Troisième tome de la série de Ruy Sanchez à Mogador, cette fois il nous parle de la terre, ce livre très sensuel est un hymne aux jardins et les paragraphes nous promènent dans les jardins imaginaires de Mogador. Un très beau voyage, une belle déclaration d'amour aux femmes, à la nature. Ce livre est un livre de poèmes, de sensualité. On se promène avec délectation dans ses histoires de jardins et dans cette déclaration d'amour à la Femme. Un beau moment de lecture.
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Sur l'une des collines qui entourent Mogador au nord-est, une femme a semé des plantes appelées "esclaves de l'arc-en-ciel". Elles donnent des fleurs aux pétales brillants, qui sont l'une des plus belles visions qu'aient eues certains mystiques de religions diverses. Mais elles ne durent qu'un jour et meurent. Toutefois, si l'on retire pendant la nuit les feuilles et les fleurs fanées, la plante donne une autre fleur le lendemain, d'une couleur différente. Les gens se font une fête de les planter, puis ne tardent pas à les négliger, lassés de tous les soins qu'elles exigent, et les plantes meurent. Cette femme, quis'appelle Lalla, a semé ces fleurs, à peu de distance l'une de l'autre, sur un coteau long de plus de cent mètres, oú elles font un tapis de couleurs éblouissantes, et a décidé de devenir leur esclave.
"Eh bien, je ne serai qu'une esclave de l'arc-en-ciel de plus", déclare-t-elle, jouant avec le nom de ces fleurs pour se moquer de ceux qui lui reprochent de se donner tout ce travail, et elle s'habille chaque jour d'une couleur différente, pour ne pas détonner avec la nuance dominante de son parterre. p 131-132
Près de la source, à l'endroit où Hassiba s'était levée pour partir en courant, se dressait une stèle en pierre d'apparence millénaire. L'un de ses côtés était couvert d'une inscription... :
"Entre. Ceci est le jardin où le corps se meut dans le vent comme les plantes qui naissent de la terre. Où les sens s'épanouissent. Où la voûte du ciel et les figures stellaires forment le toit qui veille sur le vol du pollen des songes, quand ceux-ci parviennent à échapper à leurs reflets dans les bassins. Entre."
Il n'y avait pas de porte derrière la stèle, mais un sentier ondoyant qui se perdait dans l'épaisseur du feuillage des grands arbustes aux odeurs pénétrantes. p 41
"Quand nous étions encore des enfants avides de contes anciens et nouveaux, elle nous réunissait sous un grenadier, là, dehors. Et je t’assure qu’une fois lancée dans un récit, même le vent s’arrêtait pour l’écouter. Elle ouvrait un trou dans le temps, comme si une seconde se changeait soudain en un fruit mûr ouvert en deux, et la saveur de ses paroles nous attirait dans cet espace appétissant. Peu importait l’heure qu’il était. Elle devenait reine du temps. " p 51
Je viens porté par mon sang. Par sa musique.
Je viens guidé par ma langue. Par sa soif.
Tous les jours je me vêts de vents, de marées, de lunes.
Et ici, quand on m'écoute, de tout cela je me dévêts.
Je ne suis que le souffle de ce que je conte. Une voix somnambule.
Une voix bouleversée cherchant l'intimité de la terre.
Interview (Salon du livre 2009)