"Bonjour, vous êtes bien au service après-vente de Dieu. Vous avez une prière pour un proche ? Dites : Un. Vous voulez expier un péché : Dites : deux. Vous êtes victime d'un supérieur ? Dites : Trois... Nous sommes désolés, toutes nos lignes sont actuellement occupées, rappelez-nous un peu plus tard... Tut... tut... tut..."
1 - Un seul Dieu tu aimeras et adoreras parfaitement.
J'avais cru comprendre que les romans de
David Safier étaient très humoristiques, et comme je ressentais le besoin de faire une petite pause entre deux thrillers remplis de psychopathes, de tortures et de décapitations, j'ai essayé son second livre sans conviction. Ce que j'ignorais, c'est qu'il allait s'agir d'une comédie romantique. Pourtant oui, il y avait un indice dans le titre. Mais Jésus n'est-il pas censé nous aimer tous ?
2 - Tu n'auras pas d'autre Dieu que moi.
Grande adolescente en léger surpoids de ... trente-quatre ans, Marie n'est pas très croyante mais souhaite tout de même se marier à l'église du père Gabriel. C'est quand même plus classe qu'à la mairie pour une telle cérémonie.
Quand le grand jour arrive, elle sera cependant incapable de répondre "oui" à Sven, cet homme qui pourtant l'aime jusqu'au dernier kilo et lui fait de longs massages de pieds. Des qualités finalement insuffisantes, surtout quand on pense encore beaucoup à son ex. S'engager pour toute la vie, c'est un peu long quand même. Un échec amoureux de plus pour Marie donc, qui ne sait plus où se mettre.
"Pourquoi n'avais-je pas un système de bâillon intégré pour me faire taire à chaque fois que je m'apprêtais à poser une question idiote ?"
3 - Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain.
Arrive alors Joshua, un charpentier d'origine palestinienne plutôt bien bâti venu effectuer des travaux de toiture. Marie est sous le charme de cet homme au look hippie. Mais lors de leur premier dîner, elle doit se rendre à l'évidence : il est complètement barge. Il dit avoir passé deux mille ans au ciel avec le plus grand naturel, invite un SDF à leur table pour partager leur pizza, répand la bonne parole lors d'une soirée karaoké... Bref, il se prend pour le messie réincarné. Et en plus, il ne semble guère sensible à ses avances.
Malgré ses compliments adorables ( "En Judée une femme de ton âge était déjà grand-mère. Si elle n'avait pas la lèpre." ), Marie reste cartésienne. Jusqu'au jour où le doute n'est plus permis : Il la sauve de la noyade en marchant sur l'eau.
4 - Souviens-toi du jour du sabbat.
Joshua alias Jésus est en mission : Il doit faire venir le royaume de Dieu sur terre.
"- Si le royaume des cieux vient sur terre, ça n'aura pas que des avantages pour les hommes
- Pourquoi ? D'après ce que j'ai compris, il n'y aura sur terre ni mort ni misère. Et plus de chagrin d'amour non plus, je suppose. Ni d'acné."
Le seul problème : Tout le monde ne sera pas élu pour entrer dans ce sanctuaire. Avoir des valeurs, appliquer les dix commandements ou être croyant sont des qualités indispensables pour ne pas finir brûlé sous le déluge de feu qui va s'abattre.
5 - Honore ton père et ta mère.
C'est le commandement le plus difficile probablement à appliquer. La séparation de ses parents a valu à Marie de longues heures de séances avec un psychiatre. Encore aujourd'hui elle a du mal à pardonner à sa mère Silvia de les avoir abandonnés. Mère qui file aujourd'hui le parfait amour avec le pasteur Gabriel, qui fut autrefois un ange. Et qui s'assure entre deux parties de jambes en l'air que le retour de Jésus se passe comme prévu. Quant à son père, il était heureux d'annoncer à sa fille qu'il avait enfin fait une rencontre sur internet, mais Marie voudrait lui faire entendre raison : Sveltana, vingt-cinq ans, issue d'Europe de l'Est est incontestablement davantage intéressée par l'argent ou par la nationalité allemande que par le crâne dégarni de son prétendant.
6 - Tu ne tueras point.
"Dans la Bible, il y avait décidément plus de sexe et de meurtres que sur RTL2."
Tout n'est cependant pas que délire religieux et déboires sentimentaux : Kata, la jeune soeur de Marie, est atteinte d'une tumeur au cerveau. Ce sera quasiment la seule note dramatique du roman. Kata est également dessinatrice et quelques planches de bandes dessinées appelées "strips" viennent épisodiquement illustrer le livre des pensées de cette soeur condamnée : sa complicité avec Marie ( entre tendresse et moqueries ), mais aussi sa haine d'un Dieu qui l'a rendue malade.
"Pourquoi Satan faisait-il soudain son apparition dans les dessins de Kata ?"
7 - Tu ne commettras pas d'adultère.
L'issue du jugement dernier est donc entre les mains d'une
Bridget Jones allemande, jalouse et névrosée.
"Le sort de l'humanité était entre mes mains ! J'étais la seule à pouvoir sauver le monde !"
Pour nous sauver, elle devra cependant devenir un peu plus croyante et parfaire sa maigre connaissance du catholicisme. Elle essaiera de lire la Bible mais se rabattra très vite sur les films bibliques de Scorsese, Gibson ou Jewison, plus faciles d'accès.
Mais il sera difficile de rallier Jésus à sa cause au vu des sentiments qu'il semble toujours éprouver pour son ex, Marie-Madeleine. Comment rivaliser avec une morte ?
8 - Tu ne voleras pas.
Gentillet, le roman de
David Safier n'est pourtant pas qu'une succession de moments cocasses. Je ne vais pas insinuer qu'il est riche intellectuellement mais il garde toujours un certain recul avec la religion, tout en nous restituant des passages de la Bible et en les réactualisant au sein de notre monde moderne afin de provoquer des situations décalées. La chrétienté est parfois écorchée ( "Il devait être à peu près aussi bien disposé envers moi que le pape envers les fabricants de préservatifs" ), notre attention est également attirée sur les reproductions d'une vierge Marie particulièrement jeune et pâle dans nos églises alors qu'elle devrait être logiquement ridée et avoir la peau plus foncée au vu de ses origines méditerranéennes. Si l'immaculée conception demeure acquise, Joshua rappelle également qu'il avait des frères et soeurs. Mais "blasphème" demeure un bien grand mot pour parler de ce livre qui égratigne simplement la religion tout en respectant ses valeurs. Je dirais qu'il est simplement irrévérencieux.
"Qu'y avait-il avant que Dieu ait créé l'univers ? le paradis terrestre avait-il vraiment existé ? A quoi pensait Dieu quand il a inventé les menstruations ?"
9 - Tu ne feras pas de faux témoignage.
Objectivement, j'ai pris énormément de plaisir à lire cette farce. C'est rarissime que je me surprenne à sourire voire à ricaner bêtement en lisant. La première partie surtout m'a amusé, avant que "
Jésus m'aime" ne se transforme en délire mystique. le soufflet retombe un peu à mi-chemin : l'intrigue vire au surnaturel et devient un peu indigeste, et toute cette accumulation de bêtises devient à force moins efficace. Parce que des conneries ( il n'y a pas vraiment d'autres mots ), il y en a deux ou trois par page. Certaines tombent à plat, un peu lourdes mais beaucoup font mouche parce qu'elles soulignent avec ironie les travers des personnages et par ricochet, nos propres imperfections.
"Sur l'autoroute, je ne cessais d'engueuler Michi parce qu'il tenait compte de bêtises telles que les limitations de vitesse et l'interdiction de doubler à droite."
"Adolescente, à chaque fois que j'avais un chagrin d'amour, j'écoutais I will survive et je dansais dans ma chambre en dansant comme un kangourou sous ecstasy."
10 - Tu ne convoiteras ni la femme, ni la maison, ni rien de ce qui appartient à ton prochain.
Dans ce livre vous ferez donc connaissance d'une petite famille dysfonctionnelle de Malente ( une petite commune d'Allemagne qui existe réellement ), vous saurez si Jésus était gay, vous vous demanderez à quoi ressembleraient les églises si le Christ avait pris des somnifères au lieu d'être crucifié. Vous saurez que les sept plaies d'Egypte ont provoqué une sacrée crise agricole et vous trouverez le diable irrésistible sous les traits de Georges Clooney : En résumé vous mettrez votre cerveau sur pause un court moment en vous amusant des situations et réflexions totalement absurdes imaginées par
David Safier sur un fond de comédie sentimentalo-religieuse. Et même si le rire ne fonctionne pas pendant chacune des 340 pages, même si l'humour est parfois lourd et l'histoire à l'inverse vraiment légère, j'ai passé dans l'ensemble un très bon moment de détente malgré un final grand-guignolesque et c'était tout ce que je demandais.
Une expérience que je réitérerai avec plaisir de temps en temps, comme une grande bouffée d'air frais entre deux lectures plus sérieuses et angoissantes.