S'il est quelque chose du temps perdu que je voudrais retrouver, c'est bien l'immensité du ciel et aussi, peut-être, à l'heure où le soleil descend, certaine petite route droite du Manitoba, qui partage des champs de blé comme sans limite... Mais ce que je voudrais le plus retrouver de ce temps, c'est avant tout un sentiment d'exaltation, ce mouvement de l'âme par lequel, un instant, elle semble s'accorder à l'infini.
Au fond, la tragédie des gens assis dans la nuit douce qui se racontaient leur vie de maison en maison, de rue en rue, était simple. C'était la tragédie toute banale des multitudes un peu partout dans le monde à cette époque... et encore maintenant. Celle des gens issus de la campagne, au coeur encore naïf, à l'esprit encore rustique, à l'âme encore religieuse, et les voilà projetés brusquement dans l'ère industrielle puis demain déjà dans la nucléaire? Mais où va-t-on si vite et pourquoi ? Est-ce cela le progrès ? Encore plus de béton ? Plus d'usines ? Ou bien quelque autre espoir au visage encore inconnu ? Un monstre ? Un ami ? Une libération ? Ou le progressif emmurement ?
Sean Mills lit un extrait du texte ''Ma rencontre avec les gens de Saint-Henri'' de Gabrielle Roy.