elle essaie de cacher dans son inamovible parka.
On voit ces 3 enfants, jetés sans ménagement dans le monde des adultes et sa violence, malmenés par des parents totalement effacés derrière leur souffrance et incapables de leur témoigner la moindre tendresse. Huis clos familial d'une grande dureté, “Qui sème le vent” égratigne au passage l'éducation protestante bien-pensante et ses principes rigides, sa morale froide et ses pudibonderie. Dans ce récit glaçant, on trouve de petits moments de grâce, des demonstration de vitalité, du curiosité et de capacité d émerveillement de la jeunesse devant les mystères de la vie et de la nature. Belle lecture!
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Parka rouge – surnom de la narratrice - a une dizaine d'années. Elle vit au Pays-Bas, dans la ferme de ses parents, avec ses frères aînés Matthies et Obbe et sa jeune soeur Hanna. Les Mulder sont une famille protestante, habitée par la Bible, dont la vie est rythmée par la vie rurale, le soin aux vaches et les réunions au temple. La vie de Parka et celle de toute sa famille va être bouleversée le jour où son frère aîné Matthies décède dans un accident.

« Qui sème le vent » est un récit à hauteur d'enfant. Parka en est la seule narratrice et c'est à travers ses yeux et ses mots que nous assistons à la lente désagrégation de sa famille suite à la mort de Matthies. le deuil d'un enfant et d'un frère est bien sûr le thème central de ce roman, avec la description des parents qui s'enferment dans leur chagrin, qui se laissent totalement sombrer comme la mère qui ne voit plus et ne touche plus ses enfants ou le père qui ne donne plus son attention qu'à ses vaches.

Le lecteur se laisse porter par la narration lente, contemplative, introspective et imaginative de Parka, une enfant désarmée face à l'abandon de ses parents qu'elle souhaite à la fois sauver et fuir.
C'est une soeur qui n'a pas le droit de parler de son frère car, au nom de la religion austère omniprésente dans cette famille, «  on ne parle pas des morts, on les remémore ». Dans cette famille de taiseux, impossible de communiquer.
C'est une petite-fille qui au fur et à mesure, développe ses propres traumatismes et obsessions, mêlés à des préoccupations d'enfant de son âge comme la découverte de la sexualité ou la crainte de mourir. le cadre rupestre et l'isolement de la famille ajoutent une touche mélancolique et sauvage à cette histoire profondément désolante.
Comme Parka et Hanna, on attend avidement une réaction des parents qui ne voient pas leurs enfants s'enfoncer dans leurs peurs ou devenir d'une cruauté perverse dès lors qu'Obbe s'en mêle. Et le seul adulte qui nous semble un moment pouvoir sauver Parka est suffisamment ambigu pour réduire nos espoirs à néant.
Alors, longtemps, on attend. Mais rien ne se passe, si ce n'est le pire, que l'on redoute depuis le début. Car « Qui sème le vent »… histoire belle et cruelle, souvent glauque, sous tension, nous laissera dans un coin de notre tête Parka rouge, petite-fille sacrifiée sur l'autel du malheur. Et un sentiment de malaise certain pour ma part.
Ames sensibles s'abstenir.
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Ce premier roman de Marieke Lucas Rijneveld, jeune auteur(e) néerlandais(e), m'a fait l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. Qu'on aime ou qu'on déteste, on ne peut pas rester indifférent à ce livre qui dérange. La narratrice grandit dans une famille de paysans très marquée par l'austérité calviniste. Aussi, lorsque l'un des enfants meurt accidentellement, chacun va devoir se débrouiller pour vivre son deuil comme il le pourra, mais sans jamais évoquer ni sa douleur, ni le mort. Pour les trois frères et soeurs restants, la norme n'a alors plus comme bornes que celles qu'ils s'imposent à eux-mêmes. Tandis que la narratrice s'isole en se protégeant physiquement avec sa parka, les parents eux s'enferment de plus en plus dans un quotidien vidé de son sens. On pourra être gênés par certains passages malsains, mais nullement gratuits à mon avis.
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Qui sème le vent, récolte le tempo (non, ça, c'est la version de MC Solar), récolte la tempête.
C'est l'histoire d'une famille, les Mulder qui commença à se déliter entre le 24 et le 25 décembre. C'est une histoire digne des X-Files et des livres d'Edgar Poe ou de Guy de Maupassant. C'est "La Terre" de Zola dans les polders hollandais. Très vite après l'évènement, tout se fige : la mère, le père et les enfants : Obbe, Hanna et Parka dont on ne connaît pas le prénom, car elle ne quitte plus sa parka après l'évènement.
C'est le poids du protestantisme, luthérien,calviniste, dans toute sa rigueur. La Bible, l'ancien et le nouveau Testament, pas de transsubstantiation, ni de saint, pas de naissance de Jésus par l'opération du Saint esprit, pas de signe de croix, ni d'eau bénite, Marie est la mère du Jésus et son témoin au même titre que les apôtres (Joseph serait-il donc le père de Jésus - Emmanuel - l'élu ?).
Personne n'est innocent dans cette histoire, tout le monde est coupable et le poids des fautes est lourd à porter quel que soit l'âge et encore plus quand on rentre en 6ème. le corps change, celui des autres aussi ... Parka a froid, toujours plus froid dans cette famille congelée où le frère aîné tue des animaux, explore de façon surprenante sa sexualité, se met à fumer, à boire pour oublier comme son père avec le guenièvre, tandis que la mère se consume comme une chandelle.
J'ai découvert ce roman par hasard lors d'une rencontre littéraire à la médiathèque de la ville où je réside, par le biais d'une autre lectrice. Je serais curieuse de lire d'autres textes de cette jeune auteure à la sensibilité à fleur de peau, capable de faire des liens improbables entre la foi et la vie, la nature et la mort.
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QUI SÈME LE VENT,...

La glace a craqué sous les patins de Matthiès, son frère, depuis elle ne quitte plus sa parka et parle à ses crapauds.

Gelée à l'intérieur, personne ne réchauffera sa peine. Elle reste bloquée, son ventre est douloureux. On oublie son nom, elle n'existe presque plus ; à la ferme ses parents l'appellent Parka.
Par moment j'oubliais qu'elle était une fille, trimant comme elle le faisait aux travaux de la ferme, et son père n'ayant aucune pudeur envers elle.

Cette petite fille âgée de 10 ans au début du récit garde au fond d'elle ses interrogations, observe les animaux de la ferme, les crapauds, les lapins, calque leurs rapports sur ceux de sa famille.
Avec eux elle tente d'apprivoiser la mort, la sexualité, la violence, la peur, poussée en cela par la cruauté vicieuse d'Obbe, son autre frère.

Parka fait son apprentissage d'une façon bancale, violente. Ce mélange de naïveté et de pensées trop grandes, noires, glaçantes, est perturbant.
Elle apprend trop vite, pousse de travers, cachée sous sa parka. Sans tuteur, sans gestes d'amour ou d'affection, la solitude étend son ombre sur sa fragilité.

Si elle ne sait pas elle imagine, s'échappe au-delà du lac, au-delà du tas de fumier et des ténèbres qui l‘engloutissent. Parka, Obbe et leur petite soeur Hannah ont une vision trouble de la réalité, une vision déplacée de leur place au sein de cette famille protestante qui vit isolée dans la campagne néerlandaise.

Sans mots, sans réconfort et attention, de la part des parents au coeur glacé par le deuil, corseté par la religion, Parka dérive seule sur ce lac de chagrin, de culpabilité, de violence.

Des parents comme des icebergs, une mère meurtrie, aveuglée par la perte de son enfant, à demi morte, un père sec, aux moeurs qui semblent d'une autre époque, plus préoccupé des versets de la Bible et des soins à donner aux vaches, que de ses propres petits.

Des scènes dérangeantes qui font tourner les pages avec l'espoir de trouver plus loin un trou de lumière, de sortir de l'obscurité gelée, de briser ce malaise.

Que dire d'autre à part que c'est terriblement bien écrit. À travers les yeux de Parka, ses mots qui devinent, tâtonnent, touchent à la vérité, à la fragilité, on ressent la détresse emmitouflée, étouffée. On voudrait que quelqu'un lui vienne en aide, pas le vétérinaire au comportement louche, mais une personne qui lui donnerait un goût d'enfance, de sourire, de rêve. D'humanité. Quelqu'un qui briserait la glace des silences et gestes muets.
Une personne qui l'appellerait Jas.

... LÀ OÙ LES GENS NE S'AIMENT PAS,
RÉCOLTE LES CENDRES.


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« Qui sème le vent » de Marieke Lucas Rijneveld, traduit par Daniel Cunin, 2020, Buchet-Chastel, 288 p.) est un livre étrange, qui préfigure peut-être une nouvelle littérature hollandaise. Lauréat du International Booker Prize avec sa traductrice Michele Hutchinson pour son « The Discomfort of Evening » (2020, Faber & Faber, 224 p.), traduit de « de avond is ongemak » (2020, Atlas Contact, 270 p.). C'est la première fois qu'un auteur hollandais gagne ce prix prestigieux. Quoiqu'il en soit, remporter ce prix à 29 ans pour son premier roman est une belle performance. Cela s'ajoute à la nomination (longlist) l'année dernière de Tommy Wieringa pour son « The Death of Murat Idrissi » (2021, Scribe Us, 112 p.). Un renouveau hollandais. Cela changera de Eduard Douwes Dekker, dit Multatuli (1820-1887), connu pour son roman-pamphlet « Max Havelaar » dont l'action se passe à Java et qui dénonce l'exploitation coloniale dans les Indes Néerlandaises. On en retrouve trace dans les divers tomes de Eka Kurniawan et sa saga de « Les Belles de Halimunda » (2017, Sabine Wespieser Editeur, 656 p.), une curiosité.
On peut rapprocher ce roman d'un enfant des Flandres de « débacles » de Lize Spit traduit de « Het Smelt » (Tout fond) par Emmanuelle Tardif (2018, Actes Sud, 432 p.). Roman qui prend place dans le village de Bovenmeer, dans la campagne belge flamande. Trois enfant, Laurens, Pim et Eva, du même âge, ont des jeux plus que bizarres dans l'odeur de purin et la fumée de cigarette. La fille va être entrainée, comme rabatteuse, dans des jeux plus ou moins sexuels dans lesquels les deux garçons forcent les autres filles du village à se déshabiller si elles ne trouvent pas les clés d'une énigme à résoudre. A l'origine, Eva avait un frère jumeau mort à la naissance. Il est intéressant de voir ce renouveau de la littérature des Flandres mettre en scène une jeunesse rurale maltraitée et oppressée que rien ne vient réjouir.
Par ailleurs, Marieke Lucas Rijneveld est née en tant que fille, puis a ajouté Lucas comme prénom à trois ans après que son frère ainé se soit tué. Née dans le Brabant hollandais, elle a été élevée dans une famille rurale très pratiquante. Son roman, qu'elle a mis 6 ans pour l'écrire est inspiré de sa jeunesse et du drame familial qui l'a notoirement marqué. Ce désir d'être un garçon, manifesté par l'ajout de son prénom alors qu'elle est en primaire (Groep 3) elle revendique sa masculinité, mais s'identifie des deux sexes indifféremment. Par ailleurs, elle utilise souvent le pluriel, sans genre en anglais (they, them) ou hollandais (de, ze).

Lors de la prestation de serment du dernier président des USA, Amanda Gorman, une jeune poète afro-américaine de 24 ans lisait un poème « The Hill we Climb ». Grand succès dans le monde de l'édition qui suggère Marieke Lucas Rijneveld pour traduire le poème. Lever de bouclier pour plusieurs raisons. Absence de connaissance par l'auteur hollandaise, maîtrise jugée insuffisante de l'anglais et, surtout, le problème du « surplomb de la pensée blanche », pour citer d'autres écrivains américains. En France l'affaire fait l'objet d'une tribune dans « le Monde » dans laquelle André Markowicz, traducteur, écrit : « Personne n'a le droit de me dire ce que j'ai le droit de traduire ou pas ». Actuellement, la polémique n'est pas éteinte dans le microcosme et elle rebondit sur la capacité de comprendre et de traduire ce type d'oeuvres (traducteur ou trahisseur). Autant le dire tout de suite. Je fais partie de ces catégories de critiques, mâle, de type caucasien, yeux bleu, châtain clair…..et une légère claudication (passagère) du pied droit. Il faudra en tenir compte pour la conclusion. Par contre, je souhaiterais beaucoup pouvoir enfin lire les ouvrages et poèmes de Sammy Davis Junior, lui qui caractérisait ses handicaps de noir, juif et borgne.

Très courte première partie (une trentaine de pages) de ce roman qui en comprend trois, qui présente la famille Mulder, famille paysanne et « religieuse », qui respecte le pasteur Renkerma (église reformée néerlandaise), des vaches qui « même quand elles ne réclament aucune attention, même quand elles sont casées, chacune à sa place dans l'étable, gavées et lourdaudes,... se démerdent pour faire office de force majeure »,
La narratrice, dix ans, a deux frères plus vieux qu'elle, Matthies l'aîné, Obbe, le second, et une soeur, Hanna, la petite dernière. Elle soupçonne son père de vouloir tuer son lapin Bouclette pour le repas de Noël. Ce qui n'est pas une façon de faire participer les animaux à la joie de la nativité. Désespérée, elle fait une prière : « J'ai demandé à Dieu s'il pouvait, s'il Vous plaît, prendre mon frère Matthies au lieu de mon lapin ». Henri III échangeait son royaume contre un cheval. La mise a baissé, il n'y a plus qu'un lapin. L'échange devient inégal. Et la veille de Noël, Matthies se noie pendant une compétition en patins à glace.
Cette première partie m'avait un peu déconcerté lors de la sortie du livre, et j'avais abandonné la lecture. Reprise récemment, parce que c'était tout de même un International Booker Prize, j'ai plus compris le sens du livre. C'est vrai que rester à ces pratiques et rites de l'enfance peuvent dérouter le lecteur. Et à en juger différentes critiques, on constate que beaucoup en restent à ce niveau de lecture et à des scènes de pipi-caca qui a priori sont sans intérêt. C'est fort dommage, et cela montre aussi que la lecture n'est pas une simple affaire de savoir déchiffrer et enchainer des signes. On peut d'ailleurs se poser la question de ce qui reste de ce déchiffrage et quel profit ce type de lectorat peut tirer du livre (ou du cinéma, ou des séries télés). D'un autre côté, on se demande si le monde de l'édition ne va pas dans le même sens en favorisant et promouvant une littérature plus facile d'accès, aux codes simplifiés, mais si, en étant d'accès plus aisé, elle n'était pas source de plus de bénéfices. Des livres à vendre plutôt qu'à lire.
Retour donc à la famille Mulder, ses vaches en ses polders et sa rigole à purin. Quatre enfants au début du livre, plus un qui a mystérieusement disparu avant le mariage religieux. Ce qui n'est pas bien pour ces pratiquants pieux d'avoir caché cela au pasteur Renkerma. Et la veille de Noël, Matthies, l'ainé se noie en patinant sur de la glace fragile. Dire que la famille accuse le choc est faible. D'ailleurs, Jas ne quitte plus sa parka rouge « ma parka en guise d'armure », a tel point qu'on ne l'appelle plus que Parka. Et en plus, elle retient ses aliments, malgré les traitements, le savon vert et l'huile d'olive qu'on lui fait ingurgiter. Il en va de même de leur découverte de la sexualité « Les paroles de papa me reviennent : ne jamais laisser un gros lapin couvrir un petit. Son raisonnement ne vaut pas un sou : papa a deux têtes de plus que maman, et maman a survécu quand elle nous a mis au monde. ça doit donc être possible ».

Ce qu'il y a de dramatique dans ce livre, c'est la distance, le gouffre, qui existe entre leurs vies et la société. Les enfants sont encore lavés dans un baquet à tour de rôle dans la même eau, des jours précis de la semaine. Mais « Tout le monde possède un lecteur CD, sauf les andouilles. Les andouilles, ce sont des Croco Haribo jaunes, ceux qui restent à chaque fois au fond du paquet ». Aucun réconfort, aucune tendresse des parents. La grande nouvelle sera que « Saint Nicolas n'existe pas ». Ils ont alors 12 ans. Par contre, ils connaissent tous des paroles de la Bible, il y en a pratiquement à chaque page, ou une page sur deux. « Nous sommes dans ce monde mais pas de ce monde ».

Il faut dire que la religion mène le monde rural néerlandais « Or, la naissance de Jésus n'est pas un jour ordinaire. Pas même si elle revient sans faute chaque année, de même qu'Il meurt sans faute chaque année pour nos péchés – ce qui me paraissait bizarre et qui m'amenait souvent à me dire : le pauvre, ça fait pourtant déjà une éternité qu'Il est mort, l'aurait-on oublié ? ». Tout passe par la et procède de là. « Un jour, alors que l'écran était noir, Obbe a dit que la télévision, c'était l'oeil de Dieu ; si maman ferme les portes, c'est en réalité pour qu'Il ne nous voie pas ». Ou encore, pour guérir les problèmes de transit de Jas. « Hier soir, quand papa, en une ultime tentative, a cherché dans la Bible la solution à mon problème de constipation, il est tombé sur un passage du Deutéronome : "Tu auras un endroit, hors du camp, où tu sortiras ; et tu auras un pieu avec ton bagage ; et quand tu voudras t'asseoir dehors, tu creuseras avec ce pieu, et tu recouvriras ce qui sera sorti de toi ».
Pour comprendre l'ambiance qui règne dans les campagnes hollandaises, il faut remonter aux débuts du protestantisme. Nous grandissons avec la Parole, or les paroles font de plus en plus défaut à la ferme ». En 1517, le moine Martin Luther, docteur en théologie, publie ses 95 Thèses qui dénoncent les dérives de l'Eglise catholique, comme le commerce des indulgences. Puis il affirme la prédominance de de la Bible, qui vient d'être imprimée en 1454 par Joachim Gutenberg, puis traduite par Jean Calvin en 1562 et est donc disponible. Luther est excommunié par le Diète de Worms en 1521, mais ses idées trouvent échos dans la population, essentiellement rurale, ce qui déclenche la « Bauernkrieg » ou Guerre des Paysans dans le Saint Empire Romain Germanique. Ses idées, et celles de Jean Calvin, de Genève, essaiment dans toute l'Europe, rediffusées par Jean Zwingli et Martin Bucer. La théologie réformée prône la toute-puissance de Dieu, sans contradiction avec la liberté, mais sous la responsabilité du chrétien. La transcendance de Dieu implique aussi la relativisation de tous les pouvoirs humains, politiques ou religieux. La religion protestante se développe aux Pays Bas à partir de 1571. Ce n'est pas une religion d'Etat, mais la loi exigeait que tout agent public soit un membre communiant de cette église. Parallèlement, des églises séparatistes comme les memnonites ou les anabaptistes, généralement non-violents et anti-militaristes se développent, puis émigrent. Ces mouvements amènent une influence puritaine qui se fait sentir et entraîne la formation de petits groupes à la piété plus intense et à la morale plus stricte.
D'un point de vue politique, la réforme joue un rôle fondateur dans l'histoire des Pays-Bas. Son développement va de pair avec la révolte contre les Espagnols, juste avant l'indépendance du pays lors de la guerre de Quatre-Vingt Ans (1568-1648). Les Pays-Bas du Sud (actuelle Belgique et Nord de la France) restent sous influence espagnole, donc catholique. Par contre, les Pays-Bas du Nord (actuelle Hollande) devient indépendante sous obédience calviniste.
Cette partition des Pays-Bas et l'influence d'une religion piétiste marque encore les comportements, essentiellement dans la campagne rurale et dans la discipline poche des anglo-saxons de la population, rigide et soumise à son clergé. « Quand on laisse trop longtemps des poissons rouges dans l'noir, y deviennent tout blancs ». J'aime bien cette citation du livre à ce propos.
En primeur, le nouveau livre de Marieke Lucas Rijneveld « Mijn Lieve gunsteling » (2020, Atlas Contact, 237 p.), bientôt traduit en « Ma chère préférée » ou « My Dear Favorite » va poursuivre l'oeuvre entamée avec « The Discomfort of Evening » traduit par Michele Hutchison (2020, Faber & Faber, 288 p.) ou « Qui sème le Vent », traduit par Daniel Cunin (2020, Buchet-Chastel, 288 p.) qui a été récompensé par le International Booker Prize 2020.
Que les lecteurs du premier roman se rassurent, ils vont retrouver un vétérinaire, Kurt (en hommage à Kurt Cobain) de 49 ans, Minion, une fille de fermier (elle a maintenant 14 ans), qui a des antécédents psychiatriques. Elle a en particulier volé lors de l'attentat contre les tours du World Trade Center « Je suis l'avion, je suis le coupable ». C'était en 2001, donc cela lui fait des années à rallonge. Elle partage aussi sa date anniversaire avec Hitler, le moustachu. Un de ses frères est mort accidentellement, renversé par une voiture. Et sa mère a disparu tandis que le père est absent. Il y aura même l'épisode de la fièvre aphteuse. Toutes choses que l'on trouvait déjà dans « Qui sème le Vent ». A en juger par les relations troubles entre le vétérinaire et la fille, on peut s'attendre à une ré-écriture de « Lolita » de Vladimir Nabokov, traduit par Maurice Couturier (2001, Gallimard Folio 551 p.).
Dès le début du livre, au chapitre 2, il nous raconte qu'il a trouvé un fermier qui s'était pendu lors de l'épidémie de fièvre aphteuse. A part cela, il a, lui aussi des problèmes qui remontent à sa jeunesse. « J'ai soudainement réalisé qu'en tant que petit garçon je n'avais jamais sauté, je suis né adulte et les adultes ne le font pas sauter les enfants ». Peut-être aussi des problèmes d'abus sexuel. Et on aura droit à la scène de rêve avec la soeur mort-née. « Un mort ne peut pas être brisé, un mort est mort, rien de plus. Celui qui reste est cassé. En mille morceaux ».
J'en ai assez dit de l'histoire. Reste l'écriture. J'aime bien ces phrases longues selon lesquelles Kurt raconte son histoire (le problème est que cela dure 42 chapitres). Il utilise pour cela des grands blocs de texte sans paragraphe, sans lignes blanches ni indentation, parfois sans points. Mais cela ne vaut pas le splendide « Zone » de Mathias Enard (2008, Actes Sud, 516 p.).

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L'approche de Noël n'a rien d'une fête chez les Mulder. Dans cette famille religieuse et austère, où toute effusion sentimentale est proscrite, les jours continuent de s'égrener, marqués par la répétition des travaux à la ferme auxquels chacun doit contribuer. Pourtant, quand la jeune narratrice de Qui sème le vent, dans un mouvement d'humeur, fait le voeu qu'un de ses frères meure et que celui-ci disparaît dans un accident, le désespoir et la culpabilité vont peu à peu s'instiller dans la cellule familiale.
Dans ce monde poisseux, hors du temps, où l'angoisse du jugement divin pèse comme une chape de plomb, Marieke Lucas Rijneveld installe un drame familial aussi feutré que dérangeant. Fouillant la psychologie de son héroïne dans ses moindres recoins, jusqu'aux pulsions d'inceste et de mort qui la hantent et à sa fascination pour la pourriture des corps, Qui sème le vent sidère durablement par la radicalité avec laquelle il expose la violence sourde et la cruauté à l'oeuvre dans cette famille verrouillée dans son silence.
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Un livre déroutant, surprenant, attachant!

On débute avec un sentiment mitigé. C'est perché, décalé, voir même un peu déstructuré au premier abord.

Le narrateur personnifié par une demoiselle sombre et truculente à la fois nous livre à travers le prisme de son regard et de son coeur d'enfant son histoire et sa manière de la ressentir. Elle nous esquisse les sentiments et les affres des membres de sa famille dans un huis clos rural percuté de plein fouet par la mort du fils ainé, mais aussi comme si cela ne suffisait pas de la perte du troupeau de vaches laitières décimé par une épidémie de fièvre aphteuse.

Cette petite fille pleine de tristesse tentera tout le roman de chercher la solution pour réparer ses pauvres parents en souffrance. Elle tentera à travers ses rituels et ses mythes de supporter la culpabilité de pensées coupables qui la torturent chaque instant.

c'est rude, âpre, noir et pourtant si drôle, tendre et plein de vie.

Pas de place au classicisme pour ce premier roman!
Besoin d'une bonne dose de recul pour assumer dans la société qui est la notre une image et une distance à la mort peu conventionnelle et pourtant si réaliste.
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Douloureuse est le premier mot qui me vient à l'esprit après cette lecture. Car si j'ai été admirative devant la plume de cette jeune auteure qui vient de recevoir l'international Booker Prize pour ce premier roman à l'âge de vingt-neuf ans, j'avoue avoir eu beaucoup de mal à m'attacher à ce récit habité par tant de désolation.


Terriblement anxiogène, cette histoire bouleversante m'a submergé de désespoir, et m'a lecture est devenue laborieuse, j'avais hâte de quitter cette famille tant leur chagrin m'envahissait insidieusement.


J'en ressors du coup quelque peu mitigée tout en étant consciente d'avoir entre les mains un roman atypique, rude, âpre, avec le pressentiment que Qui sème le vent récoltera de nombreux lauriers. 


Difficile de disserter davantage, mais cette dose d'encre si noire soit-elle fera beaucoup parler d'elle c'est assuré. 


Pour un premier roman c'est assez épatant. 


Une jeune auteure qui possède une plume extraordinaire, très prometteuse, à suivre c'est certain. 

Ma chronique complète sur mon blog Dealerdeligne sur WordPress lien ci-dessous :
Lien : https://dealerdeligne.wordpr..
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Merci à l'opération Masse critique et aux éditions Buchet-Castel pour cet étonnant premier roman.
***
Dérangeant, très dérangeant, ce premier roman d'une jeune poète néerlandaise de 28 ans, Marike Lucas Rijneveld… Dans la très courte première partie (une trentaine de pages) de ce roman qui en comprend trois, une narratrice à la première personne remonte deux années plus tôt pour raconter le drame qui a bouleversé sa famille. Elle a alors 10 ans. Elle vit dans une ferme qui semble éloignée de tout. Elle cherche l'attention de ses parents, éleveurs de bovins, protestants purs et durs, qui semblent incapables d'exprimer leurs sentiments envers leurs enfants. La narratrice a deux frères plus vieux qu'elle, Matthies, l'aîné, Obbe, le second, et une soeur, Hanna, la petite dernière. Elle soupçonne son père de vouloir tuer son lapin Bouclette pour le repas de Noël. Désespérée, elle fait une prière : « J'ai demandé à Dieu s'il pouvait, s'il Vous plaît, prendre mon frère Matthies au lieu de mon lapin. » Mais la veille de Noël, Matthies se noie pendant une compétition en patins à glace. Après…
***
Je ne sais pas si j'ai aimé ce livre, mais il m'a menée de surprises en étonnements, loin des moulins à vent et des paisibles canaux ! Là où est située la ferme, on est déjà dans un pays nordique avec des hivers très rigoureux. le début du roman se déroule en l'an 2000 (p. 16), mais parfois, à cause de la manière dont vit la famille, de la place accordée aux enfants et de l'omniprésence de la religion, on pourrait se croire au XIXe siècle malgré les références à la télé, aux jeux vidéo et aux machines agricoles. L'ambiance devient de plus en plus glauque avec le passage du temps. La culpabilité qui habite la narratrice la dévore et prend diverses formes. Elle se réfugie dans sa parka, qu'elle refuse de quitter, et en garnit les poches au fil de ses expériences : une tirelire cassée, quelques crottes de nez, un couple de crapauds qu'elle voudrait voir s'accoupler, etc. La sexualité des uns et des autres occupe une grande place dans ce texte cru et souvent scatologique. Comme la narration est à la première personne, ces sujets sont abordés avec les yeux d'une enfant, certes au courant des « choses de la vie », mais qui fait parfois preuve d'une certaine naïveté. Les soins du père et du frère pour venir à bout de la constipation chronique de la narratrice sont assurément révoltants. La petite fille observe les membres de sa famille dont le désespoir prend des formes diverses, et personne, sauf parfois sa soeur Hanna et son amie Belle (pauvre Belle !), ne peut lui apporter le moindre réconfort. le réalisme de l'écriture, l'attention apportée aux détails les plus crus provoquent intentionnellement un vrai malaise. Pour un coup d'essai, c'est un coup de maître ! On dit que les premiers romans portent souvent une grande part d'autobiographie. J'espère que ce n'est pas le cas ici… À lire, assurément, mais en étant prévenu qu'il faut parfois s'accrocher.
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