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Bertille Hausberg (Traducteur)
EAN : 9782864245155
216 pages
Editions Métailié (01/10/2004)
4.08/5   26 notes
Résumé :


En 1907, de grandes grèves éclatent dans les mines de nitrate du désert d'Atacama, les mineurs entreprennent une grande marche à travers le désert en direction de la petite ville de Santa María de Iquique, où ils pensent négocier.

Leurs familles les accompagnent. Hernán Rivera Letelier aussi avec ces personnages dont il a le secret: Olegario le mineur amoureux de l'image féminine qui figure sur son paquet de cigarettes, Gregoria l'éner... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Santa Maria de las flores negras. Lu en v.o.

Hernan Rivera Letelier s'est voulu le chantre des ouvriers salpetriers de la pampa chilienne. Il leur a consacre plusieurs livres pour nous rappeler leur ardu travail, leurs reves et surtout leurs miserables conditions de vie, exploites par des compagnies etrangeres ou multinationales.


Ici il raconte une greve epique et son horrible denouement, ou l'armee tire sur les grevistes rassembles dans une ecole du port d'Iquique et en tue plus de trois mille. Cela s'est vraiment passe en 1907.
Tout commence au campement salpetrier de San Lorenzo, ou les ouvriers se mettent en greve et decident de partir pour le chef-lieu, Iquique, demander meilleures conditions de travail et augmentation de salaire. Ils se mettent en marche, dans le desert d'Atacama, et sont bientot rejoints par d'autres campements, Santa Lucia, La perla, San Agustin, Esmeralda, Santa Clara, Santa Ana (de si jolis noms pour de si miserables villages...). Ils sont bientot des milliers qui marchent dans le desert, par familles entieres, hommes femmes et enfants, et il y a des morts, et il y a des naissances dans le desert.
Arrives a Iquique ils sont parques dans une ecole: Santa Maria. Ils s'elisent un comite qui transmet leurs revendications aux autorites des compagnies salpetrieres et a celles de la ville. On les fait attendre, on les berce d'illusions, alors qu'en quelques jours accostent plusieurs bateaux de guerre et que la ville s'emplit de militaires. Au bout d'une semaine l'armee met le siege sur l'ecole et somme les grevistes de retourner immediatement a leurs villages de travail. Face a leur refus, elle ouvre une mitraillade aveugle: 3600 morts, hommes, femmes, enfants, sans compter les blesses. L'horreur.


Rivera Letelier a ecrit un roman, pas un livre d'histoire. Il le peuple donc d'histoires d'amities et d'amour qui naissent. Bien qu'il soit court, il y a des longueurs. Disons plutot que j'ai ressenti des longueurs, des temps morts, parce que la fin m'etait connue d'avance. Mais c'est une lecture poignante. Un crevecoeur.


Rivera Letelier met en exergue quelques vers de la "Cantata Santa Maria de Iquique", chantee par le groupe folklorique chilien Quilapayun. Une cantate ou se melent le recite, le chante et l'instrumental. Elle est bouleversante. On peut l'ecouter sur youtube, et on en trouve les paroles, en espagnol et en diverses traductions, dont le francais, dans le site www. antiwarsongs. org. Je ne peux m'empecher d'en recopier un extrait:

Un enfant joue dans l'ecole
Sainte Marie
Joue a debusquer des tresors
Qu'y trouvera-t-il? fors la mort.

Les hommes de la pampa
Qui voulurent protester
Comme des chiens furent tues
Car il fallait que cela soit.

Il ne faut pas etre pauvre, ami
C'est dangereux
Il ne faut pas parler, ami
C'est dangereux.

Les femmes de la pampa
Se mirent a pleurer
Ils durent aussi les tuer
Car il fallait que cela soit.

Il ne faut pas etre pauvre, amie
C'est dangereux
Il ne faut pas pleurer, amie
C'est dangereux.

Les enfants de la pampa
Ne faisaient que regarder
Ils durent aussi les tuer
Car il fallait que cela soit.

Il ne faut pas etre pauvre, petit
C'est dangereux
Il ne faut pas naitre, petit
C'est dangereux.

Ou sont les assassins
Qui tuerent pour tuer?
Nous le jurons sur la terre
Nous les chercherons sans fin.

Nous le jurons sur la vie
Nous les chercherons sans fin
Nous le jurons sur la mort
Nous les chercherons sans fin.

Nous le jurons camarades,
Ce jour viendra.
Nous le jurons camarades,
Ce jour viendra.






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Ce roman est à la fois un coup de coeur, un coup au coeur, et un crève-coeur. Il est triste, bouleversant, révoltant. Il est beau. Bien que ce dernier mot soit un drôle de qualificatif pour le récit de la lutte (bien réelle) menée par les travailleurs du salpêtre des mines du désert d'Atacama, dans le nord du Chili.
Le récit s'ouvre, en ce 10 décembre implacablement ensoleillé de 1907, sur le couple de vautours apprivoisés – oiseaux de mauvais augure s'il en est – d'Olegario Santana, 57 ans, mineur taciturne connu pour son tempérament pessimiste. Ce jour-là, alors qu'il part à la mine, il apprend que la grève a été déclarée et que les grévistes vont se rendre à pied à Iquique, où sont censées se tenir des négociations avec les patrons (autre sorte de vautours) et les autorités locales. Olegario se laisse entraîner dans le mouvement et se met en marche avec des dizaines de compagnons, leurs femmes et leurs enfants. Un jour et une nuit de marche harassante à travers le désert le plus aride du monde, dans une chaleur d'enfer et un froid de glace, avec à peine de quoi boire et manger. Tous n'arriveront pas à Iquique, mais qu'importe : « ...nous avons éprouvé au fond de nos coeurs l'impression de marcher en direction d'un monde nouveau, d'une nouvelle patrie, du pays magique de la justice et de la rédemption sociale. Sous le coup de l'émotion et malgré la fatigue, le désert nous a semblé l'endroit le plus beau du monde ».
Hébergés tant bien que mal dans des écoles, des hangars et même un cirque, les travailleurs en grève affluent par milliers de toutes les compagnies du désert. Une délégation est désignée pour rencontrer les « seigneurs du salpêtre », pendant que les mineurs, toujours plus nombreux dans la ville, vivotent, calmes et disciplinés, dans une ambiance de kermesse. Mais les jours passent, les négociations s'enlisent et « L'exaltation et l'allégresse des premières heures s'étaient considérablement atténuées au fil des jours pour se transformer en un calme plein de tension et d'angoisse ». Celle-ci monte encore d'un cran à l'arrivée de troupes militaires de tout le pays et de vaisseaux de guerre dans le port, mais les mineurs, dans leur naïveté, croient toujours à une issue favorable : « Et cette allégresse était si saine, si innocente, notre conflit si juste et si fondé à nos yeux, nous faisions une telle confiance aux autorités civiles et militaires que nous nous surprenions parfois à agiter nos mouchoirs, à applaudir avec un enthousiasme enfantin le défilé martial des soldats en patrouille de surveillance ». Et pourtant, après onze jours, la souricière se renferme sur les mineurs, le 21 décembre 1907 à 15h48. Pris au piège dans l'école Santa Maria, 3000 d'entre eux (sur 12 000) tomberont sous les balles des soldats.

Ce récit est terrible, car on sait, on sent qu'il finira en boucherie. L'auteur rend très bien la tension de ces jours, ces heures, qui monte au fil des pages, et on se demande, une boule d'angoisse dans la gorge, qui, d'Olegario, Doña Gregoria, José Pintor, Liria Maria, Idilio et tant d'autres, va en réchapper parmi nos amis. Parce qu'on s'est réellement pris d'amitié pour ces âpres travailleurs qui réclament seulement un salaire plus juste et le droit de ne pas être exploités comme des esclaves. Alors, quand enfin la dernière mitrailleuse se tait, et qu'on émerge, tout abruti, du chaos, on a eu l'impression de vivre ces scènes dantesques et d'avoir senti les balles nous siffler aux oreilles. Et on compte les morts, et on essaie de sauver ceux qui peuvent l'être. Puis, parce qu'au fond rien n'a vraiment changé, on accompagne les survivants qui retournent à la mine.

Hymne au désert d'Atacama et à ses travailleurs, ce livre nous emmène au bout d'un combat social mais aussi au coeur de vies ordinaires et très attachantes, faites d'amours, de petites jalousies, de courage, d'innocence et d'une générosité aussi infinie que la cupidité des maîtres du salpêtre, et que le nombre d'étoiles dans le ciel de l'Atacama. Un coup de coeur, vous disais-je.
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- "Un jour je l'ai entendu dire que Dieu aimait sûrement beaucoup les pauvres pour en avoir créé autant" - Plus de trois mille mineurs, dans ce Chili de 1907 secoué par les grèves, entament une errance sociale, traversant l'enfer du désert d'Atacama, pour rejoindre la terre promise de la négociation, jusqu'à la ville de Santa Maria de Iquique, et clamer leur misère et leur exploitation. Naïfs, truculents, idéalistes et brisés d'avance, ils portent leur joyeuse espérance de perdants étoilée sur la sueur de leur front, comme un rêve enfin accordé à des prisonniers de marque, au fil d'une épopée historique et humaine bouleversante. Je marcherai volontiers aux côtés d'Olegario, mineur quinquagénaire, taiseux et pessimiste, éleveur de vautours et amoureux de la gitane de son paquet de cigarettes. Et parce que rien, non rien n'égale la douloureuse beauté des combats perdus d'avance, j'invite à lire ce sublime roman qui rend justice à ces hommes qui ont osé la réclamer.
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- Encore une pépite, je suis gâtée! A-t-on le droit de dire que c'est beau quand c'est aussi tragique et cruel ? En 1907, de grandes grèves éclatent dans les mines de nitrate du désert d'Atacama au Chili, les mineurs entreprennent une grande marche à travers le désert en direction de la petite ville de Santa María de Iquique, où ils pensent négocier.
Leurs familles les accompagnent. Parmi eux, on croise des personnages incroyables: Olegario le mineur amoureux de l'image féminine qui figure sur son paquet de cigarettes, Gregoria l'énergique veuve au grand coeur, Idilio l'amoureux du vent constructeur de cerfs-volants et la jeune Liria María. Tous ces protagonistes pleins de force et d'innocence traversent le désert et sont inexorablement entraînés vers le dénouement tragique et réel qui verra plus de trois mille d'entre eux impitoyablement massacrés à la mitrailleuse.
Hernán Rivera Letelier mêle épopée sociale et vies romanesques dans un récit à plusieurs voix magnifique et poignant. L'écriture est magnifique, et on peut aussi féliciter Bertille Hausberg la traductrice qui a su rendre en Français cette verve splendide.
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- "Un jour je l'ai entendu dire que Dieu aimait sûrement beaucoup les pauvres pour en avoir créé autant" - Plus de trois mille mineurs, dans ce Chili de 1907 secoué par les grèves, entament une errance sociale, traversant l'enfer du désert d'Atacama, pour rejoindre la terre promise de la négociation, jusqu'à la ville de Santa Maria de Iquique, et clamer leur misère et leur exploitation. Naïfs, truculents, idéalistes et brisés d'avance, ils portent leur joyeuse espérance de perdants étoilée sur la sueur de leur front, comme un rêve enfin accordé à des prisonniers de marque, au fil d'une épopée historique et humaine bouleversante. Je marcherai volontiers aux côtés d'Olegario, mineur quinquagénaire, taiseux et pessimiste, éleveur de vautours et amoureux de la gitane de son paquet de cigarettes. Et parce que rien, non rien n'égale la douloureuse beauté des combats perdus d'avance, j'invite à lire ce sublime roman qui rend justice à ces hommes qui ont osé la réclamer.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
La compagnie salpêtrière San Lorenzo, dans le canton de San Antonio, se compose du campement du haut et du campement du bas et la maison d'Olegario Santana, faite comme toutes celles des ouvriers de plaques de tôle disjointes et de planches de pin Oregon, se trouve au dernier numéro de la dernière rue du campement du bas. Plus loin, il n'y a plus que l'infinie solitude des sables et l'illusion fatidique des mirages du désert.
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- Rêver, c'est déjà une façon de lutter, don Olegario. Quelqu'un a dit un jour: tous les rêves sont séditieux.
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[incipit]

Sur le toit de la maison, découpés sur la lumière de l'aube, les vautours ressemblent à un couple de petits vieux en frac, tout rabougris et les mains dans les poches.
Statiques comme des personnages de girouette et nimbés de relents de pourriture, ils semblent dormir profondément l'un près de l'autre. Pourtant, quand on leur jette les premiers morceaux de carne depuis l'intérieur de la maison par un trou percé dans le toit, ils arquent nerveusement leurs têtes rouges et, avec des grognements gutturaux de charognards, se livrent à de bruyantes agapes sur les plaques de zinc.
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Maintenant hors du village, en rase campagne, éclairés par des torches ou des lampes à carbure et suivant toujours la ligne de chemin de fer, nous allongions le pas, pleins de courage et d'espoir en notre mission. A la vérité, la grande épopée que nous étions en train de vivre nous paraissait incroyable: nous prenions soudain conscience de n'être plus une poignée de travailleurs de la compagnie San Lorenzo mendiant une augmentation de salaire au gringo de la bouffarde mais, rassemblés du jour au lendemain en une foule poursuivant son rêve, de nous être transformés en une sorte d'armée de libération de pampinos, en une caravane épique et dépenaillée d'hommes, de femmes et d'enfants traversant un des endroits les plus inhospitaliers du monde pour revendiquer leurs droits. Et, même si la plupart d'entre nous s'étaient lancés dans l'aventure dans l'état où ce vent de courage les avaient emportés - avec le cœur pour boussole et l’espoir pour raison de campagne - , chacun sentait un indescriptible sensation d'audace et de liberté bouillonner dans son cœur.
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- Ce José Pintor est un mécréant! Un jour je l'ai entendu dire que Dieu aimait sûrement beaucoup les pauvres pour en avoir créé autant. Quelle énormité!
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