Charlie Chaplin ne commença pas sa vie sous les meilleures auspices, tant s'en faut. Celui qui, sous les traits du "vagabond", allait devenir le personnage le plus célèbre et le plus adulé du monde, grandit à Londres, à la fin du siècle dernier, dans des conditions de pauvreté et de dénuement qui rappellent les romans de Charles Dickens. D'ailleurs, il n'est sans doute pas indifférent qu'Oliver Twist soit toujours resté son livre de chevet.
Qu’évoque mon nom dans l’esprit de l’homme de la rue ? Une petite silhouette pathétique mal vêtue, un chapeau melon cabossé, un pantalon-sac, de grandes chaussures et une canne prétentieuse. Oui, cette canne est vraiment importante pour mon personnage. Elle constitue toute ma philosophie. Non seulement je la conserve comme emblème de respectabilité, mais, avec elle, je défie le destin et l’adversité. Ce pauvre petit être craintif, chétif, mal nourri que je représente à l’écran n’est, en effet, jamais la proie de ceux qui le tourmentent. Il s’élève au-dessus de ses souffrances; victime de circonstances malheureuses, il se refuse à accepter la défaite. Lorsque ses espoirs, ses rêves, ses aspirations s’évanouissent dans la futilité et le néant, il secoue simplement les épaules et tourne les talons. Il est assez paradoxal de constater que ce masque tragique a créé plus de rires qu’aucune autre figure de l’écran ou de la scène. Cela prouve que le rire est bien près des larmes…
David Robinson (film historian + critic) interview, unedited version.