Oui, certainement, un petit garçon ne se retrouve pas à devoir se palucher 6 fois par jour sans qu'il ait un problème psy.
Oui, certainement, les propos, les actes de sa mère, et toute cette vision du monde où la frontière est entre "gentils" (juifs) et "goys" (non juifs) - les "gentils" se devant d'être parfaits, y sont pour quelque chose.
Portnoy doit toujours être le meilleur, être parfait. Il y parvient (hormis son obsession onaniste) - mais il souffre.
Sa soeur, plus âgée, parle au petit Portnoy de l'intense antisémitisme de l'époque (2nde guerre mondiale), qui peut expliquer l'attitude des parents. Mais Portnoy est petit. C'est par eux qu'il souffre, c'est de leurs travers à eux dont il est le témoin direct : les préjugés communautaristes, le racisme (dirigé contre les noirs), la posture : "les juifs contre le monde entier", les efforts désespérés de son père pour singer les postures de ses oppresseurs non-juifs (habits, autoritarisme), qui le rendent maladivement constipé.
Alors Portnoy se révolte.
Sa révolte ne va pas d'abord être tournée vers la résolution de son problème personnel, ni tournée principalement contre ses parents : il va vouloir embrasser la cause de tous les opprimés, juifs ou non juifs, ouvriers, noirs. Mais, pour lui, cela signifie s'engager auprès des Démocrates. Bonne idée ? En tous les cas il devient militant.
Mais, mais... dans le face à face humain, dans la proximité avec autrui, un autre rapport se révèle où Portnoy se retrouve, pour une fois, en position de force. Il se retrouve en position de force face à des femmes qui pensent n'avoir rien d'autre à lui offrir que de l'accompagner dans son obsession sexuelle, qu'il va pouvoir mépriser.
Ses copines, il les appellent toutes d'un nom de légume ou d'animal ("le singe", "la citrouille", etc. ).
Alors qu'il va avoir pour maîtresse une femme "goy" (non juive), étudiante comme lui, partageant son militantisme, il ne pourra pas s'empêcher de privilégier sa relation avec une femme illettrée, sans autre ambition que de se marier avec lui, mais qui va au devant de son désir sexuel ; une femme qu'il méprise... mais qu'il peut dominer
D'opprimé, il se fait oppresseur, voire agresseur de femmes.
Programmé pour réussir à tout prix, il réussit socialement. le voici titulaire de hautes fonctions dans la société. Mais il est toujours malade.
Il essaie de se fuir, en allant en Israël où il serait enfin juif... comme tout le monde : enfin appartenir à la majorité ; enfin être entouré de "frères" et de "soeurs" ; enfin ne plus être persécuté. Et guérir ainsi ?
Mais il s'aperçoit qu'il y a loin de la communauté d'identité religieuse à la fraternité : il connaît tout un tas de tracasseries et se voit renvoyé à son statut d'étranger...
Alors son sexisme, présent tout du long de son récit, reprend le dessus et... tourne au crime.
Il m'a semblé en lisant quelques critiques sur Babelio, qu'aucun lecteur, même pas ceux qui ne sont pas tendre avec l'auteur, ne fasse remarquer que, dans ce livre, l'auteur raconte un viol, le viol que commet Portnoy (et peut-être l'auteur lui-même si le livre est autobiographique) - du moins une tentative de viol très violente, en Israël. On est très mal à l'aise devant le ton détaché presque humoristique, avec lequel il raconte la scène sordide. Sentant qu'il a sans doute fait quelque chose d'illégal, Portnoy s'imagine à son procès (dont il n'a jamais été inquiété) : "Tout ce que je voulais c'était seulement donner un peu de plaisir et m'en faire un peu à moi-même. Pourquoi, oh pourquoi ne puis-je obtenir le moindre plaisir sans que le châtiment vienne à sa suite comme en remorque" "Pourquoi bon Dieu est-ce que je ne pourrais pas m'amuser un peu ?"
Alors certes, Portnoy souffre et veut guérir. Et on le sait depuis le début : Portnoy est allé voir un psy. Et tout le livre consiste dans ses confidences à ce psy.
Mais ce qui passait encore, au début, pour courageux et honnête : parler ouvertement de choses plutôt inavouables pour les analyser comme symptômes d'une certaine condition et comme origine d'une révolte potentiellement féconde, se change, pour moi, en pleurnicheries complaisantes et lassantes pour justifier ce qui est devenu une vie d'agresseur sexuel. La révolte devient un alibi. En tous les cas, si disposer d'un bouc émissaire (la femme) le dispense désormais de combattre pour changer la société, cela ne le guérit pas. Bien fait !
Le ton et le style libre et original de l'auteur, qui lui ont attiré succès et estime, ne parviennent pas à me faire négliger le fond sexiste du propos ; ne parviennent pas à me faire apprécier l'auteur dont c'est ma première lecture - surtout s'il a fait ici oeuvre plutôt autobiographique comme je l'ai lu quelque part.
J'avais d'autres livres de lui dans ma PAL : vais-je y retrouver ce que je n'ai pas apprécié ou bien vais-je avoir une bonne surprise ? Si oui, avec quel livre ? Merci.
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On suit la vie difficile et mouvementé d'un enfant puis d'un jeune adulte juif américain - vrai obsédé sexuel - sous le joug bienveillant d'une mère juive plus que juive et dans la quasi-absence d'un père constipé qui a démissionné bien vite de son rôle de paternel.
C'est raconté avec une franchise assez désarmante et pas mal d'humour.
mais je dois avouer ne pas avoir totalement accroché à ce personnage de Portnoy d'un narcissisme délirant.
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Philipe Roth est Philippe Roth. Juif, plus que juif, merveilleusement juif. Sexuellement obsessionnel et désespéré. Je n'avais jamais lu son roman inaugural et soyons sincère, ce n'est pas le meilleur. A certains égards, il est daté, un peu confus, et indigeste. Non pas en ce qu'il doit choquer certains lecteurs mais en ce qu'il est répétitif dans son propos. Il n'en demeure pas moins qu'il comprend certains passages d'anthologie sur la culture juive, sur l'oppression parentale. Un monologue destiné à un psychanalyste est par essence oeuvre de narcissisme et ici celui-ci est porté à son paroxysme et finit par fatiguer. La fatigue saisit alors le lecteur, enclin à sauter certains passages. Ceci constitue néanmoins une préface utile à la suite de son oeuvre et donne un fil d'explication à ce qu'il écrira plus tard, en se détachant quelque peu de son propre noyau dur.
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C'est un livre qui a fait scandale à sa sortie et comme tout livre qui n'a d'original que son aspect subversif, il a mal vieilli. Journal d'un obsédé sexuel qui a une relation malsaine avec sa mère. Outre ses jubilations freudiennes, il ne se passe pas grand chose. Des scènes interminables d'onanisme de bon aloi. Heureusement le roman est court.
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