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EAN : 9782070448432
336 pages
Gallimard (02/11/2012)
3.76/5   37 notes
Résumé :

Comment gagner sa vie honnêtement est un texte autobiographique, qui inaugure un cycle intitulé : « La vie poétique-une histoire de France ». Le projet ambitieux de Jean Rouaud est de restituer la vie de la société française de la deuxième moitié du XXe siècle à travers son itinéraire personnel, mêlant les faits réels, les anecdotes vécues, et les émotions poétiques,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Lu- 18 février 2020---

"Il était mélancolique et racontait volontiers son expérience communautaire. Pour lui qui n'avait pas fait d'études, la rencontre de ces jeunes gens avait été une chance. Il avait pris goût aux longues conversations philosophiques, aux débats d'idées, avait découvert le bonheur de la lecture- il remontait d'ailleurs une caisse de livres estimant que par son travail il les avait bien mérités. (...)
Le sentiment, le temps passant, d'être moins considéré, comme si l'ancienne hiérarchie reprenait ses droits, les intellectuels en haut, les manuels en bas. "(p. 308)

Un ouvrage assez inclassable, acquis à la librairie Texture , dans le 19e parisien, en juillet 2011, débuté et abandonné plusieurs fois....
Récit multiforme d'un jeune homme en devenir, récit débutant dans les années 60, le vécu de mai 68, les petits boulots exécutés par notre écrivain, dont l'expérience du travail en usine, à la chaîne, qui l' a marqué durablement.
Jean Rouaud, jeune garçon de 11 ans, orphelin de père, s'est mis à faire mille petits jobs, afin d'aider sa mère, veuve. Ainsi notre "narrateur" s'est immergé autant dans le monde ouvrier que dans l'univers étudiant !

Un ton d'autodérision constante accompagne ce récit autobiographique, où cette autodérision touche plus particulièrement les luttes de classes,mais aussi ses multiples mésaventures entre l'auto-stop, ses "ratés"
lamentables avec la moto du cousin, ses départs "écolos" dans les campagnes de l'hexagone, expériences plus ou moins concluantes de vie communautaire, son refus de rentrer dans le rang, de faire une quelconque carrière, ses allergies à l'autorité, au service militaire,ses refus constants, en somme !!..


Par moments, un côté franchement comique d'aventures à la "Gaston Lagaffe" !!!

Rouaud narre aussi ses admirations littéraires dont font partie à des siècles de distance Kamo No Chomei (12e) ( que j'ai découvert grâce à cette lecture), et Serge Rezvani...dont il parle abondamment avec une admiration sans réserve !


Après avoir eu du mal à rentrer dans le texte, je me suis rendue compte qu'il me fallait simplement aborder ce texte sans idée préconçue, me laisser porter par l'abondance des digressions de l'auteur, qui offre au final, un portrait très affiné, détaillé d'un jeune homme , ayant traversé "Mai 1968", même si ce dernier s'est laissé plutôt porter par les événements et les rencontres.Double portrait: celui de notre écrivain et celui, détaillé, réaliste de la société de l'époque ! le collectif qui croise un destin personnel, modeste, se cherchant dans une société auquel le narrateur ne parvient pas à adhérer !

Un jeune homme attiré par rien, si ce n'est l'Ecriture, se cherchant, n'ayant pas encore trouvé son "chemin" , "sa voie"...
Il y livre ses remarques sur la société française où il a grandi, dans laquelle il vit, à une époque sociétale de basculement , de remise en cause du travail, des inégalités criantes, de la lutte des classes... Des passages très virulents, toujours d'actualité !!..

En sus de l'expérience difficile en usine, un autre "petit boulot" a fini d'écoeurer, de révolter notre apprenti-poète : la vente en porte à porte d'encyclopédies médicales. Un démarchage intrusif, scandaleux, s'attaquant aux classes les plus modestes, ne pouvant se défendre avec les mots (intimidés par ces derniers !), se retrouvant avec des crédits inutiles, quasi "extorqués" !!!...

Des années de "non-être", de petits boulots peu satisfaisants jusqu'à la parution de son premier livre qui le fera connaître, "Les Champs d'honneur"...


"En dépit des apparences, j'étais toujours sur le bord des routes à tendre le pouce, toujours saltimbanque, toujours à la marge quand il me semblait que j'avais laissé loin derrière moi mes années tristes, toujours un peu voyou. "( Gallimard, 2011, p. 54)


"Je m'imaginais réitérant inlassablement mon refus d'effectuer mon service militaire, comme je l'avais écrit sur toutes mes copies depuis deux jours. Objecteur de conscience, alors ?
Non, non, pas seulement la conscience, tout objecte chez moi. Rien ne me va de ce que vous me proposez, ni l'uniforme quand je tiens à ma singularité, ni obéir aux ordres quand je tiens à ma liberté, ni porter une arme quand j'avance dans la vie, démuni, bras ballants." ( (Gallimard, 2010, p. 212)

Je suis prête et curieuse de lire et découvrir les trois autres volumes de cette "Vie poétique" qui semble composer un tableau sociologique très attractif, de la seconde partie du 20e à la première part du 21e, en passant par le parcours complexe d'un écrivain, talentueux, qui est parvenu à concrétiser son rêve de toujours : La reconnaissance de son "écriture" , de sa "Plume" !!
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Voyage en pays de nostalgie, je me retrouve dans l'évocation de cette période, dans les rêves décryptés par le recul de l'expérience. Beaucoup de pudeur et de poésie imprègne ce passé pas si lointain mais qui semble ici appartenir à la préhistoire tant les rapports humains ont changé. La naïveté tenait lieu de foi inébranlable en un monde meilleur. Jean Rouaud y a-t-il jamais cru ? Je ne le crois pas, il semblait déjà "ailleurs", il suivait en spectateur, trop contemplatif,déjà adulte peut-être. Il laissait les illusions des lendemains qui chantent à d'autres, plus en phase avec les discours enflammés du moment.
Je le sais, j'ai le même âge et ai vécu dans la même région, mais moi, j'y croyais, l'éducation sans doute. A mille lieux de son comportement mais aujourd'hui, le temps a fait son oeuvre et je souris. Son idéal se situe dans une grande humilité face à l'existence, face aux autres, aux grandes questions existentielles, sans réponses. Il n'y a pas de mode d'emploi, à quoi bon chercher et quoi chercher ?
Regarder, c'est déjà comprendre et cela doit suffire à son bonheur.
Heureux homme.
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La première phrase donne le ton, c'est une citation de Thoreau et dès lors on sait que sera absent de ce livre toute négligence ou réflexion superficielle. Rouaud joue dans la cours des grands, un style proustien avec des phrases de 18 lignes (j'ai compté) rend la lecture hypnotique mais au moindre manque d'attention c'est cuit , il faut tout reprendre. Jean Rouaud nous livre avec une précision d'enquêteur ses années 60/70, ses expériences de baba cool, le "Stop" monument de l'époque, les petits boulots, la vie de routard un jour là, un autre là-bas, les amis et cette fascination toute intellectuelle pour le monde ouvrier. Mais il semble perdu dans ce monde, toujours un peu en retrait avec ce regard lunaire ce le monde qui l'entoure. Ce n'est pas un livre bruyant, plein de haschich et de sexe libre au contraire, à contre courant des livres à la mode écrit par des publicistes brillants, ce roman/autobio/mémoire (?) questionne le passé de l'écrivain, ses morts, ses illusions, il nous livre une vision désenchantée de cette période qui signe la fin des grands récits et des grandes utopies. On y croise, entre autre, Kérouac, Casavettes, Rousseau, Simone Weil ( la merveilleuse philosophe) j'y ai appris que La Bruyère vivait malheureux son statut de précepteur ... Lu trop vite, je n'ai pas pu en recueillir toute la force mais je le relirai très vite !
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Une autobiographie littéraire en même temps qu'une traversée de la France de la seconde moitié du XXe siècle, c'est ce à quoi nous convient les 4 volumes de la vie poétique de Jean Rouaud, par ailleurs lauréat du Goncourt 1990 pour son merveilleux roman Les Champs d'honneur. Publiés entre 2011 et 2015, Comment gagner sa vie honnêtement, Une façon de chanter, Un peu la guerre, Etre un écrivain nous livrent ainsi la matière autobiographique de son oeuvre avec, comme fil d'Ariane, la question obsédante : comment devenir écrivain, surtout en ces temps formalistes – nous sommes quelques années après mai 68 – qui ont décrété la mort du roman ? Jean Rouaud conte avec émotion et l'humour qu'on lui connaît les événements fondateurs d'une vie plutôt chagrine dans cette France humide de l'Ouest Atlantique, mal préparée aux sirènes de la modernité des années 60 et 70.
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" Sur la question de savoir comment gagner sa vie honnêtement, on n'a presque rien écrit qui puisse retenir l'attention." Par cette citation de Thoreau démarre ce nouvel opus de Jean Rouaud, qui bien sûr ne va pas répondre à la question. Toujours myope, ce qui aura son avantage lors des trois jours, fils de sa Loire-Inférieure de tradition catholique, ayant du mal à se défaire des valeurs de sa famille, assez emprunté il l'avoue, le voilà qui après 68 devient étudiant, sans grande idée de l'avenir à choisir, vivotant de petits boulots qu'à l'époque on trouvait aisément, distributeur de prospectus, ouvrier aussi, vendeur d'encyclopédies, de glaces sur une plage. du saisonnier.
L'époque des cheveux longs, de l'auto-stop assez aléatoire (ah le routier plus que pervers, mais il s'échappe), des squats, des fumettes (pas son truc, il veut garder la cervelle libre pour la poésie).

Pour la construction du récit, en dépit d'une impression de naviguer à vue, c'est finalement bien maîtrisé, pour l'amusement du lecteur qui retombe sur ses pattes. Pour l'écriture, pas de "écrire vite, précipité, haché, tout en ellipse et suspension, factuel et concentré". Ce qu'il aime, ce sont "les adjectifs soyeux, les adverbes traînants, les contournements alambiqués, les antiphrases perfides, les prolégomènes fuyants (...)".

Point trop d'histoire familiale là-dedans, la page est tournée, "je ne sais même plus à quoi ressemblait mon père derrière le portrait que de livre en livre j'ai fait de lui - et ma mère prend le même chemin."
Lien : https://enlisantenvoyageant...
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Ne t'inquiète pas, me disait Chardin. L'art se moque de ce qui brille. Fais comme moi. Fais la sourde oreille. Rends compte le plus honnêtement, le plus simplement, de ce que tu vois. Et si tu sais voir, ce qui implique de fermer les yeux, tu y verras des beautés qui valent largement celles des beaux quartiers. (p. 13 / Gallimard, collection Blanche, 2010)
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« Sur la question de savoir comment gagner sa vie honnêtement, on n'a presque rien écrit qui puisse retenir l'attention. » J'avais noté la réflexion de Thoreau dans un petit répertoire téléphonique rouge tenant dans la paume d'une main, où je collectais pêle-mêle les noms de personnes, peu nombreuses au vrai, qui ne me disent plus grand-chose aujourd'hui, sur lesquelles j'essaie vainement de coller un visage, mais qui peuvent-elles bien être ? à quelle occasion avais-je trouvé utile de solliciter leurs coordonnées ? et d'autres, beaucoup plus connues, auxquelles je n'ai jamais fait faux bond, quand, d'ordinaire, c'est moi qui ne fais pas montre d'une fidélité exemplaire. Et cette permanence du sentiment est liée essentiellement à la notoriété de celles-ci, ce qui pourrait faire de moi un adepte du name-dropping, mais pas au sens où on l'entend couramment, de ces convives qui prennent un vif plaisir à semer tout au long du repas la liste glorieuse de leurs relations. J'étais bien trop pauvre pour m'approcher des lumières du monde, bien trop démuni, et d'ailleurs je n'en éprouvais aucun désir, ces fumerolles alimentées par des émanations éphémères ne m'éclairaient pas, n'étaient d'aucun secours à ma désolation.
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Je m'imaginais réitérant inlassablement mon refus d'effectuer mon service militaire, comme je l'avais écrit sur toutes mes copies depuis deux jours. Objecteur de conscience, alors ? Non, non, pas seulement la conscience, tout objecte chez moi. Rien ne me va de ce que vous me proposez, ni l'uniforme quand je tiens à ma singularité, ni obéir aux ordres quand je tiens à ma liberté, ni porter une arme quand j'avance dans la vie, démuni, bras ballants. ( (Gallimard, 2010, p. 212)
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N'ayant aucun talent de ce genre, je savais bien quelles fiches on sortirait à mon intention : OS, autrement dit ouvrier spécialisé, ce qui contrairement à sa dénomination signifiait un homme sans qualification. (Gallimard, 2010,p. 89)
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Non, en fait, ceux-là; consignés dans mon carnet rouge, je les annexais d'autorité, sans leur demander leur avis. Alors que je n'étais rien, je profitai de mon extrême solitude pour dialoguer avec eux et leur demander conseil et soutien. En dépit de leur immense renommée, jamais ils n'ont failli. Ils ont toujours répondu présents. Ils constituent encore aujourd'hui les éléments inamovibles de ma garde rapprochée.

Ainsi à la lettre C (...) on trouve Chateaubriand (François-René) (vicomte de) Saint-Malo 1768- Paris 1848. Pas de téléphone, en vis-à-vis, bien sûr (...)
Il était mon tuteur, mon repère et ma force. (p. 10-11 / Gallimard, Collection blanche, 2010)
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